Automne 2017. Je suis de passage chez URBANIA et j’en profite pour jaser de tout et de rien avec Rose. Mais surtout de rien (c’est une passion chez moi).
La discussion bifurque vers les sites de rencontres. Je lui raconte la fois où je me suis fait un faux profil de fille sur OKCupid. Je voulais savoir comment c’était de l’autre bord, question de mieux me démarquer.
Rose me dit : « Ben là, faut que t’écrives un texte là-dessus ! »
« Bonne idée, que je lui réponds. Je m’y mets demain ! »
92 demains plus tard (désolé, Rose…), je m’installe à mon ordinateur pour me créer un nouveau faux profil.
Devenir quelqu’un d’autre
Je n’avais pas eu le temps de documenter ma première expérience puisqu’OKCupid avait fermé mon compte en moins de 24h. Ma photo de profil n’était apparemment pas authentique. (Faut croire que prendre la première image qui sort quand on tape « cute girl » dans Google n’était pas assez subtil.)
Je fais donc un Pascal-Hugo de moi-même en ré-infiltrant le monde des sites de rencontre, façon gonzo. J’espère seulement ne pas tout gâcher en tombant en amour dès le premier « Salut sa va ».
Pour être certain que mon nouveau profil ne soit pas désactivé inopinément, je demande à ma blonde (on s’est rencontrés dans la vraie vie; le karaoké, y a que ça de vrai) si je peux utiliser quelques-unes de ses photos, en mettant l’emphase sur le sérieux de ma démarche journalistique. Elle voit en moi un héritier de Hunter S. Thompson et accepte sur-le-champ.
J’y vais pour la transparence, choisissant des photos qui représentent réellement ma blonde : un heureux mélange de voyages, de sorties, de quotidien et de « je me prends pas au sérieux ». Pas de photos en bikini : je ne suis pas ce genre de fille-là.
Vient ensuite l’étape que quiconque vient de s’inscrire sur un site de rencontres redoute : quoi écrire dans mon profil. Ici encore, j’y vais avec quelque chose que ma blonde aurait pu écrire, y ajoutant un peu de moi pour l’authenticité.
Je fais approuver le tout par ma douce moitié, qui s’exclame : « Oh wow ! C’est vraiment bon. Tu devrais offrir tes services. » Je clique sur « Terminer ».
.jpg)
La ligne est lancée, ne reste plus qu’à attendre que ça morde.
Premier constat : c’est une job à temps plein
Ok, c’est pas la même game. On m’avait dit que les filles étaient beaucoup plus sollicitées que les gars sur les sites de rencontres, mais je suis quand même un peu étourdi.
En moins de 24h, mon faux profil a reçu plus de 250 likes et une quarantaine de messages.
En moins de 24h, mon faux profil a reçu plus de 250 likes et une quarantaine de messages. Ça ressemble aux chiffres que j’avais sur mon vrai profil de l’époque. Sauf que ça m’avait pris deux ans à atteindre le même niveau.
Après 48h, j’en suis à plus de 600 likes et une centaine de messages. Après une semaine : 1150 likes et près de 200 messages.
J’imagine que l’avantage, pour les filles, c’est de pouvoir écrémer. Mais au volume, ça devient difficile pour un gars de se démarquer.
Deuxième constat : les gars ne sont pas originaux…
Justement, comment se démarquer dans cette marée de sollicitation ? J’ai fait le calcul : 40% des premiers messages que j’ai reçus se résument à « Salut ! :) Comment ça va ? » et ses variantes, du genre « Hey », « Coucou » et « Allo tu veux jaser ? ». J’ai même eu droit à un « Bonjour hi ! »
Le pourcentage monte à 64% quand on ajoute les « Salut » suivis d’un commentaire générique, comme « J’ai bien aimé ton profil » ou « T’as l’air vraiment grande lol ».
Et même si les experts recommandent de faire référence à quelque chose qu’on a lu dans le profil pour montrer qu’on est réellement intéressé, ici encore, c’est difficile de se démarquer.
Sur le tiers restant, 49% de mes prétendants m’ont parlé du chien fluffy sur une de mes photos, 24% ont fait référence à ma blague sur l’allée des fruits et légumes et 16% ont mentionné le nain qui jouait R2D2.
