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La reconsidération de l’environnement du Québec et du Canada: Une position urgente

Par
Lylia Khennache
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Dans un récent manifeste, la responsable du dossier des changements climatiques des Nations Unies, Christiana Figueres faisait appel à l’urgence d’agir face aux impacts irréversibles des décisions économiques et politiques mondiales sur les changements climatiques réitérant ainsi l’appel que Ban Ki-moon avait lancé quelque temps auparavant.

Le manifeste a pu en émouvoir certains, laisser d’autres impassibles, mais dans le contexte québécois et canadien, il est important de se questionner sur l’impact de nos décisions politiques sur l’environnement. 2013 étant reconnue comme l’année de la Coopération internationale de l’UNESCO sur l’eau, le Québec et le Canada auraient tout intérêt à reconsidérer leur vision dans une optique de développement durable, qui sous-tend le développement économique.

Un manque de vision au Québec

Sur le dossier de l’environnement, le Parti Québécois avance à deux vitesses : à grande pompe sur certains chantiers tels que celui du «Nord pour tous» et met la pédale douce sur d’autres telle la prise de décision du moratoire de cinq ans sur l’exploitation des gaz de schiste. Moratoire que le parti a délibérément fait éviter au cas des forages pétroliers sur l’île d’Anticosti. Mettant en opposition la compagnie Pétrolia qui souhaite exploiter le pétrole par fracturation hydraulique au maire de Gaspé qui craint les trop nombreux dommages sur l’environnement et le milieu de vie de sa population, cette décision ne sera pas sans effet. De façon discrétionnaire, le Parti Québécois se positionne donc pour la métamorphose de ce patrimoine naturel du Québec en véritable chantier industriel qui affectera le quotidien des communautés québécoises y vivant, les riches écosystèmes et apportera de très hauts risques de contamination des eaux souterraines.

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Suivant les principes du discours de Ban Ki-moon, le Québec devrait réviser ces stratégies énergétiques non pas pour arrêter toute croissance, mais s’assurer d’impliquer les compagnies dans le développement durable par le maintien du dynamisme des villes affectées par l’exploitation des ressources et surtout, un souci de préservation et de rétablissement des ressources naturelles.

Un Canada cynique envers l’environnement

Au Canada, le gouvernement conservateur par sa désinvolture face à la protection de l’environnement provoque des détériorations écologiques irrémédiables. En octobre dernier, entassés dans un projet de loi de 450 pages, les conservateurs ont signé un chèque en blanc pour le pipeline Northern Gateway qui transporte du gaz naturel condensé de l’Alberta à la Colombie-Britannique, traversant ainsi plus de 800 cours d’eau. Les conséquences sont nombreuses : l’habitat naturel des saumons sauvages est menacé, divers conflits avec les premières nations concernant l’intégrité de leurs terres ancestrales, le risque de fuites dans les cours d’eau compromettant l’intégrité des écosystèmes environnants, etc.

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L’appel de recherche récent émis par Harper sur les sables bitumineux les considérant comme des ressources renouvelables démontre la fermeture d’esprit du gouvernement à poursuivre l’exploration des sources d’énergie propres. En terme de représentation sur la scène internationale, le non-renouvellement de la ratification du Protocole de Kyoto ainsi que le traité de lutte contre la désertification ne sont que d’autres exemples démontrant la position cynique du Canada sur l’environnement. À la Conférence de Doha en décembre dernier, le Canada s’est même vu décerner un prix fossile en raison de son inaction et de son attitude réfractaire à fixer des objectifs concrets afin de réduire les émissions de carbone.

La nécessité du changement

Ban Ki-moon énonce que notre empreinte écologique provoquera un changement irréversible à notre environnement et qui par conséquent, aura un impact majeur sur notre milieu de vie. Comme bien d’autres annonces d’environnementalistes, Ban Ki-moon dresse un portrait alarmiste de la situation. En utilisant un ton fataliste, ces discours bien intentionnés ont souvent pour conséquence un désengagement et un laisser-faire généralisé. En ce sens, il est important de miser sur les solutions qui demeurent applicables de l’échelle politique à citoyenne.

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Au Québec, le moratoire sur les gaz de schistes est important et ce, sur tout le territoire, car notre source d’énergie principale actuelle, l’hydro-électricité, a une empreinte environnementale inférieure à l’exploitation de la précédente. Au Canada, les efforts sont en grande partie canalisés sur l’exploitation des sables bitumineux ce qui ne fait que poursuivre la logique de développement économique à tout prix. L’obsession à l’égard des sables bitumineux est inquiétante, car les dommages se font déjà sentir sur les écosystèmes environnants. On remarque qu’à l’échelle internationale, le transfert des sources d’énergie du charbon au gaz naturel des pays comme la Chine et l’Inde aura un impact positif sur l’environnement à court terme. Par contre, pour Christopher Knittel, professeur en énergie économique au Massachussets Institute of Technology: « Cela pourrait soit aider le monde alors que l’on réduit les émissions de gaz à effet de serre ou affaiblir la pertinence d’investiguer davantage les énergies renouvelables, non émettrices de carbone dans le monde ».

Le manque de vision de nos gouvernements rend discrétionnaires les décisions d’adhérer à certains grands projets de développements économiques plutôt qu’à d’autres. La capacité d’influence des grandes entreprises et l’attrait de la croissance ne peuvent plus être les deux uniques moteurs décisionnels. Plutôt que de favoriser le statu quo qui montre déjà ces faiblesses, il est important de réviser quel scénario environnemental est souhaité pour nous et les générations à venir. Nos sociétés industrielles reposent sur une logique de croissance économique infinie, sur des ressources naturelles qui elles, sont limitées. Une frontière d’impact environnemental a été symboliquement franchie, désormais l’action économique devra être sous une vision environnementale claire, car une vision sans action, c’est ce qu’on appelle une hallucination.

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Lylia Khennache, doctorante au département de génie des bioressources,
Université McGill

Il faut 2 à 4,5 barils d’eau pour obtenir un baril de pétrole des sables bitumineux. La photo ci-haut illustre l’un des nombreux bassins à résidus comportant une eau dorénavant toxique ayant subi le traitement de l’usine de valorisation des eaux de Syncrude, en Alberta.