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La rôtisserie La Lune réinvente le classique poulet rôti

L’expertise et la rigueur de l’acclamé restaurant Mon Lapin, appliquées à un incontournable des tables québécoises. 

Par
J.P. Karwacki @ The Main
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Crédit photo : Scott Usheroff / @cravingcurator

Cet article est paru initialement dans The Main, un média numérique indépendant qui explore la culture montréalaise.

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« J’ai toujours voulu ouvrir une rôtisserie », déclare d’entrée de jeu le co-chef Marc-Olivier Frappier, entre les services animés du nouveau restaurant La Lune.

Ouvert discrètement en décembre 2024 par l’équipe derrière le renommé Mon Lapin – Jessica Noël, Vanya Filipovic, Marc-Antoine Gélinas, Alex Landry et Frappier – le concept semble plutôt simple sur papier : un restaurant de 70 places (sans compter ses 2 salles privées pour les groupes) centré sur l’amour du Québec pour le poulet rôti à la broche, conçu par Zebulon Perron avec le travail de l’ébéniste Antoine Chouinard.

Mais derrière La Lune se trouve à la fois une référence nostalgique et la réalisation d’un rêve de longue date pour Frappier, qui, à 15 ans, savait déjà qu’il souhaitait devenir chef alors qu’il travaillait dans un Saint-Hubert de Saint-Hyacinthe.

« C’était mon premier emploi et j’ai toujours aimé ça. Rien ne rend les gens plus heureux que la viande rôtie accompagnée de légumes », dit-il en se remémorant les repas de son enfance à la rôtisserie locale Ti-Père.

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« Elle est aujourd’hui fermée, mais c’était la rôtisserie locale. Le genre que chaque petite ville québécoise possède et qui est toujours le meilleur endroit : propriété d’un particulier, tout est fait maison au lieu d’être produit en usine comme c’est le cas aujourd’hui. C’est ça que je voulais ramener. »

Crédit Scott Usheroff / @cravingcurator
Crédit Scott Usheroff / @cravingcurator

La Lune fonctionne en lien direct avec cette vision : les volailles proviennent de petites familiales et locales comme la Ferme Antoine, les frites sont préparées à la main quotidiennement, la sauce prend trois jours à être préparée et n’utilise aucune poudre ni sachet, et le pain fait main est le résultat d’une collaboration avec la boulangerie Automne.

« Ce n’est pas intellectuel ; c’est pour les gens qui aiment manger, tout simplement. Il n’y a pas de menu dégustation, on sert des portions généreuses – et j’aime ça », ajoute Frappier.

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« Rendre les gens heureux avec la nourriture est ce que j’aime. Je ne me suis jamais considéré comme un chef de haute gastronomie. Je cuisine juste ce que j’aime manger. Ce restaurant est plus accessible, et c’est important pour moi. »

Un menu pour ceux qui aiment manger

« Nous avions en tête un endroit où nous aimerions nous-mêmes aller manger après le travail – un lieu simple où l’on peut déguster un toast au foie, une salade, un verre de vin et rentrer chez soi. C’est plus grand et plus convivial pour les familles que Mon Lapin », explique la co-cheffe Jessica Noël.

« C’est de la bonne nourriture simple – de bons produits avec une délicieuse sauce ou vinaigrette. »

Bien que Noël partage l’avis de Frappier sur le fait que La Lune propose une cuisine simple, celle-ci n’en est pas moins réalisée avec un impressionnant souci du détail : la pièce maîtresse est le poulet à la broche – visible à travers un hublot à l’entrée du restaurant.

Pouvant cuire environ 32 poulets à la fois, ce qui équivaut à 64 portions puisqu’ici, les demi-poulets sont la norme, La Lune adopte un profil herbacé avec de l’ail, des herbes et des alliums dans ses poulets en saumure sèche, évoquant une sensibilité culinaire héritée de la tradition française.

« C’est la première fois que nous travaillons avec un tel équipement et honnêtement, nous étions émerveillés en le recevant », se souvient Noël.

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« Nous l’avons regardé en imaginant toutes ses possibilités. Pour l’instant, nous demeurons assez conservateurs, en nous concentrant plutôt sur la maîtrise des éléments de base du menu comme le poulet et les frites. Par contre, au fil des prochains mois, nous sommes impatients d’expérimenter avec davantage de plats », note-t-elle.

