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La génération Z trippe sur Pitbull… mais pourquoi donc?
C’était pas exactement de sa faute, les circonstances étaient on ne peut plus malheureuses (le public était déjà sur place), mais l’événement a néanmoins soulevé une question dans mon esprit : « Mais qui, donc, paye pour aller voir Pitbull live en 2024? »
« Je voulais tellement y aller », m’a lancé ma collègue de 21 ans.
« Ah! moi aussi, » a rétorqué une autre, âgée d’à peine quelques mois de plus. « J’ai pas pu prendre congé, ce soir-là. J’ai dû vendre mes billets. »
Dans l’esprit des 35 à 45 ans, Armando Christian Pérez correspond à un souvenir bien précis. Celui d’une l’époque où l’on sortait dans les clubs et toutes les excuses étaient bonnes pour faire de la pinotte et danser jusqu’au matin. Et Pitbull, on le trouvait cool, mais pas si cool que ça. Dans ma tête, la popularité de Pitbull s’était estompée avec le vieillissement de son auditoire, mais c’est pas ça qui s’est passé.
Les gen Z aiment Pitbull. Probablement plus qu’on ne l’a aimé nous-mêmes. Mais pourquoi, hein? Qu’est-ce qu’il a de si cool que ça qu’on n’aurait pas perçu?
La nostalgie des Z et le temps qui passe
L’amour de Pitbull dont j’ai été témoin n’est pas l’apanage de mon lieu de travail (ni du vôtre). On le retrouve aussi partout sur Instagram et TikTok, le réseau social des DJEUNES.
« Pitbull, c’est vraiment un throwback », m’explique Maëlle, 22 ans. « C’est de la musique que j’écoute depuis que je suis petite. Il a toujours été dans ma vie. »
« J’ai été énormément influencée par les choix musicaux de mes grandes sœurs. Je ne me souviens pas exactement de comment j’ai connu Pitbull, mais c’est fort probablement grâce à elles », renchérit Céleste, 23 ans, qui était présente au parc Jean-Drapeau lors du non-événement de samedi dernier.
Un throwback, en langage universel, c’est un souvenir nostalgique. C’est aussi le mot qui est revenu systématiquement sur toutes les lèvres des membres de la génération Z avec qui j’ai discuté pour cet article. Ils sont nostalgiques, nos jeunes. Du moins, ils commencent à l’être et, bien que ça nous fasse sentir anciens, c’est dans l’ordre des choses.
Le passage à l’âge adulte, c’est le moment où on laisse l’insouciance de l’enfance et de l’adolescence derrière, et qu’on apprend à devenir responsable de notre personne.
L’émergence de la nostalgie est liée à la recherche d’un réconfort perdu et, force est d’admettre, la musique de Pitbull répond à ce besoin : c’est simple, ensoleillé et pas sérieux pour deux sous.
C’est important, ça aussi. Les gens de mon âge (je m’inclus dans cette déclaration) se trouvent très intenses et edgy parce qu’on s’ennuie de Nirvana, mais on est aussi la génération qui écoutait Shania Twain et les Backstreet Boys. Pitbull est un équivalent on ne peut plus raisonnable pour la génération Z, si vous voulez mon avis.
Si on a le droit de chanter Quit Playing Games au karaoké, je ne vois pas pourquoi les DJEUNES n’auraient pas le droit de se dandiner sur Calle Ocho. À la lumière des témoignages de Céleste, Maëlle et de tous les autres, cette chanson leur appartient autant qu’à nous.
Le LOL ne meurt jamais
« Sa musique est nostalgique, mais elle est vraiment le fun, aussi, et c’est un personnage drôle », me confie Karen, une diplômée en psychologie de 23 ans.
« Il y a toute une dimension meme à Pitbull qui, je crois, est très appréciée par la génération Z », affirme ma collègue Malia Kounkou, experte en culture web et quasi gen Z elle-même. « Ils se déguisent en lui, l’imitent, apprennent ses phrases et ses mimiques par cœur. Il y a un aspect social à la célébration de sa musique. »
Même s’il avait été l’artiste le plus sérieux du monde, Pitbull n’aurait jamais pu être épargné des moqueries d’Internet. Il les a cependant accueillies avec le même mélange de désinvolture et d’enthousiasme qui caractérise sa musique. Pitbull ne s’est pas transformé en meme lui-même, mais il accueille l’ironie avec sincérité. Jamais il n’a altéré sa musique pour se rendre plus cool ou pertinent socialement. Pitbull est à son meilleur lorsqu’il est le cœur et l’âme du party et il est très au courant de ça.
Si les membres de la génération Z répondent avec enthousiasme au plaisir farfelu et anachronique du party du début des années 2000 que représente Pitbull, c’est aussi parce qu’il symbolise une sorte de laisser-faire naïf en rapport à notre culture de la performance. Pas besoin d’avoir l’air cool si on assume qui on est et qu’on accepte les moqueries au même titre que les compliments. Ça crée aussi un milieu où tout le monde peut accueillir les observations des autres sans ressentir le poids de leur jugement.
Être présent à un show de Pitbull, c’est une interdiction inhérente de juger quelqu’un au show de Pitbull.
C’est pour ça, aussi, que les gens l’aiment. Dans le monde où tout repose sur l’image qu’on a légué aux gen Z, Mr Worldwide leur offre un répit carnavalesque du jugement perpétuel.