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Il est de ces semaines où l’on fait de grandes découvertes. Ce pot de betts pas entamé dans le fond du frigidaire. L’étonnant instinct de survie d’Étienne Drapeau aux Dieux de la danse. Et cette fille, qui hurle présentement dans ma ruelle arrière qu’on lui a remis un ziploc avec une boule de papier de toilette portant son prénom (Dieu la bénisse).
De petits et grands bonheurs.
Et alors que l’actualité se déchaîne, fait couler le mascara des dames en tailleur et insère de vils raps dans le jingle de Métro, j’ai eu envie d’un petit moment beauté.
OUI (les doigts noircis par Le Devoir, bien entendu).
Sous les conseils de Ricardo qui me chuchotait de ne viser que le top du top, j’ai donc mis mon casse, mes gumboots et j’ai fendu le vent vers cette chouette boutique qui manucure les égarés sur la Plaza. Ce qui est rassurant et qui m’enveloppe le bulbe, quand j’entre là, c’est que quoi qu’il advienne, je suis assurée d’entendre “It’s my party and I cry if I want to” en boucle et de pouvoir visionner un film avec Scarlett Johansson pas-de-son. Jamais de son. Que du rêve, mes acouphènes et des plans de cuisses d’une Scarlett parfaitement transportée de porter de si jolis palazzos.
Mais c’était pas tout. Parce que malgré cette pause-vacuité que je m’accordais dans la plus haute culpabilité, il fallait que je choisisse ma couleur. C’est comme ça, quand tu entres dans un salon de manucure. Tu fais sonner la cloche de la porte d’entrée, tu enlèves ton coat et tu salues. AVEZ-VOUS CHOISI VOTRE COULEUR, MADEMOISELLE? VOTRE COULEUR.
Il y a toujours une dame qui vit dans l’urgence de t’entendre nommer le spectre chromatique à voix haute sans te tromper.
Et t’as deux choix: soit tu te couches par terre et que tu comptes jusqu’à 10, le temps de cesser de voir des picots noirs et de t’éponger le pelvis, soit tu figures trois-quatre minutes avant d’entrer si t’as envie d’avoir de très longs ongles pointus avec des diamants ou un petit pêche.
J’avais un goût de gris pâle. UN PETIT GOÛT DE GRIS PÂLE, hurlez-vous présentement entre les séparateurs de votre bureau.
* Ne vous demandez pas pourquoi vous êtes après lire ce billet. Lisez-le. Simplement. Il vous fera du bien. Comme cette minute télévisuelle où une participante de “La petite séduction” annonça avec assurance à Marie-Mai: J’ai su que t’aimais la lasagne et le patin à roues alignées. Ça fait que je t’ai fait une lasagne en forme de patin à roues alignées. *
Je me précipite, donc, devant l’étalage de pots de vernis en levant le nez sur les quarante nuances de “couleur peau” créées pour ceux qui préfèrent prétendre que leurs ongles sont faits de chair, pour finalement identifier le petit gris pâle qui me ferait tant de bien.
Ça tenait à bien peu de choses.
C’est du moins ce que je croyais.
C’est que j’ai passé, dans mon parcours de jeune professionnelle écartée, quelques années à œuvrer en publicité. Bon an mal an, je rédigeais chaque jour des slogans, des rimettes et des accroches de pauvres pour vendre des bas de nylon, des pick-ups et des pots de yogourt qui favorisent le transit. C’est pourquoi quand je tâte un nouveau produit, j’aime bien en lire l’étiquette. Célébrer la plume de cette personne qui, ce matin-là, a décidé que mon petit gris s’appellerait “gris doux” ou “blanc qui tire un peu sur le noir” au lieu de se pendre.
Eh bien ma foi du bon Dieu, les choses ont vivement évolué depuis mes années en agence.
Parce qu’à la lumière de l’étiquette, je ne m’apprêtais pas à me faire peindre les ongles en gris pâle. Je m’apprêtais plutôt à me faire peindre les ongles en “French quarter for your thoughts”.
CE QUARTIER FRANÇAIS DE LA NOUVELLE-ORLÉANS POUR VOS PENSÉES.
À défaut de gris-taupe, cette bouteille de cutex me proposait le monde (pour mes pensées).
Le bayou. Le gumbo. ZACHARY RICHARD.
C’est beaucoup de pression pour une petite fiole.
Désormais, quand je pointerais du doigt les w.c. à une dame désorientée ou que je retirerais ce morceau de persil coincé entre mes palettes, ce ne sont pas mes doigts, mais bien TOUTE LA LOUISIANE qui serait sollicitée.
Tant de poésie. Tant de air miles. Et une collaboration internationale inattendue le moment venu de tirer sur la corde de mon kotex.
Nous vivons à une époque fantastique où tout, TOUT est passible de se voir affublé du nom le plus approprié pour sa fonction, soit celle de transporter le consommateur à cet endroit précis où le rêve flirte avec ce sentiment double-crème de ne pas avoir dépensé en vain. De prendre part au grand projet en donnant des airs de Venise à une transaction de Scott Towels.
C’est le futur.
Ainsi, lors de ma prochaine pause-vacuité, j’ai bon espoir de trouver refuge dans un paquet de lingettes “Long silence humide dans un rest area de Sainte-Luce-sur-Mer” ou de me procurer, le corps parcouru d’incontrôlables spasmes, le beurre d’arachide crunchy “Regard bienveillant de Kim Thúy qui te regarde manger des pinottes”.
Demain est certes un autre jour. Et j’ai hâte en crimpuff de déjeuner.
La bise.
PS TENDRESSE : après une courte recherche, j’ai découvert l’existence d’un vernis bleu poudre dont la libre traduction du nom donne “des fourmis dans mes culottes”. Merci.
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