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La piñata

On dirait le titre du prochain album de Mitsou. C’est pourtant la triste histoire d’une insupportable pimbêche qui a tout, tout gâché.

Par
Catherine Ethier
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Alors. Vous tomberez sans doute en bas de votre ballon d’exercice en apprenant que je promenais l’animal de compagnie quand la chose s’est produite. Ciel; c’est à croire que je ne fais que ça (je ne fais que ça). Toujours est-il qu’alors que la brebis jetait l’entièreté de son dévolu sur une vieille carotte décédée-grise qui ne s’est jamais qualifiée pour la trempette d’un party de mai, une pétillante fête se préparait non loin de nous.

Et attention, quelque chose de beau.
Des pompons de papier de soie. Des guirlandes en petits triangles. On avait même installé des mini pots Mason contenant des chandelles, suspendus à des ficelles élégamment nouées aux branches d’un arbre. Un arrangement complexe. Audacieux.

La peine qu’on s’était donnée était au grandiose ce que la misère est au pauvre monde. Jamais anniversaire ne m’avait autant affriolée, sauf peut-être la fête de ma grande sœur en 86 dans la salle de jeux du Mcdo, où les clowns s’était barrés avec notre radio-cassette à deux tapes.

Les clounes avaient volé la radio rose d’une enfant de 7 ans.

À bien y penser, y’a pas une fête Pinterest qui bat ça.

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Toujours est-il que le petit party qui se tramait au parc aurait plu aux plus exigeants skieurs du Mont-Gabriel. Vous auriez dû voir le beau monde qu’il y avait là; à croire que les convives à la plastique difficile s’étaient fait porter pâles pour pas jurer avec la vinaigrette mille-îles.

Des salades de pâtes réussies.
Des poulets en crapaudine (élevés en liberté, à n’en pas douter).
Là, je me suis mise à me mouvoir un brin, question qu’un convive qui m’avait repérée ne compose pas le dernier «1 » du 9-1- déjà enfoncés sur son cellulaire pour signaler la coucou immobile aux yeux qui brillent.

C’est alors que tout ce beau monde est devenu très, très fébrile, comme si le maire Ferrandez arrivait avec des rillettes. Il n’en était pourtant rien; la grande visite, c’était la fêtée. Une fille tout en spasmes et qui avait passé beaucoup de temps à roffer ses bas de nylon à la serpe et se greffer un rosier entier sur la tête pour l’occasion.

C’était sa fête, la maudite.
Une fille qui ne connaissait pas sa chance d’être née dans une saison où tu peux faire des partys qui se respectent et pas juste brûler de la sauge autour d’une roussette en novembre en attendant que la soirée finisse de finir.

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On lui banda immédiatement les yeux du fichu le plus soyeux qui fut jamais tissé sur cette terre.
Eh, qu’elle était désagréable.
Elle criassait et parlait fort, surexcitée, nul doute pour se donner une contenance devant tout le mystère et l’attention qui était portée au centre de table disposé sur son crâne. LA fille rushante dans un party. C’était sa fête.

Dès que l’insupportable jubilaire fut plongée dans le noir, une festivalière potelée et hystérique dans sa tâche de ne pas faire de bruit retira la housse de ce qui m’apparut comme étant la plus belle piñata que la terre ait porté.

Que c’était beau, que c’était donc beau. Or, saumon, turquouèse et baie de gogi, les couleurs dansaient le menuet en forme de… ben je sais pas trop de quoi, en fait. J’ai pas su déceler ce que la bricolette devait représenter, mais qu’importe. Qu’il se soit agi d’un trapèze isocèle ou d’un hommage à Liz Taylor, il y avait de l’amour et de la colle Pritt sur ce petit morceau de paradis-là, et c’est bien tout ce qui comptait.

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La festivalière hystérique avait, selon toute vraisemblance, crafté une piñata pour sa chum de fille.
Avec des ciseaux à bouts ronds. HOW CUTESIE.

Une chum de fille qui, dans toute la grâce et l’élégance de sa personne, n’a trouvé à dire, une fois le bandeau enlevé de son horrible tête de saisons de Clodine, que : « Euh ok… C’est supposé représenter quoi?? »

C’EST SUPPOSÉ REPRÉSENTER TOUT L’AMOUR QUE TES AMIS ONT POUR TOI, MA BELLE FILLE.

Ils ont collé des poupounes partout.
Y’a quelqu’un qui a fait rôtir des croûtons maison.
Et ton amie la festivalière a passé la nuitte à créer une piñata custom en sacrant, les doigts plein de papier crêpe et d’espoirs déçus. Et tu en commentes VRAIMENT l’exécution avec ta face de « À quelle heure, la perfo d’Elton John unplugged »?

Le jour de ma fête, on a élu Couillard. Et j’ai trouvé moyen de me carper le diem.

Ça fait que quand on t’organise une fête belle comme un vidéoclip, aie au moins la diligence de te sortir le jeu de comédienne quand tes ingrats d’amis te dévoilent une piñata pas t’afaitte dans ta pastille de goûts.

La switch à « Yves Desgagnés ».

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En repassant un peu plus tard pour le huitième bronze canin de la journée, j’ai pu constater que la fêtée textait, assise à une table à pique-nique, bien déterminée à se pantomimer la lassitude, alors que la festivalière décrochait le fruit de son labeur.

Ouate? ON DÉCROCHAIT UNE PIÑATA INTACTE.

Mayday.
Commissaire Gordon.
Je pouvais pas croire ce qui était en train de ne pas se passer sous mes yeux.

J’ignore si c’est parce qu’il y avait sept mariachis à mon baptême et que j’ai la fibre mexicaine à broil 24/7, mais je me souviens pas avoir été déçue de même de quelqu’un que je connais pas pantoute. La pimbèche de chez Rossy ne méritait qu’une chose et une seule: se faire titiller d’une mailloche jusqu’à ce que Werthers Originals pleuvent sur la pelouse à l’équerre, suspendue à cet arbre, petites pattes indie gigotant tous azimuts.

Une mise en abîme à la Matilda. C’est ce qui manquait à la fête.

Ce soir-là, des amitiés ont pâli.
Et je suis à peu près sûre que c’est aussi ce soir-là que l’Enfant sacré du Tibet a cessé de faire danser des canettes de Pepsi.

La bise.

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