.jpg)
La réponse du silence
Avertissement : texte portant sur le suicide, discussion sur les idées noires et le mal de vivre.
Lorsque ça ne va pas bien, on aimerait que notre douleur soit accueillie par notre entourage, sans jugement.
On n’a pas vraiment besoin d’entendre les trucs et astuces de tout le monde. On veut plutôt être écouté, vraiment écouté.
C’est difficile de devoir se gérer soi-même ainsi que la manière dont notre souffrance est reçue par les autres et parfois, trop c’est trop. On préfère s’isoler et user de différents subterfuges pour faire comme si tout allait bien, alors que ce n’est pas le cas. Ce témoignage d’une lectrice illustre cette impression.
+++
Même sans évoquer le suicide, en t’avouant que je n’en peux plus, tu trouveras le moyen de FAIL dans ta réaction.
En me regardant de tes yeux qui me prennent avec des pincettes, la pitié et l’empathie vont se confondre avec la déception. Tu seras triste.
Tu prendras le temps de m’écouter, de poser des questions sur ce qui ne va pas, alors qu’au fond, tes mots sont déjà prêts pour refermer habilement le couvercle de cette casserole à ébullition depuis trop d’années.
Tu en profiteras pour me dire ce qui a fonctionné pour toi. L’importance de bien s’alimenter et de faire de l’exercice. Je conserverai un air fade, alors qu’au fond, j’enrage que tu en profites pour me parler de tes habitudes de vie.
Tu en profiteras pour me dire ce qui a fonctionné pour toi. L’importance de bien s’alimenter et de faire de l’exercice. Je conserverai un air fade, alors qu’au fond, j’enrage que tu en profites pour me parler de tes habitudes de vie. Tu penses que ça ne m’a pas traversé l’esprit. Le soir, quand je vais courir dehors, je rentre prendre une douche froide, et au moment de dormir, la souffrance déborde encore. Je me dis que le jogging n’est qu’un pansement qui ne décolle à rien et qui m’irrite la peau.
Ta tentative de me faire comprendre que tout le monde vit des échecs et des périodes difficiles. Minimiser ce que je ressens malgré ta bonne intention. Tenter de me convaincre qu’au fond, ce n’est pas si grave, que je vais m’en sortir. Je devrai te faire croire que tu as raison, bientôt ça ira mieux. Juste pour sortir rapidement de cette conversation que je regrette déjà.
Le lendemain, l’inquiétude et la peur frapperont à ta porte. Tu ne sauras pas comment réagir et ça me tombera sur les nerfs, vraiment. Tu videras ton sac à une personne de notre entourage. Enfin, MON sac!
Le lendemain, l’inquiétude et la peur frapperont à ta porte. Tu ne sauras pas comment réagir et ça me tombera sur les nerfs, vraiment. Tu videras ton sac à une personne de notre entourage. Enfin, MON sac! Tu lui raconteras ce que je t’ai dit, et je serai fâchée, tu lui as déballé ma souffrance que j’ai pris le temps de mettre en mots. On sait très bien tous les deux que c’est toi qui a de la difficulté à dealer avec cette confidence. Le problème est rendu comment tu te sens TOI, pas moi.
Ensuite, je recevrai un appel de cette personne à qui tu t’es confié, qui ne sera aucunement subtil. J’aurai envie qu’elle me sacre patience et qu’elle raccroche, mais je devrai la gérer elle aussi. Car visiblement, elle ne se sent pas bien et elle s’inquiète. Elle veut se rassurer elle-même que je vais bien. Donnez-moi un oscar, je peux être la meilleure actrice si nécessaire. Et le pire, ça fonctionne!
Je comprendrai qu’il sera beaucoup plus simple dorénavant de faire comme si tout va bien. Ne pas dire à ceux qui m’entourent que l’envie d’un accident soudain et mortel me fait de l’œil.
Je ferai un tri dans mes amis, ça devient du minimalisme extrême. Mon diplôme d’université récemment obtenu restera rangé dans un cartable au fond de ma garde-robe. Mon absence lors de la collation des grades illustre bien ce cœur qui n’est pas à la fête.
En te faisant croire que je vais mieux, tu vas aussi supposer que je vais mieux. J’oublierai de te dire que je n’ai plus envie de continuer.
Je commencerai à utiliser ces alternatives dans ma façon de te parler. Je n’ai pas cessé de travailler parce que je n’en peux plus et que je suis constamment hors de moi, je suis en sabbatique. Je ne suis pas en train de vider mon appartement en cas que je parte m’exiler pour ne plus voir personne, je fais un grand désencombrement.
En te faisant croire que je vais mieux, tu vas aussi supposer que je vais mieux. J’oublierai de te dire que je n’ai plus envie de continuer. Tu ne verras pas ce texte. On ira prendre un take-out au resto, je te parlerai de mon chat, de l’automne qui est là.
+++
Si vous êtes en détresse, si vous êtes inquiet.iète.s pour un.e proche ou si vous vivez un deuil suite à un suicide, vous n’êtes pas seul.e.s.
Appelez au 1-866-277-3553 (1-866-APPELLE) 24h sur 24, 7 jours sur 7