.jpg)
La petite étiquette du parfait montréalais
Ah, Montréal. La ville de Leonard Cohen et de la fille de l’UQAM. De l’une des meilleures équipes de hockey et des Canadiens. À peine êtes-vous débarqué dans notre belle métropole que déjà, vous vous laissez porter par votre désir de déguster votre première poutine, de caresser un écureuil gris et d’engrosser votre Instagram de photos prises lors de votre périple dans le Vieux-Montréal.
C’est bien beau tout ça. Mais question d’éviter que vous ne vous fassiez interdire l’accès à notre petite île qui embaume le smoked meat et la pisse, voici un petit guide qui vous permettra de vous fondre dans la foule au point où l’on se demandera si vous vous êtes évadé d’une pièce de Michel Tremblay.
Parce qu’à Montréal, il n’y a qu’une chose qu’on haït plus que Laval, le trafic, les pannes de métro, les cônes orange et Denis Coderre : les gens qui se tiennent du mauvais côté des escaliers dans le métro.
Vos pieds vous utiliserez
.png)
Non, je ne sais pas où vous pouvez stationner votre VUS, votre grosse Corvette ou votre p’tite quéquette quand vous allez visiter le Musée des beaux-arts de Montréal, magasiner chez Simons ou nager avec les dauphins du Biodôme (est-ce qu’on peut faire ça?). À Montréal, peu importe le nombre de kilomètres à parcourir, les trajets se font à pied (ou à vélo si vous êtes en quête d’adrénaline et de points de suture). La rumeur veut d’ailleurs que Félix Leclerc ait eu l’idée d’écrire Moi, mes souliers en marchant de l’UQAM jusqu’au cinéma Starcité.
Dans le métro, avec décence vous vous comporterez
.png)
« C’est cliché, les textes sur Montréal qui parlent de faire la file! » Êtes-vous sans doute en train de vous dire, les yeux exécutant des pirouettes dignes d’une routine olympique.
Pourtant, si c’est si cliché, pourquoi faut-il le répéter? On ne demande pas la Lune : on attend que les usagers sortent avant d’entrer dans un wagon, on fait la file, on enlève son sac à dos et on attend d’être dans la rue, à proximité d’un chantier de construction, pour faire ses arrangements funéraires sur le haut-parleur. Dans le métro, on s’efforce de passer aussi inaperçu qu’un gagnant de La Voix.
La culture d’ici vous apprécierez
Quand j’étais convaincue que ça valait la peine de faire une maîtrise en littérature, je travaillais au Musée des beaux-arts. Pendant plusieurs années, j’ai eu le bonheur de m’entretenir avec des Français qui me demandaient le chemin vers les Picasso et me répliquaient que « l’art des sauvages ne les intéressait pas » quand je leur proposais de peut-être en profiter pour s’arrêter devant les Riopelle, Leduc, Ferron ou Barbeau. Ne soyez pas un de ces esties de Français qui nous font dire « dans tes dents » quand des artistes de chez nous font une razzia de prix littéraires et cinématographiques.
Des excuses vous distribuerez avec générosité
.png)
Relique de notre passé catholique, la culpabilité est au cœur de l’existence des Montréalais. Sitôt les portes du métro s’ouvrent, un front s’excuse d’en sortir tandis que l’autre s’excuse d’y entrer. On s’excuse à la barista ou au barman lorsque l’envie nous prend de déguster leur délicieux nectar et on s’excuse au chauffeur de Bixi avec qui on est entré en collision pour avoir osé traverser sur notre lumière.
Non, ces excuses ne sont pas sincères, mais on aime s’imaginer qu’on a réussi à traverser une autre journée sans faire froncer les sourcils du p’tit Jésus.
Les écureuils vous ne nourrirez point
.png)
Oui, la ville est peuplée de kangourous miniatures et espiègles qui semblent attachants juste parce qu’ils sont fluffy. En vérité, les écureuils sont nos pickpockets à nous qui veulent votre barre tendre, vos yeux et vos adorables lumières de balcon en forme d’abeille (cette affirmation est peut-être basée sur quelque chose qui m’est arrivé). Au risque de briser vos fantaisies dignes d’un film des studios Ghibli, on vous demanderait de ne pas nourrir ces créatures du démon qui croient que notre plateau de légumes payé un prix indécent à l’épicerie lui appartient de droit parce qu’on se trouve sur leur territoire, c’est-à-dire, le parc Laurier.
Notre accent et nos patois vous respecterez
.png)
« Du coup, chez nous, on dit plutôt… » Ici, on dit qu’on s’en câlisse.
Vos opinions vous garderez pour vous
.png)
Les Montréalais et leur ville, c’est comme ma sœur et moi : personne n’a le droit de dire quoi que ce soit à son sujet… sauf moi. Oui, le métro est toujours en panne, ça pue le jour des poubelles et les places de stationnement gratuites sont aussi courantes qu’un politicien de droite modéré, mais se plaindre, c’est notre droit qui nous a été octroyé par William Shatner lui-même (eh oui, le capitaine Kirk est né dans notre métropole… et a le droit de sacrer quand il est pogné dans notre éternel trafic).
Sur une terrasse ta consommation tu prendras
.png)
Chaque avril, dès que les premiers rayons du soleil caressent les rues cabossées de la métropole, un étrange rituel prend forme : esseulés et assoiffés, les Montréalais se dénudent et entament leur migration de leur salon vers une terrasse. Bien installés entre un banc de neige aux chatoyants coloris de gris et jaune et un troupeau de cônes orange, ils dégustent un nectar de houblon et déclarent à qui veut bien l’entendre qu’ils haïssent l’hiver et ont donc hâte d’aller au chalet de leurs beaux-parents. Satisfaits que leur ritournelle ait été entendue, ils ferment les yeux et savourent le fumet dégagé par un pot d’échappement et des crottes de chien en plein dégel. Ce rituel, c’est celui du guerrier qui a survécu au mois de février.
Ne nous dites pas qu’il y a encore de la neige et qu’il fait pas si chaud que ça : c’est la tradition, de nos grands-pères qui ont survécu au débarquement à Guillaume qui a survécu sans son char pogné sous un banc de neige qu’il n’arrivait pas à identifier.