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La goutte de trop : une plongée dans les bas-fonds de notre eau potable

À 268 litres par jour et par personne, notre consommation d’eau n’est pas durable.

Par
Guillaume Whalen
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Comment garder notre eau potable propre et abondante? URBANIA et Télé-Québec partent à la recherche de réponses.

Montréal, les 14 et 15 septembre 2018. Pour la première fois de son histoire, le fleuve Saint-Laurent est parcouru pendant 30 heures presque en continu par une plongeuse professionnelle partie de l’île Perrot, frôlant l’ouest de l’île de Montréal, pour se rendre à Repentigny, située 70 km en aval. À l’aide d’un recycleur permettant de régénérer l’air sous l’eau sans avoir à changer les bonbonnes d’oxygène, Nathalie Lasselin a relevé ce grand défi, qui aurait fracassé le record de la plus longue plongée en continu si elle n’avait pas ponctué son parcours d’une petite pause à mi-chemin.

Trois ans plus tard, le public peut enfin suivre la plongeuse dans son expédition dans La goutte de trop, un documentaire qui tire la sonnette d’alarme sur la situation de nos réserves d’eau potable diffusé à Télé-Québec à compter du 13 octobre.

Au cours de ses nombreux nettoyages effectués depuis cette plongée au sud de Montréal, Nathalie et son équipe ont retiré du fleuve Saint-Laurent 10 tonnes de déchets de toutes sortes.

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Même si par ses voyages extraordinaires Nathalie Lasselin récolte la gloire et bat des records, son objectif est tout autre. C’est une exploratrice engagée de renommée internationale, illustrant ses nombreux voyages pour nous sensibiliser sur les enjeux environnementaux majeurs auxquels nous faisons face. Elle mise entre autres sur la découverte sous-marine, notamment pour conscientiser les populations locales sur leurs sources d’eau potable. « Quand j’étais au Mexique ou en Chine, par exemple, j’ai aidé certains villages à découvrir les rivières souterraines qui coulaient sous leurs pieds pour qu’ils puissent éventuellement les utiliser efficacement », raconte-t-elle.

Au Québec, elle constate que nous tenons trop notre eau potable pour acquise, sans nous rendre compte que c’est une denrée qui peut finir par s’épuiser si nous la négligeons. Imaginez… Au cours de ses nombreux nettoyages effectués depuis cette plongée au sud de Montréal, Nathalie et son équipe ont retiré du fleuve Saint-Laurent 10 tonnes de déchets de toutes sortes. Par conséquent, elle pose la question suivante : que seriez-vous prêts à faire pour un verre d’eau?

Nous voguons tous dans le même bateau

L’importance du fleuve Saint-Laurent pour la province demeure capitale : les Québécois y puisent 50 % de leur consommation quotidienne, et les Montréalais y prennent jusqu’à 80 % de leur eau chaque jour. En d’autres termes, nous consommons, hors usage industriel, 268 litres par jour par personne, soit 650 % de plus que la moyenne mondiale!

«s’il y a un enjeu climatique qui peut nous interpeller, c’est bien celui de l’eau potable puisqu’elle coule devant nos yeux»

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Pour illustrer ces statistiques, Nathalie Lasselin s’exclame : « Seulement à Montréal, nous traitons 2,5 millions de mètres cubes d’eau chaque jour, soit l’équivalent de 22 000 stades olympiques remplis, prêts à déborder! C’est ahurissant… »

Et malheureusement, à la lumière des images qu’elle a captées, on constate que le fleuve Saint-Laurent n’est pas aussi limpide qu’on le souhaiterait. Ainsi, selon elle, « s’il y a un enjeu climatique qui peut nous interpeller, c’est bien celui de l’eau potable puisqu’elle coule devant nos yeux, contrairement par exemple à la fonte de la banquise, qui ne nous touche pas directement ».

Heureusement, l’état de notre or bleu s’est considérablement amélioré au cours des dernières décennies. Auparavant, 98 % des eaux usées au Québec étaient rejetées dans l’environnement sans aucun traitement, alors que maintenant, c’est 98 % des eaux usées qui sont traitées. À ce jour, 83 municipalités déversent toutefois encore leurs eaux usées directement dans les cours d’eau faute de moyens. « Le problème est que l’eau reste sous-financée. Le provincial et le fédéral doivent s’unir pour aider les petits villages à trouver le moyen de recycler leurs eaux », selon la plongeuse.

