Logo

La part du gâteau de Rafael Jacob

On a rencontré l'homme derrière l'analyste politique juste à temps pour son anniversaire

Par
François Breton-Champigny
Publicité

11 octobre 2016. L’analyste politique Rafael Jacob se la joue un peu cocky sur le plateau de Patrice Roy avec ses prédictions pour les élections. «Si Donald Trump gagne la présidence le 8 novembre prochain, je reviendrai à votre émission pour faire deux choses: la première va être de donner des excuses formelles à vous et vos téléspectateurs. La deuxième va être de m’engager à ne jamais intervenir à nouveau dans les médias sur les élections américaines».

Quelques semaines plus tard, la vie décidera de garrocher de gigantesques bâtons dans les roues du jeune expert de la politique américaine pendant qu’il descend une immense côte à toute vitesse: contre toute attente, Donald Trump accède à la présidence des États-Unis.

Finalement, Rafael n’a pas respecté ses engagements (nous y reviendrons). Au contraire, on l’a même revu plusieurs fois à l’émission de Patrice Roy et dans d’autres médias pour se prononcer sur ce qui se passe dans l’arène politique de nos voisins du sud.

Publicité

C’était le cas le 3 novembre dernier sur les ondes de RDI lors du dernier round Trump-Biden, où ses analyses à la sauce « TVA Sports » ont soulevé les passions sur les réseaux sociaux.

Autant il était irritant pour certain.e.s…

Autant d’autres sont tombé.e.s sous le charme…

Publicité

Maintenant que les élections sont derrière nous (le sont-elles vraiment?!), on a voulu en savoir plus sur l’homme aux interventions singulières.

On l’a donc rencontré chez lui à L’Île-des-Soeurs le 10 novembre dernier, juste à temps pour son anniversaire, sous un soleil vraiment trop chaud pour ce temps-ci de l’année.

2020, am I right?

Radio-Canada, Concordia, pas le temps de niaiser

«Ayoye! Vous êtes don’ ben hot!» s’exclame Rafael Jacob lorsqu’il aperçoit le gâteau qu’on lui a acheté pour l’occasion. D’après sa réaction, il n’a pas encore réalisé que la petite douceur provient du Provigo. Bon, c’est vrai qu’on a quand même réussi à faire écrire «Bonne fête Rafael!» avec trois petites étoiles bleu, blanc et rouge, un exploit étant donné que la pâtissière en chef (oui oui) n’était pas là quand on s’est pointé à l’épicerie.

Rafael Jacob qui n’en revient tout simplement pas qu’on lui ait acheté un gâteau de fête
Rafael Jacob qui n’en revient tout simplement pas qu’on lui ait acheté un gâteau de fête
Publicité

L’analyste nous guide dans les dédales de la tour de condos dans laquelle il vit. «Excusez-moi, j’ai pas eu le temps de faire le ménage avec mon horaire de fou», laisse-t-il tomber lorsqu’on passe la porte de son logement. À part quelques jouets d’enfant éparpillés au sol et de la vaisselle qui s’amoncelle un peu sur le comptoir de la cuisine, l’antre du trentenaire est probablement plus propre que la chambre de 97,5% des étudiants pognés chez eux à faire des cours sur Zoom depuis des semaines.

On s’installe finalement à la table de cuisine . «J’en reviens pas encore que vous m’avez acheté un gâteau. C’est mon premier cadeau aujourd’hui», ricane Rafael en s’assoyant.

Publicité

Il raconte qu’il n’avait jamais vraiment réalisé qu’il était «vieux» jusqu’à l’année passée. «J’ai demandé à mes étudiants (il est prof aussi, on en parle plus bas) si certains n’étaient pas encore nés le 11 septembre 2001 et j’ai vu quelques mains se lever. Là, ça m’a frappé».

Je ne m’intéressais pas vraiment à la politique en général, mais j’ai eu un prof incroyable du nom d’Alain Soulard qui a tout changé.

L’année 2001 a d’ailleurs été une année marquante à différents égards pour le Madelinois (il a tenu à spécifier qu’il est originaire de Cap-de-la-Madeleine et non de Trois-Rivières, qui a intégré la petite municipalité à l’un de ses six secteurs en 2002). «Entre cette tragédie et l’invasion de l’Irak en 2003, j’étais au cégep. Je ne m’intéressais pas vraiment à la politique en général, mais j’ai eu un prof incroyable du nom d’Alain Soulard qui a tout changé. J’ai commencé à tripper ben raide sur la politique américaine» relate celui qui détient un doctorat en science politique de l’Université Temple à Philadelphie.

Publicité

Depuis la fin de ses études, Rafael n’a vraiment pas chômé. En plus d’être chercheur à la Chaire Raoul-Dandurand, le papa d’une fillette de 6 ans donne cinq cours dans trois universités différentes (Concordia, l’Université d’Ottawa et l’Université du Québec en Outaouais) en plus de ses nombreuses collaborations avec différents médias comme Radio-Canada, L’actualité et le 98,5 à l’émission de Patrick Lagacé. Ah et il a aussi sorti un livre l’an passé, Révolution Trump. Et il donne des conférences.

Disons que l’expression «temps libre» lui est aussi farfelue qu’un voyage dans le sud au mois d’avril dernier. «J’en ai juste pas. Quand je suis pas en train de travailler, je m’occupe de ma fille ou je continue de m’informer pour me maintenir à jour sur ce qui se passe dans le monde».

