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Qui suis-je?
Rassurez-vous, je ne suis pas devenu complètement philosophicocobongo depuis le début de ce périple, je cite simplement Matt Damon dans le premier Jason Bourne qu’on s’est tapé en famille l’autre soir sur l’estifie de grosse télé de notre Airbnb, à Bogota.
Un excellent film, d’ailleurs. Pour ceux qui l’ont pas vu, ça raconte l’histoire d’un individu sans pitié issu d’un univers mascutox où règne la loi du silence, qui tente de reprendre le contrôle de sa vie malgré des trous de mémoire l’empêchant de mesurer la gravité des gestes posés dans le passé.
À ne pas confondre avec un biopic du commissaire Gilles Courteau ou un documentaire sur l’omerta entourant les sévices subis par les joueurs de hockey junior.
Mais bon, vous n’êtes pas ici pour m’entendre jaser cinéma, passons.
Bogota donc, où nous avons passé une semaine formidable, vraiment. Pas pour rien que 84,6 % de votre fil Facebook s’y rendra au cours des prochains mois (les autres iront au Portugal en retard).
Après s’être enfin habitués à l’altitude, on s’est lancés plus vigoureusement à l’assaut de la ville.
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La culture se porte bien, dans la capitale. Juste dans notre quartier (La Candelaria = bueno, pero mucho turistico), on compte une foule de musées, dont plusieurs gratuits en tout temps (prends des notes, Montréal).
Bon, si c’est gratisse, ça ne veut pas dire que c’est aussi palpitanto (je vais me calmer, promis). La preuve en est avec le musée de l’or, que ma blonde m’a presque vendu comme la dernière chose à voir avant de mourir.
« La plus importante collection d’orfèvrerie du monde avec près de 35 000 objets en or et en tombac [mélange de cuir et de zinc] », a-t-elle lancé en transe, citant Wikipédia.
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Après dix mille étages de colliers, bagues, bracelets et boucles d’oreilles en bling-bling, j’en suis venu à la conclusion que l’El Dorado était finalement juste le beachclub de Pointe-Calumet de l’époque pré-hispanique.
Mais bon, ça change des damnées pointes de flèches du musée Pointe-à-Callière.
Par contre, le musée Botero, ça oui! Gros coup de cœur familial, même pour la petite légèrement inculte, dont la culture se résumait jusqu’ici à des trends sur TikTok, à Dua Lipa et à Mercredi sur Netflix.
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Pour la ménager un peu, toutefois, je ne lui ai pas encore annoncé que les politiciens n’ont plus le droit d’aller sur le réseau social chinois. La pauvre, j’ai peur qu’elle se hara-kiri de la disparition des vidéos de Sonia Lebel.
Revenons à Botero – sorte de Marc Séguin local – toujours vivant à 90 ans, après s’être fait un nom avec ses personnages chubby (sa Mona Lisa est particulièrement célèbre) et ses scènes de la vie quotidienne. Le musée regorge d’œuvres offertes par le peintre de Medellín et puisées à même sa collection personnelle, incluant aussi des Picasso, Chagall, Degas, Renoir et même un Dali. Le musée en lui-même est en soi magistral, avec sa cour intérieure et la colline de Monserrate visible au loin.
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Autre valeur sûre à prix dérisoire : la tournée des graffitis de Bogota, conférant à la ville des airs de musée à ciel ouvert. Moyennant une contribution volontaire (vous aurez droit à une remarque en cas de pingrerie), un guide sillonne durant deux heures les rues de Bogota pour vous raconter l’histoire derrière les murales géantes des commerces, les tours à logements et autres propriétés croisées durant ce pèlerinage grandiose.
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Et c’est franchement intéressant. En plus de s’émerveiller devant le travail des graffeurs vedettes du coin (Stinkfish, Toxicomano), on y apprend la genèse de certaines œuvres comme celle du portrait de Dylan Cruz, par exemple, ce jeune homme tué par la police et dont la mort avait suscité une vive émotion en Colombie, il y a quelques années, devenant l’un des visages de la répression policière. Notre guide José nous a raconté le jeu de chat et la souris entre la police et les graffeurs pour recouvrir et redessiner sans cesse cette murale hautement symbolique.
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Côté bouffe, on mentirait d’affirmer qu’on vit l’extase gastronomique, à date. Ah, et on fait des efforts pour ne pas manger de la pizza margherita et du spaghetti bolognese, je vous jure. On suit même vos recommandations (le Puerta falsa était toujours fermé, JP).