«C’est comme la cigarette : à court terme, les effets néfastes ne se font pas sentir, mais dans 30 ou 40 ans, il sera probablement trop tard »

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D’autre part, « si on continue de polluer nos cours d’eau, il y aura une accumulation de contaminants qui rendra notre eau impropre à la consommation. C’est comme la cigarette : à court terme, les effets néfastes ne se font pas sentir, mais dans 30 ou 40 ans, il sera probablement trop tard », explique-t-elle. Or assainir les eaux usées coûte très cher, mais sans que les particuliers s’en rendent compte. Par conséquent, nous ne sommes pas vraiment conscients de cette réalité. « Personnellement, je suis en faveur des compteurs d’eau. Je suis convaincue que l’individu est interpellé seulement si son portefeuille est directement touché », plaide Nathalie Lasselin.

L’effet papillon

La première action que Nathalie Lasselin suggère est le nettoyage de nos sources d’eau : « Il s’agit d’une belle corvée où il est possible d’allier l’utile à l’agréable en réunissant le voisinage dans la bonne humeur avec une musique entraînante tout en faisant de jolies rencontres. » Cette idée me rappelle de merveilleux souvenirs de jours où je déambulais dans les rues de Rosemont pour vider humblement mon quartier des déchets qui le jonchaient. Le sentiment d’union avec sa communauté est ce qui motive le plus dans ces belles actions.

Au Québec, de 30 à 40 % de l’eau potable est perdue dans le sol en raison de la détérioration des infrastructures.

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Sinon, « on doit remplir notre agenda de vérifications sporadiques des installations résidentielles qui transportent notre eau : on ne sait jamais s’il y a des fuites, lesquelles occasionnent des pertes d’eau non négligeables », ajoute-t-elle. Au Québec, de 30 à 40 % de l’eau potable est perdue dans le sol en raison de la détérioration des infrastructures.

Par ailleurs, limiter l’utilisation de l’eau lors de la douche et pour les besoins domestiques est primordial. N’hésitez pas à vous vanter de vos bonnes actions – sans jamais tomber dans la culpabilisation, bien sûr! Un « Ouf ! Ma douche froide de quatre minutes m’a tellement aidé à me réveiller » ou un « J’adore fermer le robinet quand je me brosse les dents! » ne font jamais de mal…

Plusieurs autres actions peuvent être accomplies dans la salle de bain, cette antichambre d’eau pure qui coule de partout – par exemple, dans les toilettes, terribles sanctuaires du gaspillage… Ça ne paraît pas, mais les chasses d’eau accueillent et rejettent 6 L d’eau chaque fois! Il est toutefois possible de réduire cette quantité ahurissante d’eau potable gaspillée en brisant le réflexe de flusher à qui mieux mieux, et on opte pour des toilettes dites écolos, dont le réservoir contient « seulement » 4,8 L d’eau (c’est quand même 20 % moins).

les chasses d’eau accueillent et rejettent 6 L d’eau chaque fois!

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Si vous êtes naïf comme moi et que vous pensez avoir LA grande idée pour éradiquer le gaspillage d’eau potable dans les toilettes, c’est-à-dire remplacer l’eau potable par de l’eau salée, eh bien… ce serait « catastrophique », selon Nathalie. Et comme une professeure grondant son élève qui a posé une question sotte, elle m’explique pourquoi. Un : où est-ce qu’on irait la chercher? (C’est vrai qu’il n’y a pas tant de régions québécoises qui ont la chance d’avoir un accès direct à la mer…) Deux : ça créerait énormément de corrosion et nos aqueducs s’effondreraient.

Alors si on est pris pour rejeter de l’eau propre de nos toilettes, soyons au moins vigilants… Cela dit, Nathalie me décrit quelques pistes de solution qui ont piqué ma curiosité, même si elles demandent un peu de débrouillardise et quelques habiletés manuelles : « Il est possible de récupérer les eaux de pluie grâce à un système de gouttières et de tuyauterie qui achemine l’eau du ciel vers nos toilettes et même nos douches. » Et lorsque ce réservoir naturel s’épuise s’il pleut moins, on retourne aux aqueducs municipaux!

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Pour en savoir plus sur la plongée historique de Nathalie Lasselin et sur les faits surprenants et parfois dérangeants qu’elle a recueillis sur notre précieux or bleu, on regarde le documentaire La goutte de trop, présenté par Télé-Québec et produit par Les Productions Extérieur Jour.

Plongez dans les fonds marins du Québec et découvrez comment vous pouvez influencer le cours des choses en posant des gestes simples avec le documentaire La goutte de trop, offert sur telequebec.tv et sur l’application Télé-Québec.