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La Journée de l’album québécois pour les nuls
« Ce n’est pas la journée J’achète un album québécois, c’est la Journée de l’album québécois. »
Le coorganisateur de la Journée de l’album québécois Marc-André Mongrain tient à ce qu’on fasse la différence. Les habitudes de consommation des mélomanes québécois s’étant beaucoup déplacées en ligne depuis un quart de siècle, il ne souhaite pas dévaloriser une forme d’écoute au profit d’une autre. Ce qu’il souhaite, c’est d’abord et avant tout de valoriser – l’instant d’une journée – la culture d’ici.
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À l’origine le bébé du photographe Charles-Antoine Marcotte, la Journée du disque québécois (dont la première édition a eu lieu le 9 septembre 2019) fut le projet d’un seul homme pendant cinq ans. Cette année, Marc-André Mongrain, Louis-Philippe Labrèche et Nadine Mathurin ont fondé l’OBNL Colporteurs avec comme but, entre autres, de donner un second souffle à cette initiative longtemps demeurée dans l’ombre de la journée J’achète un livre québécois.
« Les deux initiatives ne sont pas liées. C’est d’ailleurs une coïncidence que ça tombe exactement à un mois d’intervalle cette année, on planifie tenir la Journée de l’album québécois chaque deuxième vendredi de septembre », explique Mongrain, rejoint au téléphone.
« Ce qu’on cherche, c’est de combattre l’apathie envers notre culture. Il n’y a jamais eu autant de production artistique ici, mais à cause des plateformes d’écoutes, on ne l’a jamais aussi peu vue. »
Puisqu’il est difficile de tracer un portrait d’ensemble d’une industrie aussi fragmentée, j’ai pris sur moi de tâter le terrain en allant visiter quelques disquaires montréalais et peut-être leur soutirer quelques recommandations d’artistes dont on parle trop peu.
Arrêt #1 – LA FIN DU VINYLE, Petite-Patrie
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Ville Émard Blues Band, Live à Montréal
« On est une boutique vintage, alors les gens qui viennent nous voir cherchent des classiques », m’explique Danny, disquaire à la populaire boutique de la rue Saint-Laurent La fin du vinyle où, ironiquement, les microsillons trouvent une deuxième vie. « La musique québécoise vend très bien. Surtout depuis qu’on l’a séparée de la musique française, il y a quelques années. On a une bonne clientèle française ici, et ils ne veulent rien savoir de la musique de leur patrie. »
L’artiste québécois le plus en demande à La fin du vinyle par les temps qui courent est… Plume Latraverse.
Un souvenir pour plusieurs, le chansonnier fait présentement rage chez les collectionneurs. Sinon, les albums d’Harmonium partent bien sûr comme des petits pains chauds depuis toujours et l’album de Robert Charlebois et Louise Forestier, mieux connu sous le nom de Lindberg, est un autre objet prisé par les clients de Danny.
Il recommande cependant l’album en spectacle du Ville Émard Blues Band, un délire prog oublié des années 1970. « C’était la grande époque de la fierté montréalaise, entre Expo 67 et les Jeux olympiques de 1976. La musique se voulait ironique, mais c’était quand même toute une vibe. Je me rappelle les avoir vus jouer quelque part vers 1974. Je devais avoir peut-être huit ans? », confie le sympathique disquaire.
Arrêt #2 – LE RAMA, Mile-Ex
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Maximum Ennemi & DJ Hermano
Le Rama n’est pas un disquaire comme les autres. Situé à proximité de deux autres boutiques sur la rue Bernard, il se spécialise dans la musique indépendante, dansante et qui ne passe pas à la radio. On y trouve deux tables tournantes de DJ à côté de la caisse au comptoir et beaucoup de matériel musical haut de gamme. C’est un brin intimidant.
Malgré mes appréhensions, c’est le très souriant disquaire Emiliano qui m’accueille. Lui-même artiste et propriétaire de sa propre étiquette de disque, il recommande deux de ses projets, Maximum Ennemi (un duo dont il fait partie) et l’album de DJ Hermano qu’il distribue.
« On est toute une gang de passionnés qui ont grandi ici. On travaille dans les clubs sur Saint-Laurent le soir et c’est grâce à des boutiques comme le Rama, qui nous soutiennent avec une section dédiée aux talents locaux, qu’on peut faire ce qu’on fait. C’est un lieu de rassemblement pour nos publics. »
Arrêt #3 – PHONOPOLIS, Mile-Ex
Annie-Claude Deschênes, Les manières de table
Deux coins de rue à l’ouest de Rama, se trouve Phonopolis, mon premier arrêt où je peux trouver de la musique populaire québécoise qui date d’après le Printemps érable. C’est la très discrète Ozzie qui m’accueille derrière le comptoir. « Oui, la musique québécoise est très populaire ici, mais certains artistes ressortent plus que d’autres. Daniel Bélanger, Jean Leloup, Les Colocs, la musique d’une époque bien particulière. »
Non seulement Phonopolis peut se vanter d’avoir une section québécoise bien garnie, mais on peut y trouver également une section 100 % montréalaise. Ozzie recommande Les manières de table d’Annie-Claude Deschênes, une autre artiste qui n’était probablement pas sur votre radar. « C’est quand même assez extraordinaire. Cette artiste mérite beaucoup plus d’attention qu’elle n’en reçoit présentement », affirme-t-elle.
