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Depuis quelques temps, on me donne des tapes dans le dos. On me couvre d’émoticônes de sourcils qui se font aller. On me sourit parfois même dans la rue. Mais on me croit surtout sur mon lit de mort.
Et ce, de plus en plus fréquemment.
J’ignore ce que je dois retirer des impressions de mon prochain, mais chose certaine, chaque fois, et c’est ici que je m’entrouvre le jardin, je tombe un peu à côté de mes souliers Pepsi.
Calvaire.
Depuis toute petite, le hasard et la swing de la roue d’Yves Corbeil a voulu que je sois toujours la plus jeune de mon groupe. La plus tiny. Petite petite PETITE. Bonne élève au permanent qui sentait juste assez le petit lait, j’ai eu, comme tous les ti-clins de mon école, la chance inouïe de sauter une année. La troisième (CELLE QUI NE SERT À RIEN).
Eh! Que j’étais donc intelligente (pour vrai, j’avais copié un test sur ma voisine Marie-Ève Côté en 2e année. Elle a fini dans Star Académie 2 à avoir mal au dos en chantant du Nicole Croisille, pendant que moi, la petite verrat qui lui avait volé l’esprit et l’adresse, j’entreprenais une brillante carrière de preneuse de bords de pantalons chez Simons).
J’étais si jeune. J’étais la bollée. L’avenir frappait aux portes de mes matins. Modèle 81, je rutilais comme c’était pas permis.
Et je rutile toujours.
Mais un beau matin, ça devait être au bureau, une première gens de mon âge s’est jointe à l ’équipe. Puis une autre (ça commençait à faire pas mal de monde exceptionnel ici-dedans). Puis un jour, un premier «plus jeune que moi» a retonti. Et d’autres pleurotes nées dans les années 90 – après ma graduation en robe argent – se sont doucement greffées à ma vie, sans trop me chambouler le vécu.
Paraît que c’est de même.
On vieillit, et d’autres gens naissent après nous. Un concept fascinant.
Mais depuis environ un an, je ne saisis pas ce qui manque à votre Nabob, car ne se passe pas une journée, UNE SEULE JOURNÉE, et je vous jure que j’exagère pas long comme un saumon de huit mètres, sans que ne soit propulsé au sol un individu à qui je révèle mon âge.
Et il ne s’agit pas là d’une chute entraînée par l’étonnante conservation de mes chairs ou l’action liftante de ma crème contour des yeux. J’ai l’air de ce que j’ai l’air, j’essaie de me peigner sur le côté et de m’habiller chic quand il faut.
Il semblerait simplement que j’ai le millésime borderline. Vous savez, celui qui entraîne des réactions de petits yeux plissés avec lèvres de dédain qui se pincent en aspirant de l’air, suivi d’un « Ooouffffffffffff » rempli de compassion radio-canadienne.
(il y a beaucoup de « f », et le « ou » est un peu vécu par en-dedans)
J’ai 33 ans.
Et ça a l’air qu’avoir 33 ans, c’est ben impressionnant.
Bon. C’est sûr que quand j’avais 24 ans, le 33, il était loin. Il ne me faisait pas peur, mais il était loin. C’était l’âge de la malette de cuir. De la clôture blanche, d’un hypothétique époux avec possibilité de Jeep. J’ai toujours eu hâte à la trentaine, en fait. Hâte d’être bien. Hâte d’être mieux. D’avoir cette expérience décisionnelle que je n’avais pas et qui me faisait toujours pencher pour les pires affaires, dont les souliers pointus.
M’y voici.
C’est pas le Klondike, mais c’est, et je ne parle que pour mon casque, assez fantastique.
C’est pourquoi j’arrive mal à m’expliquer la succession de sourcils en accents grave-aigu qui ornent vos beaux faciès devant mon âge du Christ. Et cette réaction, je l’obtiens des plus jeunes, comme des plus âgés que moi. C’est vieux, 33 ans? C’est déprimant? JE suis déprimante?
C’est comme si 33 ans, c’était l’âge où un paquet de choses auraient dû se passer, et où plein d’affaires plates s’en viennent. L’âge du yogourt sur le bord de virer.
« T’as 33 ans? »
* Elle a pas d’enfants, pas de condo, pas de méri pis la pauvre caille, elle peut plus porter de jupes courtes, l’ostéoporose la guette ELLE SE FANE À L’INSTANT, QU’ON APPELLE LES PARAMÉDICS *
Je ne sais trop qu’en penser. C’est rendu que je dis mon âge accompagné d’un « Je sais JE SAIS c’est plus vieux que tu pensais » avec un rire gnéseux de fille qui vient de décevoir.
Chaque fois, je me trouve coucou. Je suis-ti après être gênée de pas être cristallisée dans le pommeau de la canne du scientifique de Jurassic Park à 25 ans, l’âge de tous les âges? Seigneur. S’il y a une décennie dans laquelle je ne retremperais JAMAIS sandale cocktail, c’est bien la vingtaine.
Willkommen, bienvenue les rides d’expression et les plus creuses, les rotules qui loussent et tout ce qui s’en vient. Je suis couchée dans le litte en étoile pis je vous attends.
Vous savez, j’ai encore de belles années devant moi.
Bon; elles ne sont pas nombreuses; quarante. Cinquante? SOYONS DE PARTÉ. Peut-être même soixante ans encore.
Et vous serez nul doute fascinés par l’aisance avec laquelle j’embrasserai la quarantaine et les pantalons à panneaux. Par tout ce que je serai en mesure de faire avec autonomie.
Marcher.
Me servir un verre d’eau.
Gagner ma vie.
ÊTRE HEUREUSE EN ME FAISANT ALLER LES BAGUES.
Je vais peut-être même me reproduire.
Je tenais à vous en informer. Astheure je vous laisse, faut que j’aille prendre mon taux de sucre. En cas.
La bise.
PS TENDRESSE :: ça fait aujourd’hui un an que j’écris ici. Je suis certes un peu cernée, mais je suis pas près de lever les pattes. Juré.