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La fois où j’ai foutu la chienne à Julie Snyder

Les rois du monde ont peur de tout. C'est qu'ils confondent les chiens et les loups...

Par
David Cloutier
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Tout a commencé par un bel après-midi de janvier, il y a presque 2 ans, alors que j’prenais rendez-vous pour me faire couper les cheveux dans le p’tit salon fancy où je vais parfois quand j’ai envie d’me faire croire que j’ai d’la classe. J’arrive à 16h45 pour mon rendez-vous de 17h. Je décide de marcher un peu dehors en attendant. Pas question que j’entre dans le salon avant 16h58. C’est ben important d’avoir l’air occupé, dans vie.

L’heure arrive et j’entre au salon. On m’informe alors que mon rendez-vous est en fait à 17h30. Bizarre. J’suis persuadé qu’on m’avait dit 17h00 au téléphone… La réceptionniste m’offre de prendre un verre dans l’aire d’attente mais j’veux pas passer une demi-heure sur un sofa à rien faire, ça m’donne beaucoup trop de temps pour me sentir pas à ma place pantoute. On dirait qu’ils le sentent que j’suis une charrue n’appartenant pas à la fancyness du Vieux-Port. Je retourne donc dehors passer le temps comme un loser.

WHAT’S UP, JULIE

Après avoir fait le tour du bloc 47 fois et manqué d’me faire chier dessus par un cheval parké avec sa calèche (probablement en attendant les prochains touristes prêts à payer beaucoup trop cher pour se promener à 0.5 km/h sur un banc humide tiré par un cheval qui sent la marde), je retourne au salon.

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Aux lavabos de l’enfer (le modèle typique qui te décâlisse le cou jusqu’à fracturation d’au moins 3 vertèbres cervicales), la dame qui me lave les cheveux a mis l’eau tellement chaude que j’ai peur de ne pas survivre. J’suis trop gêné de lui dire donc j’endure comme un cave. Peut-être que les gens riches mettent leur eau plus chaude et que mon crâne de pauvre n’est juste pas habitué. La dame commence mon p’tit massage de tête quand une voix familière me vient alors à l’oreille. Assise à côté de moi, se faisant rincer sa teinture tout en parlant avec son assistante à ses côtés: Julie Snyder. Ah ben ga’don. Croisant mon regard, elle s’excuse alors, croyant probablement que sa conversation dérangeait mon p’tit moment de détente.

LE DESTIN PIS C’EST TOUTE

Maintenant assis à la station de mon coiffeur, je jette un coup d’œil à Julie. Elle se fait coiffer à l’autre bout du salon, sa vapoteuse et ses 2 cellulaires (oui, 2 cellulaires) sur la table devant elle. What a bad bitch. J’aime ça, les gens qui mènent leur business avec passion! Ils m’inspirent, même si la moitié du temps, ils s’avèrent être des esti de sociopathes.

J’me mets alors à penser… j’travaille sur un projet en ce moment et j’viens d’me faire domper par la maison de production avec laquelle je collaborais. Julie, elle, semble être un peu à la croisé des chemins avec sa boite de production et là, on se retrouve aux lavabos de l’enfer en même temps parce que le salon a bizarrement repoussé mon rendez-vous d’une demi-heure… C’tu, genre, le destin? C’TU LE DESTIN? That’s it, j’lui pitch mon projet! Mais comment? J’pas pour lui lâcher un wack d’un bord à l’autre du salon. Les p’tites clientes fraîches-pet vont être insultées rare! J’vais l’attendre dehors.

Mon coiffeur termine. Je paye et je sors. J’hésite. J’attends Julie ou pas? Est-ce que ça fait freak?

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Mon coiffeur termine. Je paye et je sors. J’hésite. J’attends Julie ou pas? Est-ce que ça fait freak? J’vais faire comme si j’attendais mon taxi (lol, as if, j’suis ben trop cheap pour prendre le taxi). J’attends… pis j’attends… Des fois, je fais semblant de m’impatienter en regardant vers la rue, comme si mon taxi était en retard. Des fois, je fais semblant de parler au cellulaire… D’autres fois, je fais semblant de recevoir un texto et je ris comme si un ami cool m’avait texté quelque chose de vraiment drôle. Une voiture est stationnée devant le salon, son conducteur attend et semble s’emmerder royalement.

PIRE HISTOIRE DE DESTIN EVER

Ciboire, c’est long! J’ai pas mal épuisé toutes les actions que j’pouvais faire pour ne pas avoir l’air d’un genre de creep psycho. Je jette un p’tit coup d’œil à la fenêtre. Julie se fait encore pimper la crinière. C’est d’la job, créer le look cheveux-ombrés-ondulés-balayage-fille-qui-a-de-l’argent. J’commence à être nerveux. Elle a l’air d’une p’tite toff, la Snyder, j’suis pas sûr que j’ai envie d’me faire envoyer chier à soir moé-là. J’décide d’attendre pareil. J’aurai l’air cave, c’est toute.

J’ai pas mal épuisé toutes les actions que j’pouvais faire pour ne pas avoir l’air d’un genre de creep psycho. Je jette un p’tit coup d’œil à la fenêtre. Julie se fait encore pimper la crinière. C’est d’la job, créer le look cheveux-ombrés-ondulés-balayage-fille-qui-a-de-l’argent.