Crédit Scott Usheroff / @cravingcurator
Crédit Scott Usheroff / @cravingcurator

« Nous proposons également des ailes de poulet désossées et farcies, des frites servies avec de la moutarde forte. Nous explorons les abats avec des plats comme les toasts au foie de volaille – une idée de Marc-Olivier – qui s’inspire beaucoup de l’Italie avec des anchois, des herbes et des oignons, hachés en une pâte rustique. Ce n’est pas aussi raffiné qu’un parfait, mais c’est tout aussi délicieux, surtout une fois arrosé de sauce brune. Nous servons aussi une soupe poulet et nouilles avec de petits raviolis farcis avec notre poulet rôti et des légumes, le tout dans un bouillon fortifié. »

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Tout en demeurant fidèle au concept de rôtisserie, La Lune jouera également avec des ingrédients saisonniers, comme les tomates ou le crabe en été. Mais comme le restaurant a ouvert ses portes au tout début de l’hiver, la cuisine n’a pas encore eu la chance de profiter de l’abondance estivale dont bénéficient habituellement les restaurants montréalais. Ils se sont donc tournés vers des produits plus légers et frais issus des celliers, proposant des betteraves Badger Flames dans une coupe ondulée avec une vinaigrette au miel, ainsi qu’une salade de navets servie sur du taramasalata.

« Les desserts sont aussi d’une importance capitale pour nous – ce sont eux qui apportent la touche de nostalgie. Nous avons du gâteau aux carottes, de la tarte à la crème au chocolat, des biscuits à l’érable et un semifreddo napolitain », explique Noël.

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« Le but, c’est de combiner la familiarité avec une technique irréprochable, tout en trouvant un équilibre entre les rôtisseries québécoises et d’autres éléments propres aux restaurants français… Notre objectif est de créer une ambiance animée et conviviale, axée sur la famille. »

Bien que La Lune tente de cocher toutes les cases d’une rôtisserie classique, d’autres plats portent la marque du menu raffiné qui résulte de la collaboration de Noël et Frappier. « Après presque sept ans de collaboration, c’est presque intuitif. Nous échangeons constamment des idées. Nos différences de parcours apportent des perspectives uniques et créent un équilibre. Si l’un de nous propose quelque chose qui ne fonctionne pas, l’autre apporte des ajustements ou suggère une alternative. C’est toujours collaboratif et jamais une question d’ego. »

Le bon vieux temps

Selon Vanya Filipovic, l’histoire du baptême de La Lune s’apparente à celle de Mon Lapin.

Crédit Scott Usheroff / @cravingcurator
Crédit Scott Usheroff / @cravingcurator
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« Le nom vient de Jean-Pierre Robinot (le vigneron). Il est venu à Montréal en 2023 – sa toute première visite au Québec. C’était un moment spécial pour nous. Nous servons ses vins depuis près de dix ans, alors le présenter aux gens d’ici était extraordinaire », se souvient-elle.

« Robinot a une personnalité plus grande que nature, bien qu’il ne soit pas très grand. Il est tellement créatif et dégage une véritable aura de génie. Nous avons mangé ensemble chez Mon Lapin, et à un moment donné, il s’est exclamé : “Ton poulet va transporter les gens tout droit dans le cosmos!”. On venait tout juste de signer le bail, et le projet commençait à peine à prendre forme. Je lui ai dit que je cherchais un nom, et c’est en quelque sorte parti de là. »

On note également d’autres similarités avec Mon Lapin. Même si La Lune est une rôtisserie, les deux établissements conservent une certaine chimie.

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« C’est dans notre ADN », confirme Vanya. « On ne s’imagine pas faire quelque chose sans y mettre le même niveau d’attention aux détails – un service casual en apparence, mais rigoureux et riche en connaissances. C’est ça qu’on aime offrir : une belle ambiance, de la bonne musique, un éclairage tamisé. C’est notre style. »

Cela se reflète également au niveau du service – qui met à profit l’expertise de Florence Muszynski et Rosalie Forcherio, ayant fait leurs armes dans des établissements comme Denise et Joe Beef, ainsi que les désormais fermés Paloma et Montréal Plaza, respectivement – ainsi qu’à la carte des vins sélectionnée par Alex Landry. Imaginez-vous, une sélection axée sur le Gamay, le Beaujolais, la Bourgogne, et bien plus encore, toujours en conservant cette idée d’accessibilité.

