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La petite histoire de «Friday» de Rebecca Black

Une chanson qui donne des cauchemars depuis une décennie, une « artiste » qui réussi à nous donner une leçon de vie.

Par
Benoît Lelièvre
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It’s Friday, Friday
Gotta get down on Friday
Everybody’s lookin’ forward to the weekend, weekend
Friday, Friday

Plusieurs sont, encore aujourd’hui, hantés par ces paroles. À leur lecture, la mélodie maudite de la chanson Friday de Rebecca Black revient à l’esprit. On se met à murmurer les paroles malgré nous et avant même de comprendre ce qui nous arrive, on l’a dans la tête! On est sincèrement désolé de vous avoir imposé ça, mais c’est que croyez-le ou non, Friday a célébré son dixième anniversaire en 2021 et même si on est passé à un autre appel depuis longtemps, elle reste toujours aussi cauchemardesque!

Dès qu’on la mentionne dans une conversation, on frissonne à l’unisson. Alors pourquoi en parle-t-on aujourd’hui? Comment est-elle devenue aussi ridiculement populaire à l’époque et comment est-elle arrivée à s’incruster dans la mémoire collective? Retour dans les coulisses d’une toune poche.

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Des rêves d’adolescence, des parents à l’aise et un producteur louche

Contrairement à d’autres pop stars préfabriquées, Rebecca Black n’était pas soutenue par une compagnie de disques. Elle n’avait pas de connections dans l’industrie et ne chantait pas de puis sa plus tendre enfance, comme Britney Spears ou Christina Aguilera. Elle était simplement la fille d’un couple de vétérinaires bien nantis d’Anaheim, en Californie et rêvait de devenir chanteuse pop. À cet âge-là (13 ans), on avait tous un plan de carrière pour lequel on se croyait destiné. Je voulais devenir meneur de jeu pour les Knicks de New York et – surprise! – c’est pas arrivé.

La petite Rebecca faisait partie d’une troupe de comédie musicale au sein de son école de l’époque. C’est là-bas qu’une compagne de classe lui a parlé de ARK Music Factory (« ARK ». Ça ne s’invente pas), une compagnie de production qui vendait des forfaits incluant enregistrement d’une chanson, tournage d’un clip et promotion pour quelques milliers de dollars américains. Vous avez bien compris. La seule chose que vous aviez à faire, c’était de vous présenter et de chanter avec toutes vos tripes. Les producteurs Patrice Wilson et Clarence Jey allaient s’occuper du reste.

Rebecca avait le choix entre deux chansons déjà écrites: Friday ou Super-Woman. Elle a choisi la première, parce qu’elle reflétait mieux sa réalité de jeune adolescente

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Au départ, c’était un projet bourré de bonnes intentions et financé par la maman d’une petite fille avec de grands rêves. Rebecca avait le choix entre deux chansons déjà écrites: Friday ou Super-Woman. Elle a choisi la première, parce qu’elle reflétait mieux sa réalité de jeune adolescente. Super-Woman était une chanson d’amour et Rebecca… eh bien Rebecca avait seulement 13 ans.

Patrice Wilson raconte qu’il a écrit Friday un jeudi soir. Après quelques heures avec la broue dans le toupet, il a regardé sa montre et s’est dit: «Il est pas mal tard…. woah, c’est vendredi. Vendredi. On est vendredi!» C’est tellement niaiseux que c’est probablement vrai. À l’origine, Friday était un projet maison financé par une maman qui voulait donner à sa fille un avant-goût des rigueurs du métier. Ça aurait été cute, mais c’était sous-estimer internet et ses tentacules infinis.

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Les deuxième et troisième vies de Rebecca Black

Je vous épargne les détails du lancement de la chanson. Vous les connaissez probablement déjà. La vidéo officielle compte plus de 154 000 000 de vues sur YouTube, mais il ne s’agit que d’une fraction des vues totales puisqu’elle a été retirée après une dispute légale entre ARK Music Factory et la mère de Rebecca. Absente de la plateforme de juin à septembre 2011, elle a par la suite été remise en ligne. Qu’on le veuille ou non, la vidéo a été vue tellement de fois que ça a généré des revenus et là où il y a de l’argent inattendu, il y a souvent des disputes légales.

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On estime le nombre de vues totales de Friday à 167 000 0000 dont 3 900 000 réactions avec un p’tit pouce en bas, ce qui fait d’elle la 23e vidéo la plus détestée de tous les temps sur YouTube entre la berceuse Yes Yes Vegetables Song et Despacito. Cette liste contient beaucoup de berceuses et de chansons de Justin Bieber en passant.

Rebecca a vécu l’enfer à l’école. Elle n’a pas pu mettre le nez dehors ou sur internet sans se faire niaiser pendant un bout de temps. Elle était le symbole des enfants gâtés avec des parents riches qui croient pouvoir tout acheter.

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C’est pas parce qu’on rit que c’est drôle. Les démêlées avec la justice ne sont pas le seul côté sombre de l’histoire. Pour Rebecca, ce fut l’enfer. À l’école tout comme sur le web, cette adolescente qui n’avait pas signé pour ça a subi toute une vague d’intimidation. Devenue le symbole de l’enfant gâtée pourrie par des parents riches qui croient pouvoir tout acheter, elle a dû faire profil bas pendant plusieurs années avant qu’on passe à autre chose. Puis, la chanson s’est mise étrangement à connaître une deuxième vie. La série télé Glee s’en est emparée pour l’ intégrer à leur liste sans fin de reprises de chansons quelques mois après sa parution. Il s’agissait d’une décision controversée, mais en misant sur des arrangements plus « professionnels » et en choisissant deux jeunes hommes plus vieux pour l’interpréter, le créateur de la série Ryan Murphy a pu tirer de la chanson ce qu’elle avait de mieux a offrir.

Nick Jonas en a par la suite fait une version. Le collectif hip-hop Odd Future l’a incorporé à ses spectacles. Justin Bieber et Katy Perry l’ont également interprétée. Elle est devenue beaucoup plus importante que son interprète d’origine qui a pu retrouver un semblant de vie normale. Je dis « semblant » parce que vous n’êtes peut-être pas au courant… mais Rebecca Black n’a jamais arrêté de chanter!

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Notre fan du vendredi compte en effet trois EP et plus d’une vingtaine de chansons à son actif dont un remix hyperpop de Friday sorti cet hiver pour commémorer l’anniversaire de la chanson. Elle possède aussi une chaîne YouTube avec près de 1,5 million d’abonnés où elle publie ses vidéos et ses vlogs toujours très attendus par sa communauté. Aujourd’hui, elle gagne sa vie en faisant ce qu’elle aime.

La morale de cette histoire? 1- On vit dans une économie d’attention 2- Rira bien qui rira le dernier ou, dans ce cas-ci, la dernière. Peu importe ce que vous pensiez à propos de la chanson, vous avez probablement contribué à la faire connaître et à offrir à Rebecca la vie dont elle a toujours rêvé.

Au fond, à défaut d’avoir laissé en héritage une bonne chanson, elle nous aura un peu montré comment les internets fonctionnent.

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