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J’pense que le salon ferme. Tout l’monde semble être parti sauf Julie et sa gang. L’assistante sort du salon. Elle se dirige vers la voiture du conducteur qui s’emmerde, discute un peu avec lui et retourne à l’intérieur. Elle ressort quelques minutes plus tard et s’assoie dans la voiture. Julie apparait alors dans le hall d’entrée mais ne sort pas. Elle parle au cellulaire en regardant vers l’extérieur. Elle raccroche mais ne sort toujours pas. Coudonc criss, c’est ben compliqué! J’me tanne. J’me dirige vers le hall d’entrée. C’est maintenant barré. Julie me voit gosser après la porte et m’ouvre. Je la remercie et fais comme si j’étais surpris de la croiser: « Hein, Julie! C’est donc ben drôle… J’songeais justement contacter Productions J pour vous parler d’un projet! » que j’lui lance. Eh boy… l’acting, toé chose!

LA FILATURE

Je pitch mon projet dans un hall d’entrée à une Julie un peu mal à l’aise (j’la blâme pas) et ça s’passe bien pis toute. Non seulement elle ne m’envoie pas chier, mais elle semble sincèrement intéressée et me dit que le projet concorde parfaitement avec la direction qu’elle souhaite prendre présentement. ATTABOY. Elle me donne l’adresse courriel à laquelle je dois envoyer mes scénarios. C’est à ce moment-là que les choses se corsent…

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Le visage de Julie change subitement. On dirait qu’un déclic se fait. Elle semble devenir nerveuse et l’atmosphère est soudainement tendue. Elle est en mode panique. « Mais… mais toi, pourquoi t’es ici? » qu’elle me demande. J’pas sûr que j’comprends sa question. Elle répète: « Qu’est-ce que t’es venu faire ici? » J’pu ben. J’pu ben pantoute. J’ai aucune idée de quoi répondre, j’ai l’impression qu’elle sait que je l’ai attendue dehors et qu’elle me juge. Peut-être que le chauffeur lui a dit qu’un dude louche (moi) attendait devant le salon. Quel loser attendrait aussi longtemps dehors… J’ai honte. On se regarde droit dans les yeux, silencieux, seuls dans le hall. Un silence qui semble durer un milliard d’années. J’trouve rien à répondre. Rien. Le néant. Plus le silence dure, plus elle devient nerveuse. J’essaye alors;

-Heum… Je… Je suis venu me faire couper les cheveux… Pis là j’attends mon taxi.

-Pis t’as décidé de retourner au salon? C’est fermé…

-Oui… en attendant le taxi. J’avais…froid?

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Bout d’viarge qu’elle ne me croit pas. Elle a maintenant la main sur la porte. Elle lance un regard à son lift dehors. On dirait qu’elle est sur le point de sortir en courant. J’comprends rien.

T’es un client du salon? Pour vrai? qu’elle me demande…

Esti, j’le savais que j’avais pas l’air fancy!

-Oui… on s’est croisés aux lavabos. Tu t’es excusée de parler pendant mon p’tit massage de tête…

-Awww, c’était toi! Excuse-moi, j’ai commencé à avoir peur. J’me suis fait suivre dernièrement et j’suis rendue un peu sur mes gardes…

J’me rappelle alors de son histoire de filature qui est sortie dans les médias peu de temps avant. J’me trouve con.

LES ROIS DU MONDE

J’regarde Julie. À ce moment-là, elle semble encore moins à sa place que moi dans ce hall d’entrée fancy. Elle semble vulnérable, minuscule. Elle fait… pitié? La p’tite toff/bad bitch aux 2 cellulaires a peur de MOI, le gars qui a l’fond d’tête brûlé parce qu’il était trop gêné de dire à la dame que l’eau était brûlante pendant l’shampoing. Ben bout d’criss.

La p’tite toff/bad bitch aux 2 cellulaires a peur de MOI, le gars qui a l’fond d’tête brûlé parce qu’il était trop gêné de dire à la dame que l’eau était brûlante pendant l’shampoing. Ben bout d’criss.

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J’essaye de la rassurer du mieux que j’peux. J’lui tends mon cellulaire et j’lui montre que j’ai bel et bien pris l’adresse courriel qu’elle m’a donnée. Que ce n’était pas une histoire inventée, mon projet. Elle se sent mal d’avoir créé un malaise. J’ME sens mal d’avoir créé un malaise. J’ai envie d’la serrer dans mes bras mais d’un coup qu’elle pense que je l’attaque et se met à hurler. J’lui promets de lui envoyer mes scénarios et on se dit au revoir.

En chemin vers chez moi, j’arrête à un dépanneur m’acheter d’la bière, question d’essayer de geler le malaise que je ressens encore. La chanson Les Rois Du Monde joue à la radio… J’souris. « Les rois du monde ont peur de tout. C’est qu’ils confondent les chiens et les loups. »

Finalement, croiser Julie, ce n’était pas le destin. Après un an et plusieurs rencontres chez Productions J, notre collaboration a pris fin (pis c’est ben correct). Par contre, depuis le soir où j’ai foutu la chienne à Julie Snyder, je n’suis plus intimidé d’aller chez mon coiffeur fancy. Je m’y sens autant à ma place que n’importe qui parce qu’au fond, on est tous dans le même bateau… Hey thanks, Julie! J’espère que toi aussi, aujourd’hui, quand tu vas te faire coiffer, tu ne te sens plus intimidée. J’te le souhaite sincèrement. C’est plate, la vie, sinon. Les rois du monde, vivent au sommet. Ils ont la plus belle vue, mais y’a un mais…

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