.jpg)
« On est dans le néant! », résume simplement une cadre croisée dans une succursale de la SAQ d’Anjou, lorsqu’on l’interpelle (pour la dix millième fois) sur la situation.
La situation, vous la connaissez, ne serait-ce que pour avoir vu passer ces images de succursales aux rayons à moitié vides, rappelant le Boxing Day ou cette étrange ruée pandémique pour faire le plein de papier cul.
On a fait une petite tournée de succursales pour tâter le mood ambiant à l’aube du temps des Fêtes. Si plusieurs client.e.s prévoient des réserves au cas où, d’autres semblent faire confiance à leur bonne étoile et ont bon espoir de voir les tablettes se regarnir d’ici Noël.
.jpg)
Rien n’est moins sûr, prévient la cadre de la SAQ d’Anjou. « Ça ne sera pas un Noël comme les autres. Les employés ont déjà fait le plein. Les négociations sont en cours, mais à cause de la grève, on a des retards, sans compter les conteneurs pris en France à cause de la grève ET de la pandémie », explique l’employée, à qui j’ai caché mon statut de chasseur d’histoires chez URBANIA.
« Ça me rappelle le papier de toilette », souligne une cliente perspicace derrière nous, qui a mis des mots sur une impression qu’on a tous et toutes en tête en posant le pied dans une SAQ ces jours-ci.
Enfin, même les plus optimistes doivent commencer à trouver que le malheur s’acharne depuis bientôt deux ans. À l’heure où on s’enligne pour une troisième dose, avait-on besoin en plus d’un problème de ravitaillement en boésson, dernier rempart pour nous sauver d’une dépression collective?
D’autant plus que cette nouvelle tuile s’abat au moment où le gouvernement autorise le monde à organiser un moyen pas pire party de Noël, en faisant comme si on n’avait pas remarqué que le centre Bell et les bars étaient remplis depuis un mois de gens semi-masqués.
.jpg)
Mais bon, relativisons un peu, l’alcool n’est quand même pas indispensable pour survivre à la période des Fêtes…
JE NIAISE VOYONS! Si tout le monde a réussi à remplacer le PQ par un bidet, pas question de remplacer le vin par de l’alcool frelaté ou des cépages de dépanneur pour supporter les conversations de Nowel bout de ciarge.
« Pis? Quoi de neuf depuis deux ans?
– Ah, tranquille, en mou en télétravail à faire semblant que je m’ennuie de mes collègues. Toi? As-tu vu ça Squid Game?
– Nan, j’écoute juste des vidéos de VÉRITABLES DOCTEURS EN SCIENCE QUI SE FILMENT DANS LEUR DEMI-SOUS-SOL. »
Pas de panique, il existe heureusement d’intéressantes alternatives (j’y reviendrai), mais d’abord, un peu de contexte sur le conflit de l’heure (sorry les éducatrices en CPE et autres domaines vraiment moins importants comme LE SORT DE NOS ENFANTS).
.jpg)
En gros, le bras de fer se poursuit entre le gouvernement et le syndicat des entrepôts de la SAQ (représentant 800 employé.e.s) au lendemain du rejet par ses membres (à 86 %) d’une entente de principe convenue en marge du renouvellement de la convention collective.
Les employé.e.s d’entrepôt, qui approvisionnent les succursales et des restaurants, revendiquent de meilleures conditions salariales, le droit aux heures supplémentaires et un lieu de travail plus sécuritaire.
Et même si le conflit se règle avant la fin de cet article, les retards accusés par les trois jours de grève se feront vraisemblablement sentir jusqu’à la fin de l’année. « Il va y en avoir des trous », a averti en entrevue à La Presse canadienne la grande patronne de la SAQ, Catherine Dagenais.
.jpg)
Sur le terrain, ce constat nous saute en plein visage devant la vision apocalyptique (bon, je me calme) des succursales dévalisées comme si on était dans le pilote de The Walking Dead.
Les client.e.s croisé.e.s à la succursale Masson se disent solidaires avec le personnel syndiqué, sans même savoir trop trop en quoi consiste le litige. « Je suis toujours du bord des travailleurs », justifie Sarah, qui a tout de même réussi à trouver ce qu’elle cherche dans le maigre inventaire disponible.
De son côté, Vicky assure ne pas être en mode panique à quelques jours de la période des Fêtes. « Il n’y a pas vraiment mes sortes, mais on va trouver quelque chose », souligne avec confiance la jeune femme, qui sait au moins que le conflit tourne autour de l’entrepôt.
