Logo

La théorie du genre, ou comment faire paniquer un parent en 2023

Il y a plus d’espoir qu’il n’y paraît.

Par
Daisy Le Corre
Publicité

En 2013, j’essayais tant bien que mal d’échapper aux maudits culs bénis français qui défilaient dans les rues de Paris (et d’autres villes) pour casser du sucre sur le dos des communautés LGBTQ+. J’avais déjà raconté tout ça en long en large et en travers ici, si ça vous chante.

En 2014, après avoir découvert Montréal et être tombée en amour avec l’une de ses habitantes, je pensais naïvement avoir trouvé refuge à 7000 kilomètres de ces fanatiques de la papemobile… Mais non!!

Moi qui pensais être tranquille au pays de l’hiver et que ma coupe de lesbienne n’allait offusquer personne, le 20 septembre dernier, le « 1 Million March 4 Children » et ses aficionados de Dieu m’ont bien fait comprendre que je m’étais trompée. Entre-temps, j’ai aussi eu la bonne idée de devenir parent…

Autant vous dire que je suis un peu le méga bingo des haters et que je cristallise à moi toute seule pas mal de leurs frustrations. Priez pour moi.

Publicité

Mais venons-en au sujet principal : c’est quoi, au fait, le problème de celles et ceux qui se prennent pour des missionnaires de Dieu? Scoop: c’est la fameuse « Théorie du genre » mais aussi, et surtout le fait que ce soit enseigné à l’école qui a déclenché un tel tollé. L’éducation à la sexualité et à la diversité de genre serait en contradiction avec les soit-disants « droits parentaux », estiment certains envoyés/illuminés de Dieu.

Tempête dans un verre d’eau

Comme le rappelait très justement Morag Bosom dans ce très bon article, « le programme d’éducation n’impose pas d’identité ou des façons de penser à ramener à la maison. Il a juste pour but de leur présenter l’éventail des possibilités. » On y apprend quoi exactement ? Tout ça, et pas avant la 6e année.

Cela fait plus de 40 ans que l’éducation à la sexualité existe dans les classes du Québec… Alors pourquoi en faire tout un plat maintenant, en 2023?

Publicité

« Parce qu’il y a comme un mimétisme de ce qui se fait ailleurs! Quand certains enjeux émergent aux États-Unis, ça ne prend pas beaucoup de temps avant qu’on se pose les mêmes questions au Québec et ailleurs au Canada. En ce moment, il y a des mouvements de droite très forts aux États-Unis qui nous impactent directement ici au niveau des droits LGBTQ+, et même dans la perception qu’on a des genres », explique Rafaël Provost, le très réactif DG d’ENSEMBLE pour le respect de la diversité.

Pour celles et ceux qui ne suivent pas: oui, ça peut sauver des vies d’ouvrir les champs de l’éducation à la sexualité en ne focalisant pas uniquement sur la sacro-sainte hétérosexualité. Pourquoi? Parce que quand le petit Jérémie ou la petite Chloé vont découvrir qu’ils peuvent être librement eux-mêmes, sans que leurs désirs (quels qu’ils soient) fassent désordre, ça va les apaiser, les rassurer et peut-être même les garder en vie.

Comment je le sais? Parce que moi, c’est l’inverse que j’ai vécu. À force de ne pas être représentés.es, visibilisés.es, on finit par croire qu’on a raté quelque chose, qu’on est seuls.es au monde et qu’on ne mériterait peut-être pas d’exister, tout simplement.

Publicité

« À quoi bon si personne ne me comprend et si personne n’est comme moi? ». Voilà ce qu’on se dit quand on est à l’école, face à une tribu (tant de profs que d’élèves) incapables de se mettre à notre place. Perso, j’aurais rêvé d’avoir des cours d’éducation à la sexualité vraiment inclusifs et de voir l’équipe d’ENSEMBLE pour le respect de la diversité débarquer dans ma classe avec leurs ateliers. Des anges tombés du ciel.

« Ceci dit, je comprends les questions que les parents peuvent se poser et celles-ci sont tout à fait valides. Ces gens-là, et j’en fais aussi partie, n’ont pas eu ce genre d’éducation. Ils n’ont pas eu accès aux médias sociaux comme aujourd’hui: les jeunes ont désormais accès à des discours sur la diversité comme jamais auparavant!

On met beaucoup d’énergie à sensibiliser les jeunes, mais un peu moins à sensibiliser les générations antérieures, et à l’heure actuelle, c’est ça le défi », nuance sagement Rafaël Provost.

Publicité

« Je n’ai pas de solution miracle mais je nous sens collectivement dépassés par le sujet. Notre réflexe, quand il y a quelque chose de nouveau, c’est de l’invalider, parce qu’on pense que ça vient nous enlever quelque chose ou qu’on perd notre place, alors que ce n’est pas le cas du tout! ».

DE LA LUMIÈRE AU BOUT DU TUNNEL

En réalité, ce qui se trame en classe est assez simple: on sensibilise les jeunes à la diversité, quelque chose qui existe déjà et existera toujours. À titre d’exemple, ce n’est pas parce que le sujet de la « dysphorie de genre » peut être évoqué en classe que tous les élèves vont se sentir concernés dès le lendemain matin. C’est aussi idiot que de penser qu’un enfant issu d’un couple homo sera forcément homo aussi.

Raphaël Provost précise: « Il s’agit d’éclairer les jeunes sur des réalités existantes sans jamais invalider les autres. Il faut avoir les outils pour accueillir, comprendre et respecter cette diversité, c’est ça le plus important! Rien n’est jamais imposé à personne », rappelle le DG d’ENSEMBLE pour le respect de la diversité qui, malgré tout, reste confiant.

« Je sais que la majorité des gens, même s’ils ne comprennent pas tout, sont ouverts. Ils respectent la diversité sans forcément la comprendre. »

Publicité

En revanche, il avoue être inquiet de voir les mouvements de droite ailleurs dans le monde prendre autant d’ampleur et que les droits des personnes LGBTQ+ ne soient pas les mêmes partout. « Mais il ne faut pas se fier à la minorité qui parle plus fort, même s’il faut la surveiller quand même. C’est important d’apprendre à mieux danser ensemble, c’est ça la clef », estime Rafael Provost dont l’OBNL n’a jamais été autant sollicité. « Les écoles nous contactent plus que jamais pour avoir des ateliers sur la diversité. On a 1220 ateliers bookés jusqu’en juin! Si on se fie à la réponse plus que favorable du côté des écoles, c’est un bon indicateur pour l’avenir et pour la société de demain. »

Hallelujah.