Arrêt #4 – SONORAMA, Mile-Ex
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Population II, Maintenant Jamais
Juste en face de Phonopolis, on retrouve Sonorama, une boutique qui fait dans le neuf comme dans l’usagé où je rencontre Zach, un disquaire anglophone qui m’avertit d’entrée de jeu qu’il ne se considère pas spécialiste en musique québécoise. Il se prête néanmoins à l’exercice avec bonne foi. « Quand je réfléchis à la musique, je réfléchis en genres et pas nécessairement en termes de provenance ou de scène locale », confie-t-il
Il recommande néanmoins le dernier album du groupe de rock psychédélique Population II, Maintenant Jamais. Ces derniers ont connu une année du tonnerre qu’ils couronneront peut-être même d’un prix Polaris, le 16 septembre prochain. « Il y a beaucoup d’influences le fun dans ce qu’ils font. Il y a du prog, mais aussi beaucoup d’éléments de vieux rock britannique. C’est un gros coup de cœur. »
Arrêt #5 – AUX 33 TOURS, Plateau-Mont-Royal
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7e ciel, 15 ans dans l’game
La boutique Aux 33 tours est une des institutions les plus connues des mélomanes montréalais. La musique québécoise y est très bien représentée, mais rejoint souvent une clientèle très particulière. « On reçoit beaucoup de clients français en visite qui veulent mettre la main sur du matériel qu’ils ne peuvent pas trouver chez eux.
Les albums des Cowboys Fringants partent presque aussi vite qu’ils arrivent », révèle la disquaire en service Catherine.
Férue de hip-hop, cette dernière me confie être une fan finie des anciens gagnants des Francouvertes LaF, mais puisqu’elle n’a plus leurs albums sous la main, elle recommande la compilation 15 ans dans l’game de leur étiquette de disques 7e ciel. « Avec 7e ciel, tu te trompes pas. Avec des compils comme ça, tu peux découvrir plein de nouveaux artistes. »
Pour les intéressés, Marie-Pierre Arthur fera une prestation en magasin vendredi prochain pour célébrer la Journée de l’album québécois. C’est Catherine qui vous y invite.
Arrêt #6 – FREESON, Plateau-Mont-Royal
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Sloche, J’un oeil et Stadaconé
À quelques pas du 33 Tours se trouve Freeson, une boutique un peu plus geek, spécialisée en musique rock et métal. J’y suis accueilli par le coloré Xavier qui semble tout droit sorti d’un clip de rock psychédélique des années 1970. « La musique québécoise tourne bien, mais les gens cherchent souvent les mêmes choses : Harmonium, Daniel Bélanger, Jean Leloup. Les fourmis a été réédité il y a pas longtemps et c’est très couru », raconte-t-il.
Xavier recommande J’un oeil et Stadaconé du groupe Sloche, une autre fierté oubliée de la Belle Province. « Ils ont juste fait deux albums, alors je trouve ça important qu’on continue à les célébrer, et surtout, qu’on ne les oublie pas », confie Xavier. Visiblement passionné, il s’arrête aussi sur plusieurs autres options, comme le groupe L’infonie, dont faisait partie Raôul Duguay, une figure de proue de la musique progressive au Québec.
Arrêt #7 – BEATNICK, Quartier latin
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Satan Bélanger, Attaboy on meurt!
Le Beatnik est un des disquaires les plus populaires à Montréal. Situé sur la rue Saint-Denis, j’y suis accueilli par Patrick qui dresse un portrait on ne peut plus familier des habitudes de consommation en rapport à la musique québécoise. Les gens achètent du Plume Latraverse, Harmonium, Offenbach, Daniel Bélanger, Jean Leloup, etc. Ce sont les classiques qui vendent, d’abord et avant tout.
Soucieux de recommander quelque chose qui sort de la norme, il suggère une réédition d’Attaboy on meurt! de Satan Bélanger, un artiste marginal des années 1980 (de son vrai nom Bruno Tanguay), dont j’ignorais l’existence jusqu’à présent. « C’est quelque chose de très singulier, comme tu peux voir. C’est vraiment très drôle aussi, il y a des chansons sur les Nordiques de Québec. »
***
La leçon à retenir de ce tour d’horizon? Que c’est important d’acheter des albums québécois, mais que c’est tout aussi important de s’ouvrir à de nouvelles voix afin d’assurer la pérennité de notre culture.
Sinon, qu’est-ce qu’on peut faire d’autre pour soutenir nos artistes? « Tout ce qui est en lien avec l’achat direct. Allez voir vos artistes préférés en spectacle, achetez leur album sur place. C’est beaucoup plus bénéfique pour eux que de commander sur Amazon. La grosse mode, présentement, c’est d’acheter de la merch. Même si on n’a pas de table tournante, un vinyle, c’est une maudite belle façon de décorer son salon et ça dure plus longtemps qu’un t-shirt », explique Marc-André Mongrain.
En terminant, le mot d’ordre pour cette année : vous avez le droit d’aimer Harmonium, Jean Leloup et Daniel Bélanger, mais élargissez votre radar, le temps d’une journée.
La seule chose que vous risquez, c’est d’y prendre goût.
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