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La Malédiction d’Aurore Gagnon: tout ce que vous devez savoir avant d’acheter un billet
Comme plusieurs québécois, j’ai été traumatisé très tôt par le film de Jean-Yves Bigras Aurore, l’enfant martyre.
Ce n’est pas vraiment la faute de mes parents. On regardait tranquillement la télé en famille et mon père est tombé sur la scène où la diabolique belle-mère d’Aurore Gagnon lui enfonce la tête dans les rosiers avec un sourire satisfait sur le visage. Vous savez de quelle scène je parle:
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Heureusement, mon paternel a changé de chaine après quelques secondes, mais j’avais beaucoup de questions. C’était la première fois de ma vie où je voyais un adulte faire souffrir un enfant pour le simple plaisir de la chose.
Ce dont la mémoire d’Aurore n’avait PAS besoin, c’est d’un film de fantômes tourné par des gens qui n’en ont absolument rien à foutre de son histoire.
L’histoire d’Aurore Gagnon, c’est un drame qui a marqué l’imaginaire collectif québécois. Elle a été adaptée au cinéma une deuxième fois en 2005 par Luc Dionne parce que c’est important de ne pas oublier ce qu’elle a vécu. L’espèce humaine a malheureusement tendance à avoir la mémoire courte. Et ce dont la mémoire d’Aurore n’avait PAS besoin, c’est d’un film de fantômes tourné par des gens qui n’en ont absolument rien à foutre de son histoire.
La bande-annonce du film du réalisateur américain Mehran C. Torgoley The Curse of Aurore a divisé les internets plus tôt ce mois-ci. Certains trouvaient la prémisse intrigante, d’autres croyaient à une blague. Le seul dénominateur commun dans ces deux perspectives, c’est que personne avait envie de payer un billet de cinéma pour en avoir le coeur net. La preuve:
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Parce que oui, en bon serviteur du public, j’ai sacrifié 90 minutes de mon temps (et quelques points de QI) afin de répondre aux grandes questions existentielles que vous pourriez avoir à propos de ce film.
Est-ce un bon film?
Non.
C’est l’histoire de trois Californiens qui travaillent depuis trois ans sur un projet de film et qui décident de visiter Fortierville dans le but de vérifier si l’histoire de la petite Aurore vaut la peine d’être racontée. Ça fait trois ans qu’ils travaillent sur un film sans script, sans avoir la moindre idée de l’histoire qu’ils veulent raconter. Un script (ou juste un concept), c’est le point de départ d’un film: c’est ce qu’on vend à des diffuseurs et l’outil de travail premier d’une production. Sur quoi ces gens ont travaillé depuis trois ans au juste… c’est pas clair.
Le souci de réalisme du réalisateur, son manque criant de budget et ses limitations techniques coexistent très maladroitement.
Au fond, c’est l’histoire de trois touristes américains grossiers, alcoolos et pas débrouillards pour deux sous qui se font ramasser par un fantôme quelque part en campagne. C’est peut-être ce qu’ils font quand ils ne sont pas occupés à se faire ramasser par les videurs de clubs de danseuses du centre-ville montréalais. L’idée est très similaire à celle de la série The Conjuring, mais sans l’éclairage efficace ou les effets sonores terrifiants.
Ça aurait peut-être mieux fonctionné sans l’esthétique found footage à la Blair Witch Project. Le souci de réalisme du réalisateur, son manque criant de budget et ses limitations techniques coexistent très maladroitement. À part des portes qui ferment tout seules, des croix qui virent à l’envers sur le mur et des animations que les personnages regardent sur un ordinateur portable (je ne vous niaise pas), on a pas grand-chose à se mettre sous la dent.
Ça manque aussi cruellement d’originalité. Si vous avez vu l’excellent film d’Ari Aster Hereditary, vous allez vous sentir floués par la fin de La Malédiction d’Aurore.
Est-ce que ça manque de respect envers la mémoire d’Aurore Gagnon?
Oui, vraiment… mais pas pour les raisons que vous croyez.
Mehran C. Torgoley le dit à qui veut bien l’entendre: ce film n’est pas l’histoire d’Aurore. Il a raison. C’est complètement accessoire au film. Ça aurait pu être à propos d’un fantôme X ou d’un mythe populaire Y, cette histoire aurait pu être racontée exactement de la même façon. La seule raison pour laquelle Torgoley a choisi l’histoire d’Aurore (et que Vincent Guzzo a changé le titre de Paerish à The Curse of Aurore Gagnon), c’est pour donner une raison aux gens de regarder un film found footage complètement dérivatif et dénué d’intérêt. Le film emprunte la crédibilité d’un drame réel.
