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La fois où Diane Tell n’a pas écouté les hommes (et froissé quelques femmes au passage)

La chanteuse de renom nous a révélé les coulisses insolite de sa chanson phare.

Par
Nathalie Lesage
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Ce n’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de rencontrer Madame Diane Tell! Forcément, quand on l’a croisée un soir d’été au Festival Transe Atlantique en France, on a pas pu s’empêcher de lui poser 1 000 questions.

Coup de théâtre! Elle nous a révélé une anecdote qu’on devait absolument vous raconter : voici la vraie de vraie histoire d’une chanson culte qui a bien failli ne jamais voir le jour.

Si j’étais un homme.

Vaisseau amiral de la chanson francophone. Doux vers d’oreille que chante peut-être Marguerite Yourcenar quand elle prend le premier siège féminin de la sacro-sainte (et très mâle) Académie française. Nous sommes en 1980, Alfred Hitchcock, Joe Dassin et Jean-Paul Sartre passent l’arme à gauche, Terry Fox se lance dans son Marathon de l’espoir et au Québec, on chrome la sortie de cette nouvelle série télévisée que l’on dit prometteuse : Le temps d’une paix.

C’était le temps d’avant.

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La jeune autrice-compositrice-interprète Diane Tell a 21 ans et le vent en poupe après les succès de ses deux premiers albums (Diane Tell et Entre nous) au point de décrocher le lauréat du prestigieux prix auteur-compositeur-interprète de la très récente ADISQ.

Comme Marguerite, elle est la première femme à entrer dans la catégorie jusqu’ici masculine. Elle le décrochera à nouveau l’année d’après, en plus des catégories « Album de l’année », « Chanson de l’année », et « Interprète féminine de l’année » pour En flèche, son troisième album qui changera le cours de son histoire.

Dedans, on y découvre une chanson, LA chanson.

Si j’étais un homme débute sa longue vie de plateaux télé, concerts, reprises et paillettes. Au Québec, le succès est instantané. La France craque aussi, mais avec un temps de retard.

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Et pourtant !, comme le chantait Aznavour (restons dans le thème), c’te chanson désormais chouchou a bien failli finir au cimetière des mélodies mal aimées. On te raconte.

SPA D’LEUR FAUTE

Un peu plus tôt cette année-là, Diane est sélectionnée pour représenter le Canada au Festival international de la chanson francophone de Spa. Une compétition de mérite où il est bon d’être vu et de gagner.

« Il fallait présenter des chansons inédites qui n’avaient jamais été enregistrées. À cette époque joyeuse, je vivais à New York et c’est sur le bord de la route de Montréal à Manhattan que l’idée, la mélodie, le titre et le sujet me sont venus », explique à ce sujet Diane Tell.

Contexte. Diane entre au Conservatoire de Musique de Val D’or à 6 ans, écrit ses premières chansons à 12 ans, et a déjà deux albums dans sa besace lorsqu’elle débarque à Spa avec ses 21 printemps.

Sa chanson, elle l’écrit et la compose avec la ferme intention de méduser les juges. Sa mélodie frôle le 5 minutes, est harmoniquement riche de 26 accords et aborde un thème un chouia couillu : une femme aux désirs d’émancipation.

Si j’étais un homme est un ovni pour l’époque. Là, vous vous dites qu’elle a gagné, elle est rentrée en jet privé et a signé un contrat avec tout plein de zéros.

*Insère ici un bruit de disque rayé.*

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Diane est éliminée. Ciao, bye, merci d’être venue ! Spa préfère Jean Falissard et son Ça va, que l’on dit plus dans l’air du temps.

Dépitée, mais déterminée, Diane reste convaincue que sa chanson mérite autant d’attention que les efforts qu’elle y a mis.

Elle compte sur le producteur phare de l’époque, Eddy Barclay (Dalida, Aznavour, Brel, Bardot), pour croire en sa précieuse voix. Un monsieur important la reçoit dans son bureau parisien où elle s’installe avec sa guitare… puis un ange passe.

« ll avait l’air gêné des gens qui veulent écourter un rendez-vous sans détruire vos rêves. J’ai fait mon numéro de chanteuse et il a fait son devoir d’éditeur. Il m’a dit que ce n’était pas du tout le genre de musique qui l’intéressait, puis m’a fait écouter Jacky Quark et son Juste une mise au point, se souvient Diane Tell.

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Pas pour autant découragée, Diane retourne au Québec et s’enferme en studio pour bosser sur ce troisième album dont on te parlait plus tôt : En flèche. La question se pose évidemment à un certain moment : mettre ou ne pas mettre la chanson doublement retoquée.

« J’ai vraiment hésité », confie-t-elle maintenant.

La dernière fois que l’on a vérifié, Si j’étais un homme tapait le 11 711 652 d’écoutes sur Spotify.

Merci, Mme Tell, d’avoir écouté Diane.

Quelques cOCASSERIES en vrac

– Une poignée de féministes a reproché à l’artiste de faire l’apologie de la femme-objet avec Si j’étais un homme. Or, c’est tout l’inverse. « Je me suis basée sur ce que je vivais. À l’époque, il y avait un féminisme très différent de celui d’aujourd’hui. On se battait pour avoir une vie active et professionnelle : est-ce que je peux avoir une job, est-ce que je peux ouvrir un compte en banque sans demander à mon mari, est-ce que je peux avoir un poste conséquent à mes compétences », se justifie-t-elle.

« Ce que j’essaie de dire avec cette chanson, c’est que je ne peux pas briser tous les codes parce que je suis une femme. »

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– Diane Tell, de son vrai nom Diane Fortin, serait de parenté avec Madonna, dont la mère s’appelle – attention – Louise Fortin ! Le lien est loin, mais réel : elles partagent pour ancêtre Julien Fortin, parti vers 1650 de Saint-Cosme-en-Vairais, en France, pour peupler ce Nouveau Monde qu’on appellera Canada.

– Spécial jeune génération : au-delà des tubes Gilberto, Si j’étais un homme et Souvent, Longtemps, énormément, Diane est également connue pour son interprétation de La légende de Jimmy, de l’opéra rock du même nom, produit par Luc Plamondon et Michel Berger (Starmania). Un tube, comme disent les Français.

Haiku, son dernier opus, a été co-réalisé avec l’auteur-compositeur-interprète québécois Fred Fortin (Mara Tremblay, Thomas Fersen, Les beaux malaises).

Sinon, vous faites quoi en 2027? Diane Tell, elle, prépare ses 50 ans de carrière.

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