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La force de la rectitude

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Depuis deux semaines, c’est la déferlante. Des communautés québécoises croisent le fer sur Internet et dans les médias à travers des attaques à peine voilées. Vous êtes comme ceci, vous êtes comme cela. Les accusations faciles pleuvent. Les débats sains, pourtant nécessaires, sont vites écartés.

Le Journal de Québec affirme sans ambages que Montréal serait la « ville à éviter », la « Port-au-Prince » du Québec, pendant que des blogueurs du Huffington Post s’amusent à casser du sucre sur le dos des Québécois en les traitant de racistes et d’ignorants, ce que Claude Jasmin s’évertue à leur démontrer.

Pourtant, Haïti et la ville de Québec ont beaucoup en commun, à commencer par leurs dirigeants. Les tactiques populistes et le pragmatisme d’affaire du maire de Québec sont similaires à celles de Michel Martelly. Est-ce que les médias connaissent si mal Haïti? Il semble bien, si on en croit une journaliste qui affirme le plus sérieusement du monde qu’à Port-au-Prince, on risque à tout moment de « s’enfarger dans un macchabée ».

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#noneedforinsults
Suite à mon dernier texte sur le racisme, je me suis fait traiter de tous les noms par des gens qui refusent même de lire le texte dont il est question. Rien d’étonnant dans la culture 2.0. Rien d’étonnant non plus que ces accusations, généralement en anglais, reflètent une longue histoire d’incompréhension mutuelle entre anglos et francos au Québec et au Canada.

La culture aussi peut servir les préjugés.

« Speak white », qu’ils disaient. Soyez comme nous.

Des Québéco-fanatiques lancent maintenant aussi des « Parlez français », à l’inverse, envers certains anglos.

Le racisme ne s’est pas arrêté avec la fin de l’esclavage non plus.

Plutôt que de se regrouper pour combattre ensemble la discrimination et continuer à en parler, un clivage bien malheureux s’est créé depuis quelques jours. Les positions se sont braquées. Une division qui regroupe des intégristes, Blancs et Noirs, anglos et francos, d’un côté comme de l’autre.

Le « blackface » divise, mais personne ne s’entend sur sa définition. En Haïti, un Africain reste un Blanc. Les pratiques discriminatoires se catégorisent plutôt selon la teinte de peau. Le Blanc Nord-Américain et le Noir Africain sont hors-catégorie, ensemble.

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La culture québécoise n’a pas d’équivalent pour le mot « blackface », absent de son vocabulaire. Pour des raisons racistes? Probablement.

Est-ce que le Québec devrait se permettre de faire abstraction d’un débat sur l’imitation d’un Noir par un Blanc pour autant? Non.

La pratique de se maquiller le visage en noir dans les vaudevilles et carnavals a existé dans la Belle Province aussi. Personne ne semble être en mesure de la documenter, à première vue, si ce n’est une note en bas de page d’une thèse sur le « blackface » en Ontario. Ce serait pourtant bien utile d’expliquer les origines de ces pratiques racistes aux Québécois, surtout si elles ont été répandues.

Dans le vide du web, ceux qui réfutent l’acceptabilité de toutes formes de maquillage traitent leurs interlocuteurs de racistes à la première occasion. À l’inverse, ils se font traiter de xénophobes par ceux qui questionnent les référents anglo-saxons du « blackface ».

Un débat aurait pourtant été nécessaire, ne serait-ce que pour éduquer.

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Malheureusement, il sera encore une fois reporté. Ou bien il n’aura pas lieu.

Twitter: etiennecp