Crédit Scott Usheroff / @cravingcurator
Crédit Scott Usheroff / @cravingcurator
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La carte des vins de La Lune reflète la passion commune de Vanya Filipovic et Alex Landry pour vins nature, tout en demeurant accessible. « Nous avons opté pour des vins à prix abordable afin qu’il soit accessible à un large public, tout en proposant des sélections locales et internationales choisies avec soin », explique Filipovic.

On y trouve des cuvées québécoises aux côtés de vins français et italiens, sélectionnés pour accompagner l’aspect simple et chaleureux des plats. « Nous souhaitons que chaque visite soit synonyme de plaisir, de simplicité et de convivialité », ajoute Landry.

« Chez Mon Lapin, nous avons récemment élargi notre cave à 800 références, ce qui a été un véritable plaisir pour les passionnés de vin que nous sommes », explique Vanya. « À La Lune, l’ambiance nous a inspirés à créer une carte plus classique – des incontournables français avec une forte présence du travail phénoménal de nos producteurs du Québec. »

« La carte est accessible, avec des options pour tous les budgets. Vous pouvez donc vous offrir un verre rapide ou vous laissez aller. C’est une carte “tout bon, rien de superflu” – chaque vin a une signification particulière pour nous et reflète les relations que nous avons bâties avec les producteurs. Pour l’instant, elle compte environ 50 références, mais elle est appelée à grandir. »

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« Nous proposons aussi un menu de cocktails. La sélection a été pensée par Simon Lemay, notre barman, et comprend des options à couper le souffle, allant des martinis aux Bloody Caesars en passant par des créations plus élaborées. »

Le confort dans le rituel

Dire que le Québec se passionne pour le poulet de rôtisserie relèverait à la fois de l’euphémisme et du mystère : les raisons exactes pour lesquelles ce type de restaurant est devenu si populaire dans la province, au point de donner naissance à d’immenses chaînes et à des institutions chéries, restent floues.

Crédit Scott Usheroff / @cravingcurator
Crédit Scott Usheroff / @cravingcurator
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« C’est difficile à expliquer, mais c’est une tradition bien ancrée. Quand j’étais jeune, j’avais plus envie de poulet de rôtisserie que de poutine ou de hot-dogs. C’est aussi une question d’expérience culinaire – on allait manger dans des restaurants, pas juste commander pour emporter. Je voulais créer un espace où les gens pourraient apprécier quelque chose de simple et délicieux, préparé avec soin », explique Frappier.

« C’est du comfort food. Ça a toujours existé – quelque chose de convivial que les gens pouvaient déguster chez eux ou dans une salle à manger », ajoute Noël.

« Enfant, aller chez Saint-Hubert, c’était une occasion spéciale. Pour beaucoup de familles qui ne sortaient pas souvent au restaurant, c’était l’endroit où elles pouvaient aller sans que ça coûte une fortune. Avec le temps, c’est devenu une tradition, surtout avec la culture du take out. Certaines familles en mangent chaque semaine. C’est réconfortant, et ça ne donne pas cette sensation de lourdeur que certains fast-foods peuvent laisser. »

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« Quand on voyage ailleurs, on réalise à quel point nos rôtisseries sont uniques. Ailleurs en Amérique du Nord, les gens grandissent avec d’autres plats réconfortants – macaroni au fromage, burgers, etc. – mais au Québec, le poulet occupe une place centrale. C’est nostalgique », explique Vanya.

« Ce que nous faisons aujourd’hui est le fruit de toutes ces années passées à manger de la rôtisserie – que ce soit en commandant du take out ou en allant manger dans les restaurants quand nous étions enfants. »

« Même si nous sommes ouverts depuis peu, on voit déjà à quel point ça compte pour les gens. Ils ont tellement de souvenirs de repas de poulet rôti en famille. C’est vraiment touchant d’assister à ça. »

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