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J’attends Jagmeet Singh.
Notre rendez-vous est fixé à 14h, au parc Lafontaine.
« On va te rejoindre devant le monument de Charles de Gaulle, en face de l’hôpital Notre-Dame », m’a dit Nina, l’attachée de presse du chef du NPD.
C’est frisquet dehors, malgré le soleil. Tiens, je n’avais encore jamais porté attention à cet obélisque hommage à De Gaulle, qui ressemble à un mur d’escalade. J’ai le temps de googler «obélisque» pour savoir si c’est féminin ou masculin.
Nina arrive la première par un petit sentier, l’oreille vissée sur son cellulaire.
Il y a eu presque autant de reportages sur Jagmeet Singh que sur Denis Coderre (bon ok, pas tant).
Elle ne doit pas chômer, puisque son chef enfile les entrevues à la chaîne depuis quelques jours. Il y a eu presque autant de reportages sur lui que sur Denis Coderre (bon ok, pas tant). La veille, il était à Tout le monde en parle. En matinée, il était ici même au parc devant des journalistes, flanqué d’Alexandre Boulerice, l’unique député néo-démocrate québécois et chef-adjoint. Le parti annonçait le lancement d’OSER, une plate-forme web destinée aux jeunes de 18 à 40 ans. « Ils ont vécu l’isolement et la perte d’emplois », soulignait en point de presse M. Singh, recommandant des logements abordables, un accès gratuit aux soins en santé mentale et un plafond pour les tarifs exigés par les compagnies de télécommunications.
Le chef du NPD débarque à son tour en VUS noir, talonné par un caméraman.
Tournez-vous dans une téléréalité coudonc? « Nenon, c’est juste un behind the scene », explique Jagmeet Singh, pendant que le vidéaste immortalise cette rencontre de deux géants.
Je ne pousse pas l’enquête plus loin sur le behind the scene de quessé. J’ai environ 30 minutes d’entrevue. J’invite le chef du NPD à prendre place sur un banc de parc, comme dans Forrest Gump.
« Maman disait que la politique c’est comme une boîte de chocolats: on ne sait jamais sur quoi on va tomber. »
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Jagmeet Singh préfère rester debout et se met soudainement à sautiller sur place. « Je suis frileux », justifie cette carte de mode assumée, vêtu d’un élégant manteau noir ajusté et coiffé de son dastar rose pétant. Selon sa page Wikipédia (une source fiable), il porte des costumes sur-mesure, qu’il créé lui-même.
Le chef néo-démocrate semble top shape. Il dit avoir repris l’entraînement des arts martiaux mixtes, après avoir pratiqué le jiu-jitsu brésilien à un niveau compétitif. « Il y a beaucoup de respect et d’amitié entre les adversaires dans les arts martiaux », souligne cette ceinture bleue.
Plus que dans un débat des chefs? « L’un est plus mental et l’autre plus physique, mais j’aime les deux! », rétorque-t-il en riant.
Après le small talk, ma première question s’impose d’elle-même: est-il en pleine campagne de séduction québécoise, à l’heure où les premières rumeurs de campagne électorale commencent à se faire entendre? Sa réponse ne se fait pas attendre. « Toujours! Je ne tiens personne pour acquis, incluant les Québécois », assure le chef de 42 ans, qui se dit étroitement lié à la belle province. « J’ai toujours senti une ouverture, une vibe qui me convient tellement bien.»
Il raconte avoir développé son amour du Québec au contact d’un enseignant d’origine québécoise qu’il a eu lors de ses études aux États-Unis. « Étant tous les deux Canadiens, nous avions une connexion. Il m’a raconté l’histoire de la langue française », explique Jagmeet Singh, qui a vu des similitudes entre les Québécois et ses parents, des immigrants originaires du Pendjab indien, qui parlaient aussi une langue minoritaire.