Ce qui est encore plus irrespectueux envers l’histoire d’Aurore, c’est qu’elle n’est même pas racontée comme il faut.
Déjà là, c’est pas très respectueux. Ce n’est cependant pas la première fois qu’un réalisateur fait ça. Ce qui est encore plus irrespectueux envers l’histoire d’Aurore, c’est qu’elle n’est même pas racontée comme il faut. On passe environ 3 minutes dessus et c’est clair qu’ils ont juste lu sa page Wikipédia en diagonale. Un des personnages prétend que les raisons de la libération de sa belle-mère Marie-Anne Houde sont inexpliquées, alors qu’en fait c’est bien documenté qu’elle mourrait du cancer du sein à l’époque et qu’elle a bénéficié d’une libération de compassion.
La Malédiction d’Aurore Gagnon instrumentalise un drame très important dans la culture québécoise… en espérant le vendre aux Québécois. J’veux pas dire qu’il s’en câlisse d’Aurore, maaaaais… c’est ça quand même.
À qui ça s’adresse exactement?
C’est ça que je comprends pas trop. Je sais pas trop qui pourrait bien finir ce film en se disant: «wow, c’était vraiment bon». « Wow, c’est tellement médiocre que ça en devient bon », ça peut-être.
Torgoley et Guzzo espéraient visiblement attirer les cinéphiles québécois, mais le Fortierville présenté dans La Malédiction d’Aurore Gagnon est rempli: 1) De Français et 2) De gens qui ont l’accent que les gens du West Island prennent quand ils veulent imiter les francophones. Non seulement le réalisateur n’a pas jugé pertinent de donner un coup de fil à l’UDA pour engager du monde d’ici, mais il a l’air de carrément se foutre de comment son film nous représente. Ça va vous faire chier.
Le Fortierville présenté dans La Malédiction d’Aurore Gagnon est rempli: 1) De Français et 2) De gens qui ont l’accent que les gens du West Island prennent quand ils veulent imiter les francophones.
La Malédiction d’Aurore Gagnon ne s’adresse pas VRAIMENT aux Américains non plus. Il n’a absolument rien à offrir comparativement aux autres films du genre, sauf peut-être une vague nostalgie du Blair Witch Project. On va se le dire aussi… The Blair Witch Project c’était pas SI bon que ça. Tout le monde a capoté sur la bande-annonce à l’époque, mais personne a vraiment trippé sur le film.
Il y a un adage dans le milieu du cinéma qui dit: « fais le film que t’as envie de voir ». Je pense que Mehran C. Torgoley a fait exactement ça. Le problème, c’est que y’a juste lui qui avait envie de voir ce film.
Est-ce que ça vaut une écoute gratuite en streaming?
Ça dépend.
La beauté avec le streaming, c’est qu’on peut arrêter un film après 20 minutes si on trouve ça plate et pas se sentir mal parce qu’on vient de jeter de l’argent par les fenêtres. Je vois mal quelqu’un trouver ça bon ou même juste satisfaisant, par exemple.
Si vous aimez le moindrement les films d’horreur, je ne vous ne le conseille pas. Regardez-vous vieillir dans un miroir à la place, peut-être? C’est plus long, mais beaucoup plus angoissant.
Pourquoi est-ce que Vincent Guzzo insiste pour nous vendre ce film?
Ma théorie c’est qu’il ne l’a pas vu.
Y’a juste ce bon vieux Vince qui a mordu à l’hameçon. La Malédiction d’Aurore Gagnon n’est disponible QUE dans les cinémas Guzzo… et un cinéma indépendant de Terrebonne.
Parce qu’honnêtement, un gars qui tient à son entreprise ne mettrait pas un produit aussi faible en circulation, en connaissance de cause. Si La Malédiction d’Aurore Gagnon s’est retrouvé dans ses cinémas, je crois qu’il s’agit d’un concours de circonstances (COVID-19 oblige, très peu de nouveaux films sont distribués) et d’un solide pitch de Mehran C. Torgoley, centré autour du fait que les millénariaux québécois vont être intéressés par un film d’horreur sur la petite Aurore.
En gros, ils nous prennent pour des caves. Et y’a juste ce bon vieux Vince qui a mordu à l’hameçon. La Malédiction d’Aurore Gagnon n’est disponible QUE dans les cinémas Guzzo… et un cinéma indépendant de Terrebonne.
La dernière fois que j’ai chialé sur un film, je me suis fait abreuver d’injures sur les médias sociaux pendant environ 3 mois donc je suis toujours un peu chatouilleux quand vient le temps de parler négativement de quelque chose… Mais cette fois-ci, c’est moi qui va vous juger si vous décidez de payer pour aller voir ça.