Mais pas le choix d’avouer que le mets national, l’ajiaco, consiste en une fricassée (première utilisation de ce mot en vingt ans de carrière!) louche à base de poulet effiloché, de patates écrapouties, sans oublier l’épi de blé d’Inde pâteux planté dans le résultat opaque.
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Par chance, la bouffe de rue rachète le reste, à commencer par les empanadas (menoum), les arepas, les bunuelos, sans oublier l’éventail de fruits juteux du crisse, écoulés à prix ridicules.
Pour se déplacer, j’ai pilé sur mes vieux principes en téléchargeant Uber, façon facile et sécuritaire de se déplacer à l’abri des escroqueries des taxis (c’est leur réputation, même si on ne déplore personnellement aucune mauvaise expérience).
Les trajets en voiture sont une excellente occasion d’approfondir nos compétences en espagnol et d’apprendre une foule de choses sur le pays ou les endroits visités.
D’ailleurs, qu’est-ce qui retient l’attention des Colombiens présentement, hein? De quessé LE sujet de l’heure? Eh oui, le divorce de Shakira, la Céline andine – moins les cordes vocales quoique…(too soon?) – avec le footballeur espagnol Gerard Piqué.
Cette rupture est même élevée au rang politique et renforce le côté patriotique des Colombiens envers les ex-colonisateurs espagnols. La latin queen originaire de Barranquilla serait même rentrée au pays, non sans d’abord régler ses comptes façon Miley Cyrus avec une chanson qui cartonne du ciboire (près de 400 millions de vues en un mois sur YouTube ), dans laquelle elle démolit son ex, parti avec une petite jeunesse.
Cambiaste un Ferrari por un Twingo
Cambiaste un Rolex por un Casio
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On a aussi visité le quartier Chapinero, à voir selon nos guides de voyage. Un mot : bof.
Avec ses centres commerciaux clinquants, ses chaînes hôtelières internationales et ses restaurants d’un chic cucul, les amateurs de quartier Dix30 y trouveront cependant leur compte.
Si la tristesse avait un visage, ça serait assurément celui de cette famille en train quêter assise par terre, accotée contre la façade d’un Hooters colombien.
Enfin. Les enfants voulaient manger des MacPoulet dans un petit parc recommandé par l’Internet, pendant que le McDo en question présentait un show aussi bruyant que Woodstock en Beauce pour mousser la sortie d’une nouvelle malbouffe.
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On s’est repris le lendemain avec la visite du marché dominical de Usaquen, où s’alignent sous un soleil de plomb les kiosques proposant de belles brocantes locales. Au lieu d’acheter des artéfacts artisanaux traditionnels probablement fabriqués en Chine, j’ai fait l’acquisition d’une casquette d’une laideur sans nom, seule trouvée qui n’a aucun logo d’Adidas ou des Yankees de New York.
– Tienes gorra sin logo, tabarnak??
Avant de se perdre dans le marché aux puces, nous avons déjeuné en compagnie de Julie, sympathique sœur d’Alexandre, un ex-camarade de La Presse.
Si tu penses que t’as un travail stimulant, meet Julie, qui travaille depuis deux ans à l’ambassade de Bogota, après avoir posé ses valises dans plusieurs pays exotiques. Sans entrer dans les détails (c’est peut-être un secret d’État de type Jason Bourne), elle témoigne du vif intérêt actuellement au Québec pour la main-d’œuvre colombienne.
Après le marché de Usaquen, on est rentré à Bogota, où la rue principale bordant la Plaza Bolivar était tout aussi effervescente, comme chaque dimanche. J’en ai profité pour immortaliser (avec leur consentement) les amuseurs publics croisés tout au long de cette journée dans une vidéo qui a autant flopé sur mon TikTok que l’émission Détect.Inc.
D’ailleurs, si quelqu’un sait pourquoi mes vidéos fonctionnent fuck all à distance, merci de m’écrire en privé (possible que la raison soit simplement : yooo, elles sont poches, tes vidéos).
Un paradis nommé Salento
Pour que le voyage mène à quelque part, il faut qu’il avance un peu.
On a donc mis le cap sur Salento, notre deuxième destination. L’attrait de ce village situé à l’ouest dans le triangle du café est certainement la hike dans la vallée de Cocora, où l’on retrouve les plus hauts palmiers du monde dans des décors de cartes postales.
« C’est définitivement un de mes highlights », m’avait écrit ma jeune ex-collègue (🙁) Estelle, passée par là quelques jours avant moi avant de poursuivre son périple vers le nord (clairement pour m’éviter).