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C’est bien beau tout ça, mais regagner le cœur des Québécois ne se fera pas en criant « sirop». Surtout lorsque l’on sait qu’il s’est attiré les foudres de plusieurs récemment en taxant de «raciste» un député bloquiste. Il en a depuis ajouté une couche en ne désavouant pas son propre député pour avoir endossé les propos controversés d’un professeur de l’Université d’Ottawa envers les Québécois.
Le chef du NPD s’est plutôt entretenu avec son député, affirmant préconiser le dialogue à la réprimande.
« Mon but est toujours de créer des ponts. Entre nos aînés québécois qui ont vécu dans le passé la discrimination systémique, puis les femmes, les personnes handicapées et les communautés qui la vivent encore aujourd’hui », illustre Jagmeet Singh.
À l’heure de la laïcité, il semble même convaincu que son turban ne nuira pas à ses chances de percer au Québec. « Il y a ici un esprit, une ouverture unique dans la culture et la tradition. Et les jeunes sont tellement ouverts ici », louange le néo-démocrate, qui a la cote auprès de la jeunesse. C’est d’ailleurs le seul chef de parti à avoir un compte Tik Tok (très populaire) et à ne pas avoir l’air de feu ma grand-mère sur les réseaux sociaux. Il partage même des techniques ancestrales sur comment attacher des cheveux sans élastique selon la culture sikh à ses 566K abonnés.
Jagmeet Singh n’est pas dupe. Il doit bien savoir que son avenir politique – et l’avenir tout court – passe par la jeunesse. « Ils sont en première ligne de tous les mouvements de justice sociale. L’environnement c’est eux. Black Lives Matter c’est eux. Ils ne sont pas cyniques et ont le pouvoir d’oser », encense-t-il.
il invite les gens à lui texter des questions sur n’importe quel sujet et il s’engage à vous répondre lui-même.
On ne lui reprochera certainement pas d’avoir peur d’essayer des choses, puisqu’il vient aussi de lancer un nouvel outil de communication pour rejoindre les gens: son propre numéro de cellulaire. En gros, il invite les gens à lui texter des questions sur n’importe quel sujet et il s’engage à vous répondre lui-même. J’ai d’ailleurs testé la chose en lui écrivant un message lundi matin. J’attends ma réponse. Je voulais juste connaître sa position sur la robe de Marie-Mai dimanche dernier à Big Brother Célébrités. « Ça marche, on a déjà reçu quelques milliers de messages, c’est une belle façon de se connecter avec les gens », résume Jagmeet Singh, qui bénéficie d’un coup de main de son équipe pour traiter tous ces textos.
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L’entrevue achève. S’il courtise le Québec à ce point, pas le choix de le sonder un peu sur ses goûts locaux. La musique par exemple. « Je suis un peu hipster, j’aime Coeur de pirate », répond-il d’emblée.
Ok, celle-là je l’avais pas vu venir.
«c’est un peu ça la politique, une séduction perpétuelle»
Il adore aussi la chanson Tout recommencer des artistes Marco Volcy, Imposs, Shreez, Tizzo, Sarahmée etc. Il a sinon aimé la série Fugueuse et le film La grande séduction. Belle façon de boucler la boucle. « Oui c’est une belle métaphore du travail à faire. Mais c’est un peu ça la politique, une séduction perpétuelle », laisse tomber Jagmeet Singh.
Avant de partir, je lui fais remarquer que notre rencontre se déroule à l’ombre d’un monument à la gloire d’un homme qui s’est fait connaître de ce côté de l’Atlantique pour avoir crié « Vive le Québec libre». J’en profite pour demander au chef fédéral s’il croit que le projet d’indépendance est toujours d’actualité. « Je ne tiens pas le Québec pour acquis. Si le gouvernement fédéral ne respecte pas le Québec, le Québec a un choix. On doit respecter toutes les nations et bâtir un avenir brillant ensemble », tranche-t-il, avant de partir vers un prochain rendez-vous.
Poursuivre sa grande séduction.