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La liste de Manue

Par
Manue des Rosemomz
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Au début janvier, avec les filles, on parlait de nos vœux pour la nouvelle année. C’est là que je leur ai dit que j’aimerais bien avoir un amoureux pour 2015. “Fais une liste !”, elles m’ont dit. “Écris toute, toute, toute, ce que tu veux d’un gars en DÉTAIL”. Elles étaient unanimes, j’étais rendue là.

Aaaahhh, la sacro-sainte liste des caractéristiques de l’homme désiré, c’est tellement puéril et surfait! On a toutes fait ça, ado ou dans un moment de cul-de-sac sentimental. Pis à chaque fois que ça tombe sur le sujet, y’a toujours une amie qui te dit : “Ça marche pour vrai! Be careful what you wish for, darling, cause you might get it.” S’ensuivent généralement des ricanements de sorcières complices. Misère! Dois-je vraiment m’astreindre à cette tâche de visualisation psycho-poche?

Le lendemain après-midi, je vais m’accoter au comptoir du bar du coin de la rue, café à la main, je sors mon petit carnet. Je me sens comme une Julia Roberts pathético-ridicule, qui tente de remixer sa vie en faisant des kriss de listes… je finis par faire ajouter du Bailey’s dans ma tasse, histoire de mettre un “peu de sérieux” dans ma démarche…

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Ce que je cherche? En fait, ça serait beaucoup plus facile d’écrire ce que je ne veux pas. Fini le gars trop loud qui a la vérité molle. Exit aussi, le collègue pas vraiment libre qui te laisse faire de la nage sur place dans la grande piscine de la vacuité amoureuse. Le badboy à tatoo, j’ai assez donné, c’est moi qui ressors de là scarifiée. L’intense-trippant, qui après trois mois, s’avère être un caméléon dépendant, ça me fait le même effet qu’être poursuivie par un journaliste qui fait des vox-pop à la sortie du métro.

Ce que je veux, ce que je veux…

En fait, je pense que j’aimerais rencontrer un homme-arbre, un gars avec des racines fortes, ben groundé, qui ne plie pas au moindre coup de vent. Un mec solide sur qui tu peux t’appuyer quand t’es fatiguée. Un monsieur pas stressé qui serait capable de me dire “Calme-toi, la petite” quand la machine à scénarios me part en fou. Quelqu’un qui n’a pas peur de l’improvisation et du bordel (parce que oui, il faut parfois enjamber quelques obstacles pour passer de ma cuisine au salon). Un père monoparental, ça serait pas pire, pour qu’il connaisse cette réalité et comprenne que les enfants passent avant tout et qui ne se sent pas menacé si sa blonde jase avec le père de sa progéniture une couple de fois par semaine. Un gars qui aurait une joie élévatrice contagieuse et qui rendrait ma vie encore plus signifiante qu’elle l’est déjà.

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La liste faite, le problème, c’est que je n’ai aucune envie de me mettre en mode « recherche et séduction ». Je suis trop naze quand j’arrive à la maison, je ne peux éplucher les 3126 fiches de Don Juan en ligne sur Zéro-Contact. Je n’ai pas l’énergie non plus de me transformer en une Tinderella qui, à la fin d’une “baisaille”, panique en cherchant ses bas. Le speed-dating avec un sac brun sur la tête, pas vraiment mon genre non plus.

Bref, il faudrait idéalement que le prospect cogne à ma porte. Oui, je sais, ça pas d’allure, à part un nouveau voisin qui veut de la farine ou un livreur de samossas, y’a pas grand possibilités.

Étonnement, 3 jours après avoir rédigé la fameuse liste, je reçois un message d’un gars qui a vu ma fiche estivalo-défraîchie sur BOF. Son message est plein d’esprit. Sur sa photo, il semble atteint de rébellion capillaire, j’aime bien ! Un échange s’amorce, y’a complicité, il rit de mes jokes, je ris des siennes. Une semaine plus tard, rendez-vous pour une pinte. Ça me tente pas pantoute, j’ai l’impression que je me fais violence, j’ai peur d’être déçue. Il rentre dans le bar, je le vois, on se dit une niaiserie et je sais automatiquement que la soirée sera agréable. Effectivement, c’est facile, on passe aisément de la profondeur à l’absurdité. Tout coule, on a envie de se revoir.

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Je rentre chez moi, un peu abasourdie. Tabouère, ça fit avec les critères… de la liste. C’était vraiment ma meilleure date à vie. Il me texte le lendemain et m’invite à souper chez lui le week-end suivant. Le dimanche arrive, je me pointe chez eux, c’est super chaleureux. Il a même réussi à trouver le film bollywood super rare dont on avait parlé la première fois. Apéro, vino blanco, vino tinto… et là rapprochement… en fait, il fait les premiers pas et ça prend l’allure d’une accolade un peu awkward. Un genre de truc, un peu paternel, bizarre. Isshhh. Bon, ok, c’est peut-être de la timidité, de la maladresse de première fois.

Transfert sur le divan et là, embrassade. Mais, c’est vraiment ordi. Je me dis : “Manue, t’es peut-être pas habituée aux bons gars gentils, tu sabotes là… allez, il est génial ce garçon!” Déplacement vers la chambre, mais ça ne marche pas, je suis zéro allumée, je ne sens aucune compatibilité, contrairement à lui, qui semble tout content d’être heureux. Je me mets à pogner le fixe sur un bibelot vraiment laid sur sa table de nuit pendant qu’il me tatillonne avec un sourire béat. J’ai l’impression que mon Bas-Canada est un écran tactile de cellulaire et que le mec cherche un numéro parmi ses contacts. Je suis complètement décrochée, il faut qu’on en finisse au plus vite.

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Minuit arrive, je dis que je dois rentrer sinon, je vais me changer en citrouille. Je me retrouve dans mon lit un peu tristounette et là, ça me flashe en gros comme une enseigne lumineuse à Vegas: PHÉROMONES. Le mot que j’ai oublié dans ma liste.

Pourquoi quand y’en a trop, je deviens folle et je roule sur l’autoroute des histoires toxiques à 200 km/h les yeux ben fermés?

Et pourquoi, quand c’est absent… rien à faire, même s’il y a tous les autres critères?

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