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La lassitude de la mère mono

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Attablée au Madrid 2.0, sur l’autoroute 20, je regarde mes filles lécher leur cornet de crème glacée McDo.

Nous sommes arrêtées ici pour une pause pipi, en route vers chez ma mère, où nous allons passer de petites vacances avec ma famille. Ce matin, ça a été le rush de la préparation des valises. Puis, le rush du paquetage du char. Tu-seule, évidemment. Mais ce n’était rien comparé au rush du pelletage du trou dans le banc de neige, hier, à minuit, en revenant du souper chez Brigitte, pour pouvoir stationner sur ma rue… Et au rush du montage des filles endormies au 2e étage, ensuite. C’est ça, être monoparentale, l’hiver.

Je suis fatiguée, on dirait. Autour de moi, dans ce joyeux Madrid 2.0, il y a plein de petites familles parfaites – lire familles de deux parents. La phrase d’une fillette assise à une table voisine fuse : « Yé où papa? » La réponse de la mère : « Parti se chercher un coke ». Et la petite qui se lève pour aller rejoindre son papa en courant. J’sais pas pourquoi, ça me rentre dedans.

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Mes filles ne peuvent pas aller rejoindre leur père en courant, je suis une mère séparée. Des fois, ça me réapparaît comme une révélation. Fuck, je suis une mère séparée. De celles qui me faisaient un peu pitié avant. Bon, j’avais pas raison d’avoir pitié. Y’a de sacrés avantages à la séparation (parce que si on s’est séparés, c’est que ça allait mal). Mais il y a parfois, surtout l’hiver, quand il fait -50 000 ou qu’il a neigé 40 cm, cette lassitude qui peut s’emparer de la monoparentale rosemontoise locataire d’un 2e étage de duplex.

Et il y a cette jalousie, cuisante, à l’égard des maudites familles parfaites…

Demain, je soupe chez Lou, ma meilleure amie, et son chum Michel, amoureux depuis 15 ans. On mangera dans la salle à manger parfaite de leur maison parfaite et on passera la soirée à placoter devant leur foyer au gaz – parfait, il va sans dire. Les enfants courront dans la maison comme des gazelles et je me répéterai : « pense pas à ton 4 et demi de monoparentale » en chassant les larmes qui monteront.

Dans ma famille aussi, ce sera le festival de la famille parfaite. Mes sœurs sont dans des couples unis et leurs enfants pourront indifféremment crier : « maman » ou « papa » quand ce sera le temps de se faire essuyer les fesses aux toilettes. Mes filles se sentiront-elles tristes de ne pas pouvoir crier « papa » quand elles entendront les autres crier « papa »? Je n’en sais rien.

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En attendant, dans le Madrid 2.0, finissant leur cornet de crème glacée à la vanille, elles rient, elles se taquinent, ne semblant même pas remarquer la lassitude de leur maman. Et ne semblent pas plus malheureuses que les enfants de famille parfaite. Peut-être qu’elles ne le sont pas au fait. Et que les mères monos s’en font vraiment trop.

Quelques jours plus tard

Ma grande de 7 ans est venue me rejoindre dans mon lit. Je me sens à fleur de peau d’avoir passé à travers ce festival de la famille parfaite et je lui demande : « Est-ce que tu es triste, des fois, que l’on n’ait pas une maison grande comme celle de Lou et Michel »? Elle me regarde, interloquée, comme si la question n’avait vraiment pas de bon sens : « Ben voyons, maman, c’est bien trop grand! » Comme quoi…

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