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Mais le chemin pour atteindre ce coin de paradis n’était pas une sinécure. Un euphémisme. Pour abattre en bus les 291 kilomètres de routes escarpées à flanc de montagne, on a mis près de douze heures. Au Québec, on aurait fait Montréal/Île-du-Prince-Édouard durant le même laps de temps, ou sinon Rosemont/Verdun en heure de pointe avec la construction.
Outre la route cahoteuse, les arrêts récurrents, les retards et le bus brimbalant, ajoutons l’osti de passager fatigant qui écoute systématiquement des vidéos ou jase sa vie via FaceTime sur le haut-parleur de son cellulaire, inclus dans tous les forfaits de voyage.
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Ce monsieur est évidemment assis devant moi et incline (of course) son siège jusqu’à ce que je puisse voir les poux twerker dans ses cheveux. Mais bon, les voyages forment la jeunesse et il passait Jurassic Park en espagnol sur la télé du bus.
Nos sacrifices en valaient la peine, Salento est le plus beau village de l’univers. Ok, c’est ultra touristique, tous les restaurants se la jouent vegan et les étrangers se promènent en poncho avec des pantalons de clown, mais c’est mignon comme tout. On fait le tour en vingt minutes de ce petit hameau de boutiques charmantes éparpillées autour d’une église entourée de palmiers, à l’ombre d’une montagne d’où s’étend la région à perte de vue.
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Après la frénésie de Bogota, on apprécie grandement cette puff d’air pur et de verdure. Le plat chouchou du coin (la trucha frita) est delicioso, en plus. Sérieux, je pourrais vivre ici, je pense, ou m’acheter une résidence secondaire pour venir écrire.
– Aqui es donde vive Hugo Meunier, el famoso escritor!
– No lo conozco…
– Qué?! Alguna vez has leido el excelente libro « Raté »?!? Pobre idiota!!
Les gens sont extrêmement chaleureux et ont cette qualité non négligeable de se contrecrisser royalement de l’identité du nouveau tandem à l’animation d’OD.
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Sinon, la jeune ex-collègue (🙁) Estelle avait raison : la virée dans la vallée de Cocora était à couper le souffle. Une randonnée quand même intense de cinq heures (on peut faire moins) qui monte comme dans la face d’un singe. Après avoir frôlé la crise cardiaque plusieurs fois – en plus de trahir ma relation avec la nicotine – pour me rendre au sommet sur un chemin somme tout assez tapé, voilà qu’il fallait redescendre en pleine jungle dans des sentiers sinueux embourbés de toutes sortes d’affaires qui glissent et peuvent te briser le cou. C’est sans compter de nombreux ponts plus ou moins trustables au-dessus de rivières rencontrées en chemin.
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Pour une raison à ce jour inconnue (je jasais avec une touriste française qui m’a vite semé la maudine), je me suis ramassé seul avec Simone pour la quasi-totalité du retour (2h en pleine forêt), où je devais montrer l’exemple et masquer ce sentiment de terreur qui grimpait en moi à mesure que j’avais l’impression de me perdre. Je paranoïais les titres: « un touriste canadien et sa fille se perdent dans la jungle et se font dévorer par des boas constrictors : leurs souliers Salomon neufs retrouvés sains et saufs. »
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J’ai commencé à reprendre mes couleurs en rencontrant d’autres touristes en sens inverse. Nous étions sauvés, mais aucune trace de Martine et Victor.
– Euh, avez-vous croisé ma vieille blonde de 45 ans sur le déclin et mon adolescent insupportable, je les ai perdus à jamais, je pense…
– Good for you!, m’a répondu un Hollandais.
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J’écris donc ces lignes en me remettant de ces émotions dans le plus beau Airbnb que j’ai loué de ma vie, les jambes en compote. Dehors le soleil brille et les colibris butinent de fleur en fleur dans les arbustes, sous ma fenêtre. Ma vie est tellement passionnante en voyage que mes rêves ne lui arrivent pas à la cheville. La preuve : j’ai rêvé la nuit dernière que je travaillais à nouveau avec mon ancienne collègue Ninon et que je riais de ses plats Tupperware à la cafétéria. Mon sevrage de weed transforme toutes mes nuits en véritables montagnes russes.
Tantôt, on s’en va visiter une plantation de café, au grand dam des mioches.
Pas grave, je vais encore les acheter avec une cossin dans les belles boutiques de Salento.
Je vous conte peut-être ça la semaine prochaine, si je survis jusque là.