.jpg)
Yolande, elle, ne cache pas sa surprise de découvrir les tablettes aussi désertes. « Je prévois de faire une petite r éserve, on ne sait jamais quand la visite peut débarquer », raconte la sympathique dame, qui appuie aussi les travailleuses et travailleurs syndiqués. « Le coût de la vie augmente pour tout le monde! »
Pour cet employé à la caisse, les gens du quartier sont patients et compréhensifs, même s’il doit répéter 300 fois par jour ne pas en savoir plus que nous sur le conflit. « Le quartier est assez pro-syndical, c’est peut-être différent ailleurs », explique l’employé, un peu coincé entre les client.e.s qui ont soif et les collègues qui se battent. « On ne peut rien faire ben ben, mais on a une solidarité morale avec nos collègues de l’entrepôt », assure-t-il.
Une solidarité morale, c’est un peu comme un boycottage diplomatique des Jeux olympiques. Les jeux vont se dérouler pareil et la SAQ va rester ouverte.
.jpg)
À ce sujet, Marc, un client croisé à la succursale du Plateau-Mont-Royal, estime avoir un malaise avec l’idée que la SAQ – un service essentiel – n’est jamais passée même proche de fermer pendant la pandémie, pendant que des dizaines de commerçants et restaurateurs mettaient la clé dans la porte. « C’est un peu malsain. On dirait que le gouvernement fait de l’argent avec nos dépendances », philosophe le gaillard, citant aussi la SQDC et Loto-Québec.
Mais revenons à nos moutons (Cadet). Marc affirme ne pas céder à la tentation de prévoir des stocks. « S’il n’y a plus de vin, c’est pas un problème, il y a de très bonnes bières et de bons cidres au Québec », souligne le client, venu surtout acheter des cadeaux de Noël.
.jpg)
La succursale du Mont-Royal (près de Papineau) semble d’ailleurs moins dégarnie que les autres adresses visitées, et pas seulement à cause d’un habile facing. « On fait pitié, mais moins que d’autres! », tranche un employé.
Cette autre cliente abordée en sortant du magasin ne cache pas faire des réserves au cas où les choses se corsent. « J’ai pas pris de chances, j’aime pas la bière. Et puis, j’approuve les syndiqués, je suis déjà passée par là », explique Jacinthe, qui a réussi à mettre la main sur toutes les bouteilles qu’elle voulait.
.jpg)
L’adage « le malheur des uns fait le bonheur des autres » prend tout son sens en entrant à la boutique La Boîte à vins dans le quartier Rosemont, où l’on se spécialise dans la vente de vins et cidres québécois.
Deux des copropriétaires rencontrés sur place ne s’en cachent pas, ils sont débordés et profitent grandement du fait que la SAQ peine à renflouer ses tablettes. « On a reçu au moins 300 commandes en trois jours, c’est la folie! On se fait tirer tout notre jus! », illustre Louis-Philippe Mercier, flanqué de son complice Romain Saurel.
.jpg)
Même si le téléphone ne dérougit pas et qu’ils sont dans les commandes par-dessus la tête, les deux jeunes hommes ont un gros sourire estampé au visage. « On se fait dévaliser chaque jour, mais on ne se plaint pas. Le message qu’on veut envoyer, c’est que les épiceries fines et des endroits comme ici sont de bonnes alternatives à la SAQ », explique Louis-Philippe, qui enfile les entrevues dans les médias depuis quelques jours, ce qui a un impact direct sur ses ventes.
« On a l’appui des vignerons, qui viennent nous porter rush de nouvelles caisses quand on appelle en panique », renchérit Romain Saurel, qui fait affaire directement avec une centaine de producteurs québécois. « La SAQ reste un bon modèle, mais on est derrière les syndiqués de l’entrepôt. On comprend la surcharge de travail qu’ils vivent à cause des commandes en ligne », admet Romain, en train de goûter un nouveau cidre avec son camarade avant de l’offrir sur les tablettes le lendemain.
.jpg)
Quant à moi, je me considère chanceux de n’avoir aucune notion oenologique. Comme ça, si mon traditionnel Brouilly Georges Duboeuf tombe en rupture de stock, je peux sans problème me pitcher au supermarché m’acheter un vinier de l’Harfang des neiges.
Juste ce qu’il faut pour m’engourdir comme il le faut quand un membre de ma famille entreprendra une conversation sur l’adaptation québécoise de Survivor ou un éventuel retour du baseball à Montréal.
Identifiez-vous! (c’est gratuit)
Soyez le premier à commenter!