«Mon objectif n’a jamais été d’être dans l’oeil public. Mon thrill est d’abord et avant tout de pouvoir vulgariser un sujet qui me tient à coeur au plus grand nombre. Passer par les médias est plus un moyen qu’une fin en soi », confie l’analyste.

Une caricature de l’analyste politique faite lors d’un voyage au Mexique. Pas en avril dernier.
Une caricature de l’analyste politique faite lors d’un voyage au Mexique. Pas en avril dernier.
Publicité

Haters gonna hate

Après sa bourde électorale de 2016, Rafael en a pris pour son rhume. Des publications satiriques comme celle de la Clique du Plateau ont beaucoup circulé et certains internautes ne se sont pas fait prier pour ridiculiser l’analyste politique.

«Honnêtement, je méritais la plupart des railleries qui m’ont été adressées. J’ai dépassé les bornes et je l’assume. Mais j’ai un problème avec certaines remarques qui étaient des fois carrément haineuses ou mensongères». Il donne en exemple un «animateur d’une radio de Québec» qui a fait des parallèles douteux entre son nom de famille et le judaïsme, à la «limite de l’antisémitisme».

Ça a retombé sur des gens qui n’avaient aucun rapport avec ces propos et ça, ça m’a fait mal.

Publicité

L’analyste confie s’être senti «vraiment mal» pour Patrice Roy après les événements, qui a été «pris de court» et avoir ressenti de la honte envers ses collègues de la Chaire Raoul-Dandurand. «Ça a retombé sur des gens qui n’avaient aucun rapport avec ces propos et ça, ça m’a fait mal».

«Ce qui me gosse royalement aussi, ce sont les gens qui disent que je n’ai pas tenu ma parole puisque je n’ai pas démissionné comme je l’avais promis», poursuit Rafael. Il explique avoir donné sa démission à Patrice Roy directement après l’émission du 8 novembre à 3h40 du matin, mais le chef d’antenne l’a refusée. «Je prends ça au sérieux. Je ne suis pas un polémiste qui veut faire un show en disant des niaiseries. Je croyais fermement qu’il allait perdre et je me suis trompé. »

Quatre ans plus tard, l’analyste a vu juste. Il avait prédit une victoire de Biden quelques jours avant le 3 novembre. Une victoire personnelle qu’il n’a pas manqué d’afficher sur son Twitter, en narguant poliment du même coup ses haters.

Publicité

Mais, malgré un parcours beaucoup moins houleux cette année, le professeur en science politique s’est encore une fois attiré les foudres sur les réseaux sociaux pour ses propos, disons… malhabiles à l’endroit de sa collègue de la Chaire Raoul-Dandurand Élisabeth Vallet.

«J’ai été marié assez longtemps pour savoir que c’est rarement une bonne idée de s’obstiner avec une femme intelligente», l’entend-on déclarer dans l’extrait. «Vous avez pas dit ça là?», lui rétorque un Patrice Roy qu’on sent un peu à boutte et mal à l’aise.

Il n’en fallait pas plus pour que les mots «voyons!», «manque de classe» et «arrogant» ressortent dans les commentaires. «Élisabeth et moi on se connait depuis 10 ans. On s’est parlé deux minutes après être sortis des ondes et il n’y avait aucun malaise. Ça se voulait un compliment envers elle et mon ex-femme puisque j’admire leur intelligence. Je pense que plusieurs l’ont compris, mais je trouve ça plate que certaines personnes l’aient mal pris».

Au secondaire, j’avais beaucoup d’amis, mais il y avait aussi du monde qui ne m’aimait juste pas. J’ai donc accepté tôt le fait que je ne pourrais pas faire tout le temps l’unanimité.

Publicité

Même s’il ne souhaite pas créer de polémique, l’analyste reconnait que son franc parler peut susciter des réactions mitigées. «Je suis habitué de ne pas plaire à tout le monde. Au secondaire, j’avais beaucoup d’amis, mais il y avait aussi du monde qui ne m’aimait juste pas. J’ai donc accepté tôt le fait que je ne pourrais pas faire tout le temps l’unanimité. Je suis 100% authentique et c’est ça qui compte» soutient l’expert en politique américaine.

Il faut dire que l’analyste n’a pas que des détracteurs. Le journaliste de RDS Frédéric Plante l’a même encensé sur Twitter après la soirée électorale.

Publicité

«Une journaliste a dit que j’étais comme un commentateur sportif de TVA Sports dans mes analyses. Une autre m’a qualifié de Pierre-Yves McSween de la politique américaine l’autre jour. Pour moi, c’est un honneur de me démarquer avec mon style et je ne changerai pas ça».

Maintenant que les élections sont terminées, qu’est-ce que le sosie autoproclamé de Pitbull (le rappeur là) compte faire? «J’ai dit que j’allais prendre des vacances lorsque Trump ne serait plus là. Donc je suis dû», concède-t-il, ne sachant pas trop trop ce qu’il va faire avec la pandémie qui fait rage.

En ce qui a trait aux élections présidentielles de 2024, le chercheur ne souhaite pas se prononcer tout de suite. «Je me suis tellement fait niaiser avec mes prédictions de 2016 que je vais juste savourer mes prédictions fructueuses de 2020 pour l’instant».

Une chose qui est cependant certaine selon lui c’est que l’intérêt pour la politique américaine autour du globe ne risque pas de se dégonfler de si tôt. «C’est un pays en ébullition constante. Ça sera certainement plus calme à la Maison-Blanche, mais ça risque d’être une présidence fascinante avec tous les défis qui attendent Joe Biden».

Publicité

De notre côté, on espère qu’il pourra aussi déguster une part de gâteau, même s’il vient du Provigo.