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La fois où la route des Incas a failli devenir la route de la mort

Récit d’une grosse frousse dans les Andes.

Par
Nomad Junkies
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Je suis toujours en quête d’aventure. Cette fois-là, j’en ai eu pour mon (peu d’) argent.

Je voyageais en mode sac à dos en Amérique latine et je rêvais de me rendre au Machu Picchu pour célébrer mon anniversaire, question de voir de mes propres yeux la cité perdue des Incas. Le seul hic avec le Machu Picchu, c’est que ça coûte cher s’y rendre! Comme on voyageait – moi et un Américain rencontré en chemin – avec un budget de backpacker de 30$ par jour, on avait besoin de trouver une autre option au trajet de train dispendieux pour se rendre dans ce lieu mythique. Il faut savoir que le train vers ce site protégé de l’UNESCO est l’une des rides de train les plus chères au monde.

Avec ce désir de respecter notre budget, on a décidé d’emprunter un autre itinéraire connu des voyageurs indépendants qui consiste à prendre une minivan et ensuite marcher sur une voie de chemin de fer pour arriver dans le «backdoor» du Machu Picchu. On était vraiment motivés par cet itinéraire à petit budget qui prouve que c’est possible de se rendre au site archéologique sans se ruiner.

Le seul hic avec le Machu Picchu, c’est que ça coûte cher s’y rendre!

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On a donc quitté la fascinante ville de Cusco à bord d’une minivan. Le trajet de 7 heures n’était pas de tout repos entre les zigzags, l’altitude, les ânes, les risques d’éboulement, les cascades d’eau sur la route… On est quand même arrivés sain et sauf à Hidroelectrica pour ensuite marcher pendant 10 kilomètres jusqu’à apercevoir le fameux Machu Picchu. Tout juste avant la noirceur, on est arrivés au village de la vallée sacré où on a loué une chambre pour se reposer. Le lendemain, on s’est levés à 4 heures du matin pour commencer à grimper les 2 kilomètres essoufflants de marches jusqu’au Machu Picchu. J’avais peur d’être déçue, mais la grandeur des lieux et la splendeur des ruines m’ont simplement émerveillée, c’était incroyable!

Pis oui, on était plusieurs en haut, mais ça ne me dérangeait pas du tout vu qu’on n’avait presque croisé personne sur notre itinéraire alternatif. De toute façon, on s’en fout d’être entouré de touristes, parce que l’endroit donne des frissons (et qu’on est, après tout, nous aussi des touristes!).

Cette cité inca reste un des plus grands mystères au monde. Personne ne sait pourquoi la cité a été abandonnée ni quand. Pourquoi les Espagnols ne l’ont jamais découverte? Comment a-t-elle survécu sans être endommagée par les tremblements de terre?

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La tête remplie de questions sans réponses, on a commencé notre chemin du retour… et c’est LÀ que les choses se sont corsées. Après avoir remarché le 10 kilomètres sur la track de chemin de fer, on embarquait de nouveau dans une minivan.

Après deux heures de trajet, en plein milieu des montagnes on aperçoit un homme qui marche seul sur la voie. Ma première réaction? «Ben voyons, il sort d’où celui-là?»

Dans la minivan, on était douze touristes (3 backpackeuses danoises, 4 gars du Chili, une famille d’Espagnols, mon ami américain et moi-même). Notre conducteur local devait avoir plus d’une soixantaine d’années, ce n’était clairement pas sa première fois sur ce chemin. En roulant sur la route sinueuse, je remarquais une fois de plus les risques d’éboulement à gauche et la falaise abrupte à droite. C’est le genre de route épeurante qu’on voit dans des vidéos sur YouTube qui font des millions de vues. La route était si étroite que, pour contourner les roches éboulées sur la route, on devait attendre pour laisser passer les véhicules en sens inverse. Après deux heures de trajet, en plein milieu des montagnes on aperçoit un homme qui marche seul sur la voie. Ma première réaction? « Ben voyons, il sort d’où celui-là? » Il n’y avait clairement aucun village dans ce coin difficile d’accès et aucune route qui croisait la nôtre.

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Notre conducteur a ralenti et s’est adressé à l’homme. Après avoir échangé quelques mots en espagnol, l’homme mystérieux s’est assis en avant de notre véhicule, dans le siège passager. Notre pouceux ne semblait pas avoir toute sa tête, j’ai immédiatement eu un mauvais feeling.

Sans qu’on sache pourquoi, l’homme s’est retourné tout d’un coup vers les passagères danoises qui rigolaient comme des étudiants en Spring Break en leur disant de se taire. L’ambiance festive post-Machu Picchu a rapidement disparu. Une drôle d’atmosphère de danger venait de s’installer. J’essayais de calmer mes pensées. L’homme n’arrêtait pas de déblatérer des trucs incompréhensibles. Soudainement et avec un ton méga agressif, il s’est mis à nous insulter. Au moment où on croisait une croix blanche sur le bord de la route, signe d’une âme disparue sur ce passage dangereux, il a brandi son doigt vers elle pour nous dire que c’est ce qui nous attendait.

