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La poutine au Canada: dernier arrêt, Mean Poutine

Quand un ancien joueur des Alouettes tombe en amour avec la poutine.

Par
Kéven Breton
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Ces dernières années, la poutine est passée au Canada anglais du stade de « mets étranger » à celui de « repas national ». Elle y est maintenant source de fierté culinaire, comme le prouvent les memes à cet effet, elle se retrouve sur le menu de Tim Hortons, emblème canadien du fast-food, et elle fera l’objet d’un tout premier festival à Toronto, du 24 au 27 mai. Comment expliquer ce changement subit à l’Ouest de Rigaud? Est-ce que la poutine est un mets canadien ou québécois? Est-ce qu’il faut considérer ce nouvel engouement comme une forme d’appropriation culturelle? Question de ne pas réfléchir à toutes ces profondes questions l’estomac vide, Kéven Breton s’est rendu à Vancouver pour partager trois poutines avec des restaurateurs passionnés de frites, de gravy et de crottes de fromage. Destination finale : Mean Poutine!

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Mean Poutine

C’est ici même, devant le Mean Poutine (où j’ai donné rendez-vous aux copropriétaires), que Milan Lucic s’est fait puncher drette dans face par un Vancouvérois manifestement un peu chaudaille.

Persona non grata à Montréal en raison de ses années passées avec Boston, Milan Lucic n’en demeure pas moins un amateur de poutine. Et après un match à Vancouver, il a décidé de se rendre à l’établissement de la rue Nelson pour déguster une délicatesse nommée en son honneur : une poutine garnie de boeuf, bacon, poulet, oignons (rien de moins).

Voilà pour la petite anecdote.

L’homme derrière l’ouverture du Mean Poutine se nomme Sherko Heji-Rasouli. Ancien joueur des Alouettes, il est tombé en amour avec le trio frites-sauce-fromage lors de ses années à Montréal. C’est toutefois son père qui nous accueille en attendant l’arrivée du fils.

Il y a Monsieur Rasouli, mais également sa conjointe, qui est déjà à l’oeuvre derrière le comptoir. «C’est une entreprise familiale. Seulement mon fils, ma fille, ma femme et moi y travaillons.»

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Et du travail, il n’en manque pas. Il est difficile, selon ses dires, de chiffrer avec exactitude le nombre de poutines vendues quotidiennement, mais ce n’est certainement pas moins de 200. Le vendredi et le samedi, les gens font la file sur plusieurs rues – alors que le Mean Poutine capitalise sur la sortie des fêtards à l’estomac creux. Le snack classique de fin de soirée au Québec est dorénavant aussi une tradition bien implantée à Vancouver.

Le secret d’une bonne poutine

Contrairement à ses deux principaux compétiteurs dans le marché de la poutine vancouvéroise, Mean Poutine utilise des frites surgelées. Il ne s’agit pas d’un désavantage perceptible au goût, selon M. Rasouli : « Nos produits sont testés à plusieurs reprises pour trouver un parfait équilibre. Les patates sont de qualité. On répond à une demande autant en terme de portion et de coût que de qualité. C’est ce qui explique notre succès. »

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Est-ce qu’un succès aussi retentissant rend difficile l’approvisionnement en fromage en grains? «Au début, c’était plus compliqué d’en trouver. Mais maintenant, un peu n’importe où au Canada, on peut en acheter.»

Le colosse Sherko arrive au moment même où je passe ma commande au comptoir. Avant de se joindre à la Ligue canadienne de football, Sherko a joué son niveau collégial aux États-Unis. Et cette mixité culturelle se perçoit sur le menu riche en viande fumée.

«J’ai joué surtout dans les états du Sud, où la culture du barbecue est très présente. Ça se voit maintenant sur notre menu, qui est un combiné de la recette québécoise et du goût typique du sud des États-Unis.»

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Le père ajoute : « Les touristes américains qui passent ici sont d’ailleurs fous du mélange, et réclament des Mean Poutine au sud de la frontière! »

Mais pour l’instant, difficile d’imaginer une expansion à court terme en raison des réglementations de l’Agence américaine des produits alimentaires, selon Sherko. «C’est pas vraiment possible d’importer au États-Unis du fromage non pasteurisé. C’est pour ça qu’on voit des restaurants essayer toute sorte de solutions de rechange: du fromage mozzarella, du gouda, etc.»

Québécois ou canadien?

Sherko est bien informé sur les origines de la poutine : de l’histoire de sa création, qui lui a été racontée par les Montréalais, à l’étymologie du mot, à laquelle il continue de faire honneur à sa manière.

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«La poutine, c’est un mets québécois, répond-il catégoriquement. Et on ne prétend pas offrir une poutine typiquement québécoise non plus… on vise plus à créer notre propre version, une version de Vancouver. Je pense que les saveurs du sud se marient bien au goût original de la poutine, même si au premier coup d’oeil ça semble être un mélange étonnant. Mais après tout, ce n’est pas ça que ‘’poutine’’ signifie?»

Le père soutient quant à lui que c’est davantage perçu comme un met canadien depuis les Jeux olympiques de 2010. «Les touristes qui viennent ici demandent la poutine, qu’on leur a présentée comme un repas national. À cause de ça, c’est plus facile pour nous de la mettre en marché comme un repas canadien. C’est déjà installé dans leur esprit comme ça.»

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Sherko risque ensuite un parallèle avec la pizza : «Si je te demande où elle a été inventée, tu vas me dire quoi? L’Italie, right? OK, mais il y a la pizza de Chicago. Celle de New York. Même d’une région à l’autre de l’Italie, il y a des variations. Dans son épisode de croissance actuelle, la poutine vit un peu la même chose. C’est vrai qu’à l’international, c’est perçu comme un repas canadien. Mais au Canada, we know best: on sait que ça vient du Québec.»

Et est-ce qu’on peut créer n’importe quelle variation de la poutine? «Oui, sauf si tu remplaces ton fromage par du mozzarella, comme les mauvaises imitations américaines. À part ça, anything goes. C’est la beauté de la poutine.»

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