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LA MORT DU CD: Marc Dupré – La vie qu’il nous reste
Selon Hugo Mudie, le CD est mort. Personne en achète. Les critiques aussi sont morts. Ils ne servent plus à rien. On peut écouter ce qu’on veut quand on veut. Pas besoin que personne vous dise ce qui est cool et ce qui l’est pas. Pas besoin de suivre personne. Vous pouvez enfin écouter ce que vous voulez, sans vous soucier de savoir si URBANIA à donné 2/5 ou 4,5/5. C’est donc le moment parfait pour Hugo de réinventer la critique de disque.
Le CD est mort, vive la musique, vive Hugo. Cette semaine, un voyage dans l’univers que lui a inspiré La vie qu’il nous reste, nouvel album du coach des apprentis chanteurs de variétés : Marc Dupré.
Félix conduit son char vers nulle part. Il ne sait pas trop où s’en aller en ce moment. Il fait beau dans Rosemont-La Petite-Patrie. Il roule en direction Sud. Inconsciemment, il se dirige vers la rue St-Hubert, où ses parents habitent encore. Où il a connu une enfance parfaite. Parfaite, mais sans vraiment de souvenirs marquants.
Des sandwichs au dîner, moyen dans toutes les sports, relativement bon à l’école, une blonde de secondaire trois à cinq qui souriait juste quand elle mangeait au Thaï Express, quelques games de mini-putt en famille, pis une fois, il a gagné 50 $ avec un gratteux de baseball donné par son oncle Jean-Guy à Noël. Il fallait gratter pis faire le tour des buts, pis il avait pas trop catché les règles, mais son oncle Jean-Guy avait spotté la victoire. Il essayait de le convaincre de splitter le magot avec. C’était la seule fois que Félix s’était tenu debout pour quelque chose.
– C’est mon cadeau!
Sa mère était venue lui dire dans l’oreille que Jean-Guy avait pas beaucoup d’argent et que l’esprit des fêtes c’était ça, redonner au suivant. Félix avait senti la rage pour la première fois dans ses poings qui s’étaient serrés tout seuls. Il avait donc fait exprès pour laisser le gratteux de balle dans le gros sac de Noël de Winnie The Pooh appartenant à la famille de Jean-Guy, qui l’utilisait comme sac de transport pour ramener l’amas de produits festifs. Genre de gros sac qui contient des gros cadeaux pour le monde trop paresseux ou poche pour emballer les objets avec du papier ou pour mettre des objets qui s’emballent fucking mal comme une poupée dure ou un gros toutou. Les trucs qui viennent pas dans des boîtes sont souvent l’enfer pour l’emballeur moyen.
Il n’a plus jamais entendu reparler du 50 $. Il espérait juste que Jean-Guy l’aille trouvé et non qu’il aille glissé hors du sac pour se retrouver dans la slush, reprit par quelqu’un qui en avait pas vraiment besoin.
Il roulait en direction Sud et il pleurait. Presque sans son. Mais il ne sentait pas de rage comme la fois du gratteux. Non, il était complètement perdu. Il se sentait vidé.
Sa blonde Marie-Claude venait de lui dire que c’était fini.
– C’est pas toi c’est moi Félix. Je veux que tu comprennes ça. T’as rien fait de pas correct. T’as tout fait pour me rendre heureuse, tu es gentil, doux, tu sors pas, tu bois pas…T’étais parfait comme chum Félix, mais je ne suis pas heureuse, il faut que je fasse le ménage dans ma tête. J’me sens perdu. Tout va trop vite. J’ai 31 ans maudine, pis j’ai rien fait. J’ai rien vu. J’aimerais ça aller à Cuba avec les girls, me faire du fun avec eux autres. Parait que c’est le paradis là bas. Toute est blanc, c’est vraiment luxueux.
– Tu veux me crisser là pour aller à Cuba avec tes chums? Tu peux y aller pis revenir, tsé, Marie. Coudonc, il se passe quoi dans ces voyages de filles là? Es-tu sûre que Stéphane est au courant de tout ça?
Il s’est arrêté dans un garage/dépanneur qui se prenait aussi pour un café, pour prendre un cappuccino fait par une machine qui était tellement proche d’un robot dans les films de sa jeunesse qu’il a esquissé un p’tit sourire. Le dude du comptoir avait une face à fesser dedans incroyable. Un genre de face comme le directeur roux dans le film de Ferris Bueller, mais en version jeune et plus gras. Pas endurable. Il avait jamais eu envie de fesser quelqu’un pour rien avant. Ça lui a viré le cœur à l’envers.
Il se demandait c’était quoi la vraie raison pour que Marie-Claude le plaque. Après six ans de bonheur et d’efforts. Le sexe? Ça l’air qu’il y a des filles qui aiment ça vraiment souvent, avec pleins de partenaires et des jouets pis toute, mais faut pas virer fou. Nous on faisait l’amour, juste assez me semble pis elle avait l’air de jouir et d’aimer ça. C’était pas l’argent. Ingénieur à la ville de Longueuil c’est quand même mieux que l’autre ostie de commis au garage laitte. Il serra le volant avec une envie folle de faire demi-tour pour puncher le piment direct dans le front.
*****
Marie-Claude est assise au Moustache Café. Son amie Julie a les yeux sortis de la tête. Le corps au complet vers l’avant comme si elle voulait rentrer dans la tête de sa best. Elle peut pas croire ce qu’elle entend.
– Ben là? Tu vas faire quoi? Y’est fin Félix. Tu l’as toujours dit toi, y’a aucun problème avec ton chum. C’est le chum parfait. Comparé à mon gros jambon de Steve tout le temps chaud à jouer au poker en ligne jusqu’à trois heures du matin. Criss que j’suis pu capable! Ton chum ça avait l’air d’un genre de Marc Dupré! Pis le mien… ben c’t’un Éric Lapointe (p’tit rire d’une fraction de seconde, très aigu, une p’tite sortie d’air)!
– Un Marc Dupré?
– Ben Marc Dupré, y’a l’air vraiment gentil tu trouves pas? J’dis ça parce que j’ai écouté La Voix hier et j’me disais que ça devait vraiment être un bon chum. J’ai pas rapport, sorry.
– Écoute, j’me sens mal de te dire ça, mais je le pense depuis au moins quatre ans, babe. Je me l’avouais pas, parce que tout le monde, incluant toi, disait que c’était un gars parfait. Mais… y’est juste rien Félix. Y’est vide. Il se fâche pas. Il est jamais crampé. Il fait pas vraiment de jokes non plus. Il capote sur aucun film, aucune équipe de sport, aucune activité. Il aime toute, mais moyennement. Il accepte tout ce que je propose. Il est jamais malade. Il porte le linge que je lui achète, il chiale pas back si je lui chiale après. Y’est mort, j’te dis. J’suis pu capable. On fait l’amour le vendredi soir. Criss, j’peux tu baiser un mercredi pis que ça start par un cuni sur le divan? Il boit pas, prend pas de drogue. Il écoute même pas de musique. Juste la radio. Pis on a juste un CD à la maison, pis c’est Coldplay, il le met tout le temps, pis je pense même pas qu’il aime ça. Il écoute ça parce que son ami Réjean lui a mis dans tête que c’était cool. Mais au moins Réjean y’écoute d’autres affaires pis j’suis certaine qu’il fait des cuni random à sa blonde des fois. J’décâlisse.
10 /10