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La résilience virale de Constance Massicotte
Constance Massicotte ne passe pas inaperçue.
Chapeau de cowboy, bijoux en argent, ornement dentaire, le corps couvert de tatouages, son style vestimentaire unique et flamboyant fait inévitablement converger les regards vers elle.
Ça fait partie de son métier. Vous ne connaissiez peut-être pas son nom, mais vous l’avez peut-être vue dans Fugueuse, Hubert & Fanny, ou encore Les Honorables. Peut-être même l’avez-vous simplement aperçue sur Instagram, où elle règne en tant que meme queen consacrée de la belle province.
Elle arrive avec environ dix minutes d’avance à notre rendez-vous dans les bureaux d’URBANIA. Petit sourire gêné, regards fuyants, présentations d’usage discrètes et cordiales; son énergie contraste avec son look magnétique.
Constance n’a pas l’air bien et, au moment de notre rencontre, elle n’a aucune raison de l’être.
Devenue virale sur Instagram entre deux séjours en cure de désintoxication, elle flotte dans l’inconnu. Entre la viralité et l’oubli.
« J’ai l’impression de ne plus faire partie de la société, en ce moment. Là, j’ai perdu mon appart. Mon linge et mes affaires sont tout entreposés. Je peux pas aller de l’avant pour l’instant. C’est une grosse source de stress », m’explique-t-elle.
Le mois dernier, Constance a téléversé sur Instagram une vidéo d’elle défilant tel un mannequin dans un couloir d’hôpital, avec une jaquette modifiée pendant un atelier de bricolage. Ce geste de résilience rebelle et inspiré a recueilli plus d’un million et demi de visionnement, dépassé les mille commentaires et transformé quelques milliers d’utilisateurs de la plateforme en abonnés.
Drôle de timing, pour un moment transformateur.
L’urgence de (sur)vivre
Constance Massicotte a pris l’engagement de combattre sa dépendance au mois de décembre dernier, après une psychose toxique due à la drogue. Si sa vie était un film, ce serait à partir de ce moment que les choses commenceraient à aller pour le mieux, mais ça ne s’est pas passé comme cela, pour elle. Six mois et deux rechutes plus tard, elle s’apprête aujourd’hui à combattre pour une troisième fois ce démon tenace.
Au moment où vous lirez ces lignes, Constance sera de retour en désintox.
Les problèmes de consommation de Constance ont débuté il y a de cela plusieurs années.
Originaire de Sainte-Thérèse, la jeune femme trouve refuge dans l’alcool dès l’école secondaire. « J’ai toujours eu des problèmes à m’arrêter. À une époque, quand je sortais prendre un verre avec mes amis, ça pouvait finir quatre jours plus tard », me précise-t-elle.
Sa fibre artistique et son horaire de travailleuse autonome lui ont longtemps permis de contourner le problème. Sans heures de bureau ou d’engagements structurants à respecter, elle a toujours pu s’organiser en blitz de travail entrecoupés de longues périodes de party/récupération. Sauf que c’est devenu plus compliqué pour Constance en 2022, lorsqu’elle incorpore une nouvelle drogue à son cycle de consommation.
C’est à ce moment que son équilibre précaire bascule. Les dettes, le travail en retard et la nécessité de produire en tant que travailleuse autonome la rattrapent.
« C’était rendu trop à gérer, je voulais juste m’échapper », se confie Constance.
« Je veux pas révéler ce que j’ai pris, parce qu’il n’y a pas si longtemps, si je lisais dans les médias qu’il ne fallait pas essayer quelque chose, c’est sûr que j’allais le faire. »
« Je veux pas donner des idées aux gens qui sont comme moi, » ajoute Constance.
Elle a fait une première cure de désintoxication de 21 jours au centre Dollard-Cormier, juste après Noël, pour malheureusement rechuter la dernière soirée. Elle a cependant pris conscience à ce moment-là de l’ampleur du travail à accomplir.
« J’ai pleuré tout le long, comme si j’avais des bibittes à sortir. On me disait des choses comme “pense à une activité que tu faisais en famille quand tu étais petite”, et je me mettais à pleurer. Je savais même pas que j’avais de la peine pour certaines choses », s’épanche-t-elle.
Le mois dernier, Constance s’est butée à un deuxième échec dans son processus. Elle assume toutefois la responsabilité de sa déroute et tire quand même des apprentissages de l’expérience.
