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La saignée de Noël ou Comment transformer une « pirge » regrettable en un geste charitable
Voici une idée qui n’est pas mienne, mais celle de l’oncologue de l’oncle par alliance de ma blonde. Vous trouvez que ça fait loin comme lien de parenté? Pas du tout, le gars s’est pointé à mon mariage avec un jeans noir un peu délavé et des Doc Martens trois trous ayant vu des jours plus heureux. Ça, c’est de la proximité!
Alors, ce monsieur qu’on nommera Dennis pour l’occasion (prononcé en anglais pour donner un caractère international à mon texte) est arrivé avec une illumination. Je vous mets en contexte :
C’est que depuis une dizaine d’années, je fais une réaction allergène grave aux piges de cadeaux. Pas celles où par souci d’économie et de décence, on décide dans une famille de réduire l’orgie de consommation en offrant qu’un cadeau à une personne aimée et préalablement pigée. Vous savez, un cadeau réfléchi, une belle attention calculée. Non! Je traite bel et bien de la sale pige aléatoire où on se voit dans l’obligation d’acheter une cochonnerie sensée convenir à tous et chacun puisqu’elle aboutira, au sortir d’une bataille d’ongles féroce, on ne sait chez quelle convive.
Mais, est-ce un défi vraiment réalisable?
À part pour le Nord-Coréen moyen qui se contenterait « volontiers » d’une figurine de Kim Jong Deux juché sur les épaules de Kim Deux Sung, il est strictement impossible de dénicher un cadeau qui conviendrait au large spectre des personnalités qui compose la famille élargie moderne.
Quel présent acheter pour plaire à la fois à Ginetti, cette vieille tante bourgeoise délirante et à Brandeune, le beau-frère protéiné extra-anabolisé à la peau couleur Doritos-au-fromage?
Un nœud coulant peut-être? Un billet aller pour une clinique sans retour de la Suisse?
Et comment faire sortir le libidineux mononcle Roland de sa confusion éthylique avec un cadeau qui devrait aussi arracher un sourire à la dépressive petite cousine X dont le nom vous échappe volontairement depuis le jour suivant son baptême?
Une guillotine maison automatisée? Un certificat-cadeau au bacille de charbon?
Bref, on se retrouve systématiquement avec une chose inutile qui vient gruger les précieux centimètres cubes de nos trop étroites demeures. Pourtant, il y a tellement de place dans les rayons de Canadian Tired. On serait bien fou de ne pas en profiter pour laisser le balai à neige télescopique sur cette étagère qui lui va à ravir.
Avant de passer à l’idée de Dennis, je dois souligner l’apport du seul être, à ma vaste connaissance, ayant réussi l’exploit d’offrir un cadeau pigé d’une quelconque utilité. Bill-Lee Bob, le conjoint de fait de l’ancienne arrière demi-sœur de ma blonde, se laissant porter par le souffle d’une inspiration potentiellement divine, a emballé un ruban à mesurer et du duct tape.
Quelle bourrasque d’ingéniosité! J’utilise quotidiennement le tape gris pour assujettir ma prothèse capillaire et je me suis servi du ruban à mesurer pas plus tard qu’hier pour m’assurer que la largeur des nouveaux pneus de mon Hummer ne concordait plus avec les traces de freinage du bête accident de l’autre jour. Faudrait quand même pas se laisser inculper d’homicide involontaire sans se battre. Une autre histoire…
J’arrive enfin à cette merveilleuse proposition servie par l’excellent et joyeux Dennis (prononcé à l’anglaise pour donner un peu de crédibilité anglo-saxonne à mon histoire).
La voici :
Exaspéré par la recherche, l’achat, l’emballage, la triste pige et l’insupportable faux-sourire du malheureux déballeur de sels de bain de pieds aromatisés, ce joyeux Dennis proposa à sa meute d’utiliser les 50$ normalement injectés par chacun dans cette abjecte mascarade pour tout simplement les donner à une œuvre de charité : aux Philippines, à Ste-Justine ou à Gerry, probablement le seul itinérant androgyne de Lanaudière. Le reçu d’impôt aurait ensuite été remis, au hasard d’un tirage, à un des membres participants qui aurait pu ainsi profiter d’une fameuse déduction fiscale.
Quelle intuition! Du pur génie!
Malheureusement, l’histoire ne dit pas si la proposition a été acceptée, car l’histoire est une sale hypocrite, mais moi, je vais vous le dire, car j’en ai obtenu les droits : La vérité, c’est que l’idée est allée cavalièrement rejoindre Gerry et sa morphologie particulière dans son banc de neige brunâtre de St-Raphin-Des-Monts.
Or, elle n’est toutefois pas morte cette idée, car Gerry me l’a refilée avec le package deal que refilent souvent les itinérants sexuellement ambigus aux jeunes hommes trop aventureux. Je la partage donc avec vous pour que vous alliez de par vos familles et que vous y insuffliez un vent de changement.
Allez!
Retournez dans vos régions natales que l’appât du gain vous a fait abandonner et mettez de la pression progressiste sur le patriarcat-matriarcat. Grâce à vous, à moi et surtout grâce à Dennis, nous pourrons éradiquer l’insoutenable tradition nouvellement intitulée la PIRGE (remarquable contraction de pire et de pige). Ainsi, peut-être qu’en cette joyeuse année de grâce, nous pourrons renflouer un peu plus les caisses des causes qui nous tiennent à cœur et un peu moins celles des consommeries générales à la Mal Wart.
Ce ne serait qu’un début, mais quel début!
Je vous laisse avec cet avertissement sans menace précise : Que j’en voie un cibouère faire la course avec les morons au Boxing Day !
Gabriel « Tape-gris » Deschambault
Crédit dessin : Kako