WTF! Dans un délire, l’homme a mis la main sur le volant du conducteur pour le faire vaciller. Oh My Bouddha, pas le genre de joke à faire. Notre conducteur restait calme (pas moi, je commençais vraiment à freaker), mais plus personne ne parlait dans la minivan… jusqu’à ce que le seul enfant du groupe se mette à pleurer dans les bras de son père. Ça semblait encore plus irriter l’homme qui continuait à s’énerver et à déblatérer on ne sait trop quoi, avec un regard vide.

Qu’est-ce qu’on pouvait vraiment faire? Le confronter? Sauter sur la banquette avant pour l’immobiliser? Dans un film américain, un des passagers aurait sûrement joué au héros et trouvé quelque chose pour sauver la situation.

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Il nous restait 4 heures de route avec un fou assis à côté de notre chauffeur qui pouvait à tout moment nous balancer dans le vide. C’est un sentiment vraiment étrange d’être conscient d’un danger et d’être impuissant, d’être « spectateur », de ne pas savoir quoi faire. Le plus étrange, c’est que personne du groupe ne faisait rien et ne disait rien, tous les passagers avaient la tête basse. On était quand même 13 personnes contre un, on était en majorité. En même temps, qu’est-ce qu’on pouvait vraiment faire? Le confronter? Sauter sur la banquette avant pour l’immobiliser? Dans un film américain, un des passagers aurait sûrement joué au héros et trouvé quelque chose pour sauver la situation. Mais là, nada. Je me demandais s’il était armé. Chaque virage, je retenais mon souffle et j’évitais tout eye contact avec notre dérangé.

C’était pas mon premier voyage en sac à dos, j’avais déjà voyagé dans une trentaine de pays avant le Pérou, j’avais déjà eu des mésaventures, mais pas de ce genre-là. Avant de me retrouver dans cette situation, j’ai toujours pensé que les pires moments en voyage font les meilleures histoires, mais là franchement, je me disais que notre obsession à vouloir économiser quelques centaines de dollars allait peut-être nous coûter cher.

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L’homme semblait en pleine psychose, il nous parlait de sa femme et son fils disparu, il avait un breakdown. J’entendais le touriste chilien en arrière de moi réciter à voix basse une prière en espagnol, c’était intense. L’homme remettait ses mains sur le volant du conducteur, puis les enlevait, se retournait, nous criait après de nouveau.

J’avais des sueurs, les pensées se bousculaient dans ma tête. Est-ce que je devrais voyager avec un couteau? Si j’avais suivi des cours d’autodéfense au lieu des cours de yoga, est-ce que je pourrais faire quelque chose? Je ne savais absolument pas quoi faire et étrangement, j’ai commencé à rêvasser, m’imaginer ailleurs, je me remémorais de bons souvenirs, je pensais à des gens, à ma famille.

On a aperçu une entrée d’un chemin qui avait l’air de mener à une habitation. Notre chauffeur qui n’avait, en apparence, rien fait sauf garder son calme a donné un coup de volant en accélérant dans cette entrée. Et là comme par miracle, out of nowhere, 5 gendarmes armés ont entouré notre minivan.

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La route a ensuite fini par rentrer dans les terres, on s’éloignait enfin de la falaise, ça donnait un faux sentiment rassurant. On a aperçu une entrée d’un chemin qui avait l’air de mener à une habitation. Notre chauffeur qui n’avait, en apparence, rien fait sauf garder son calme a donné un coup de volant en accélérant dans cette entrée. Et là comme par miracle, out of nowhere, 5 gendarmes armés ont entouré notre minivan. Un policier ou militaire (difficile à dire) a ouvert la porte côté passager et a rapidement immobilisé l’homme. Wow, je ne m’y attendais pas du tout. Deux minutes plus tard, on est repartis laissant notre pouceux menotté derrière nous avec l’escouade armée. J’ai poussé un profond soupir, un esti de long soupir suivi d’un rire nerveux. Tout le monde s’est agité dans la minivan, on s’est retourné et on s’est regardé avec un regard du genre : « Est-ce que c’est vraiment arrivé? » Notre conducteur avait réussi à avertir la police en textant pendant le trajet et il l’avait fait de façon vraiment subtile parce que personne dans la minivan ne l’avait vu.

Plus de peur que de mal, mais toute une frousse! Au final, des badlucks ça arrive. Et ça aurait pu arriver ici dans le métro à Montréal autant qu’ailleurs. Mais sur le coup, je me suis demandé si j’avais bien fait, cette fois-là, d’emprunter le chemin qui laisse place aux imprévus plutôt que celui balisé, quitte à y laisser ma tirelire.

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