Remarquez, c’est un peu de ma faute. J’ai peut-être créé un profil trop engageant. Et le petit chien a vraiment l’air power fluffy… (Ça ressemble à ça.)
.jpg)
Ah, et pratiquement tous les gars ont une barbe.
Troisième constat : … mais ils sont vites en affaires
À défaut d’être originaux, les gars ont l’air pressés de passer à l’étape suivante. Sur les 20 conversations que j’ai engagées, huit ont débouché sur une proposition de rencontre ou un numéro de téléphone après moins de cinq phrases. Catherine Deneuve avait raison : la séduction est en péril.
Pourquoi cet empressement? Les gars ont-ils peur de se faire shifter à l’arrivée s’ils ne sont pas les premiers à proposer une rencontre?
Pourquoi cet empressement ? Les gars ont-ils peur de se faire shifter à l’arrivée s’ils ne sont pas les premiers à proposer une rencontre ? Ou veulent-ils simplement vérifier le plus rapidement possible s’il y a une véritable chimie en personne ?
J’ignore la réponse, mais ces invitations m’ont davantage donné l’impression qu’ils étaient désespérés plutôt qu’intéressés.
Quatrième constat : pas tant de propositions indécentes
Dans les dernières années, à peu près toutes mes amies qui ont été inscrites sur un site de rencontres avaient au moins une histoire de proposition indécente à raconter. Un fétichiste du genou, un couple qui veut expérimenter, des photos osées non sollicitées…
Pourtant, je n’ai rien reçu de tel. De la séduction malhabile ou malaisante ? Assurément. C’est presque la norme. Mais des trucs déplacés, suggestifs ou indécents ? Aucun. Pas de « DTF », ni de « Nice shoes. Wanna fuck ? » ou de « T’as une belle bouche. Je suis sûr que ma graine irait bien dedans. »
À mon avis, mon profil était un peu trop intello-funné-sarcastique pour attirer ce genre de gars. Remarquez, je doute que ceux-ci prennent réellement le temps de lire les fiches des filles à qui ils écrivent.
Mais je suis convaincu que si j’avais inclus une ou deux photos en bikini, j’aurais pu constater de front la créativité et la grâce du chasseur homo sapiens dans toute sa splendeur. Ce sera pour mon prochain faux profil.
Cinquième constat : je ne suis pas à l’aise de mentir
Bien que l’expérience ait été intéressante, je n’ai pas pu m’empêcher de me sentir un peu mal pour tous ces gars que j’ai floués pendant une semaine. Ils croyaient peut-être réellement être tombés sur la perle rare, et découvrent possiblement en ce moment même que tout ça n’était qu’un leurre.
Quand quelqu’un t’écrit « Je me branche ici par habitude, mais là, je suis agréablement surpris. On dirait que c’est presque trop beau pour être vrai ! », t’as pas le choix de te sentir un peu coupable.
Alors désolé, les garçons. C’était effectivement trop beau pour être vrai. Sauf pour moi, qui sors réellement avec la fille dont vous avez tant aimé le profil.
En résumé…
Être une fille sur un site de rencontres m’a permis de réaliser qu’il est pratiquement impossible, pour un gars, de se démarquer. Peu importe la qualité, l’intelligence ou la drôlerie des messages reçus, tout finit par se fondre en une masse informe et anonyme.
Peu importe la qualité, l’intelligence ou la drôlerie des messages reçus, tout finit par se fondre en une masse informe et anonyme.
Les gars, sachez que votre « Allo, ça va ? » passera complètement inaperçu. Même chose pour votre « J’adore tes photos, t’es vraiment belle. » Le premier peut être flatteur, mais après 14, ça devient banal.
Et si vous pensez être clever avec votre blague sur une chose que vous avez lue dans un profil, sachez que quatre autres gars qui l’ont probablement faite avant vous.
Bref, si j’étais une fille, j’ignorerais probablement systématiquement tous les messages que je reçois et je choisirais moi-même les gars à qui j’ai envie d’écrire.
Alors votre meilleure arme, messieurs, et la seule sur laquelle vous avez véritablement le contrôle, c’est votre profil. Créez quelque chose qui vous ressemble, choisissez des photos qui représentent réellement ce que vous êtes, parlez des choses qui vous allument vraiment.
Ou encore, faites appel à mes services pour créer votre profil. Paraît que j’en écris des bons.