« La chose la plus importante que j’ai apprise, c’est que je suis capable de vivre sobre sans problèmes. Je dois prendre des médicaments, mais rien qui altère ma personnalité. Ça m’a aussi appris de m’aimer moi-même, d’avoir plus confiance en moi, de mieux m’entourer, et que je suis le fun », révèle-t-elle.
Grâce à ces nouvelles convictions, elle remonte en selle et tente sa chance à nouveau cet été, même si cela s’annonce extrêmement difficile.
« Dès que je suis toute seule, je pense à consommer. Je fais des cauchemars où je rechute. Je me réveille et je pense à ça. »
« C’est constant. C’est épuisant de toujours lutter contre ça », soupire-t-elle.
Heureusement, Constance a un excellent réseau de soutien qui l’aide à garder le cap.
Sa famille a resserré les rangs autour d’elle, et elle habite chez son père en attendant de retourner en désintox. De plus, sa mère et sa sœur se relaient afin de ne pas la laisser en proie à sa dépendance.
Elle n’est pas seule là-dedans. Elle se bat pour elle-même, mais aussi pour ses proches qui croient en sa rédemption.
Cette étincelle qui anime Constance, on l’a vue dans sa robe publiée sur Instagram. On la ressent dans sa présence sur les réseaux sociaux. Dans ses clins d’œil et son humour intelligents, malgré les moments difficiles.
Et moi, je l’ai devinée rien qu’à son look, lorsqu’elle est arrivée au bureau. Rien ne l’empêche de rayonner.
Un spectacle impromptu
« Y’a des gens dans les commentaires qui m’ont dit que c’était impossible que j’aie fait ça en psychiatrie, parce qu’on ne prête pas des ciseaux aux patients, mais il y avait un contexte », raconte Constance à propos de sa vidéo désormais célèbre.
« C’était dans le cadre d’un atelier, donc j’étais supervisée. On a accepté de me prêter des ciseaux parce que j’étais stable et [on l’a fait] sous la promesse que je ne les prête à personne. »
Sur son compte Instagram, Constance a publié une série de vidéos où elle parade vêtue de ses différentes confections : un bikini, un sac à main, des bracelets.
Mais c’est la robe qui a fait tourner les têtes. Et il faut avouer qu’elle a de la gueule, surtout en vrai :
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« Je fais ça dans la vie, modifier des vêtements », affirme Constance.
« J’aime ça, créer de belles choses. Prendre quelque chose qui n’est pas nécessairement beau et faire ressortir quelque chose qui plait aux gens. »
Bien que la robe ait même fait jaser le web en dehors des confins du Québec (les commentaires sont majoritairement dans la langue de Shakespeare), créer un tel coup d’éclat n’était pas du tout dans les plans de Constance.
Étant donné qu’elle souffre d’un TDAH, il a toujours été important, voire thérapeutique pour elle, de garder ses mains et son esprit occupés. Surtout en combattant l’autre moyen toxique qu’elle utilisait auparavant pour contrôler ses anxiétés.
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« J’ai mis la vidéo juste pour être drôle et cute. Au début, je voulais pas trop parler de ma désintox, parce que je voulais pas que ça interfère avec mon travail. Mais je veux aussi que les gens se sentent à l’aise de venir me parler pour avoir plus d’informations sur ça, parce que je connais tellement de gens à Montréal qui souffrent » raconte-t-elle.
Mais le succès de la robe est également venu avec un ressac de critiques.
« Il y a des gens qui disent que je n’ai pas fait la robe, d’autres qui remettent en question le fait que j’étais en désintox parce que je porte du maquillage alors je le faisais moi-même avec des crayons de cire, précise-t-elle. Mais sinon, je suis relativement chanceuse. »
« Tsé, à la fin de la journée, ma vidéo a été vue par plus d’un million de personnes et elle a peut-être inspiré des personnes à se sentir mieux. Alors ils croiront ce qu’ils voudront ».
Malgré la tourmente, la jeune comédienne entrevoit le futur avec optimisme, de beaux projets en tête.
Elle a rencontré quelqu’un lors de sa dernière désintox qu’elle aimerait bien revoir lorsqu’elle se sentira plus stable. Elle envisage aussi d’ouvrir un refuge pour chien et de se remettre à la musique, un vieux rêve enterré par un mauvais souvenir de scène vécu à l’enfance.
« J’écris déjà et j’aimerais utiliser cette nouvelle chance d’exorciser mes démons pour essayer de soigner ça, aussi. J’aimerais ça aussi avoir un refuge pour chiens éventuellement. Je veux faire plein de choses. »
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