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La fin du monde approche : devrait-on brûler nos bacs de compost?

Comment réagir quand 15 000 scientifiques nous disent qu'on va tous mourir bientôt.

Par
Pier-Luc Ouellet
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Cette semaine, plus de 15 000 scientifiques ont uni leur voix pour lancer un cri d’alarme : l’humanité court à sa perte, et si on n’agit pas rapidement, il sera trop tard. Nos chances de survie vont être détruites par le gaz carbonique des voitures, l’industrie chimique et le pouche-pouche en cacanne.

C’est le genre de nouvelles ben stressantes à lire un lundi matin, surtout avec le site du Devoir qui me proposait en plus les articles suivants :

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Demandez-vous pas pourquoi le monde s’abonne plus au Devoir: T’ES RUSHANT ALEXANDRE SHIELDS.

Mais en tant que bon citoyen, j’ai décidé de parler à Karel Mayrand, directeur général pour le Québec de la Fondation David Suzuki et président du Projet de la Réalité Climatique d’Al Gore pour le Canada (bref, quand Éric Duhaime parle d’« enverdeurs », c’est un peu à lui qu’il pense).

Ça va tu vraiment si mal que ça?

Je cherchais à me rassurer. Je lui ai donc demandé si les scientifiques n’exagéraient pas un peu. Parce que ça aurait été le fun, j’aurais pu continuer à écouter la télé tout en mangeant des cochonneries suremballées.

Pas de chance : « Y’a rien d’alarmiste [dans la lettre des scientifiques]. Nous les écologistes, on fait attention, on essaie de trouver une façon de dire les choses pour ne pas créer trop de chocs parce que les gens ne vont pas y croire, alors que les scientifiques eux n’ont pas à se censurer. […] Ça va vraiment, vraiment, vraiment très mal. »

Bon, ça sera pas joyeux.

Que font les gouvernements?

OK, visiblement, on s’en sauve pas. L’heure est grave. Est-ce que nos gouvernements en font assez pour rétablir la situation? Karel Mayrand ne croit pas. Pour lui, nos gouvernements sont un peu comme quelqu’un (moi) qui prend la résolution de perdre 10 livres dans l’année (moi) mais qui continue à ne pas faire de sport et à manger des cochonneries (tellement moi).

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Mais comment ça les gouvernements n’en font pas plus? Me semble que de toutes les crises, LA FIN DU MONDE devrait être la priorité numéro un! Karel Mayrand voit deux explications : « Y’a une partie qui vient du fait que des fois, l’opinion publique ne veut pas accepter certains changements, ce qui fait perdre du courage aux politiciens. Mais y’a une autre partie qui vient du système économique lui-même, qui vise une croissance perpétuelle ».

Ah, le maudit capitalisme : « Il y a des inégalités sociales qui se renforcent parce qu’à un bout du spectre, on a des gens qui détruisent l’environnement parce qu’ils sont très pauvres, et à l’autre bout du spectre des gens qui détruisent l’environnement parce qu’ils sont très riches. » En gros, que tu changes d’iPhone chaque année ou que tu jettes tes déchets dans le Gange, tu fais partie du problème.

Arrêtez de faire des bébés!

Une des solutions que les scientifiques présentent dans leur lettre c’est de réduire la croissance démographique, aka mettez des condoms, ciboire! C’est une solution qui m’a étonné. S’il y a trop d’humains, on se débarrasse de qui en premier?

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« Ça a toujours été la solution un peu facile de dire “faut limiter la population” […] parce que ça a permis aux gens au Nord de dire aux gens au Sud : “Arrêtez de faire des enfants, tout va bien aller”. Le problème qu’on a, c’est qu’un Canadien consomme l’équivalent de 12 Indiens ou 8 Chinois. Alors, si on décide de limiter la population, logiquement, on devrait éliminer la population du Canada ou des États-Unis ou de l’Europe. » C’est moins le fun d’un coup l’idée de limiter la population, quand c’est nous qui allons être « limité ».

Pour M. Mayrand, la meilleure façon de limiter les naissances reste l’éducation et l’accès à la contraception. Quand les filles vont à l’école, on se rend compte qu’elles ont le goût de prendre la pilule et de travailler, plutôt que de faire des bébés pour faire plaisir à M. le curé.

Bon, j’ai l’impression d’écrire un épisode des Simones.

Fait qu’on fait quoi?

Chaque maudit lundi que le bon Dieu amène, je descends mon bac de compost et de recyclage au chemin. M. Mayrand est-il en train de me dire que je fais ça pour rien parce qu’on est damnés anyway?

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« Al Gore m’a déjà dit en boutade : C’est plus le temps de changer les ampoules, faut changer les lois. Il l’a sûrement dit en anglais, mais vous comprenez.

Ce n’est pas que les petits gestes ne comptent pas. Le compost, le recyclage, prendre le transport en commun, il faudrait que tout le monde le fasse. C’est juste que si on attend d’avoir convaincu tout le monde un par un, la Terre va être rendue une boule de feu géante pis on va encore être en train de s’obstiner avec Éric Duhaime pour qu’il recycle ses canettes.

Ce qu’il faut faire, d’après Karel Mayrand, c’est de mettre de la pression sur les gouvernements. Leur demander de mettre en place des mesures pour limiter nos empreintes. Surtout, offrir des alternatives à la population. C’est bien beau dire aux gens qu’ils doivent moins utiliser leur auto, si y’a pas de transport en commun adéquat, ils n’iront pas travailler en calèche. Y’a pas assez de stationnements à équidés dans le centre-ville.

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Une lueur d’espoir

J’ai quand même demandé à M. Mayrand s’il y a des choses qui vont bien. Parce que j’aimerais réussir à m’endormir ce soir. Heureusement, la réponse est oui.

Deux choses le rassurent. La première, c’est que les citoyens commencent à s’organiser par eux-mêmes : « Pendant que les choses ne bougent pas aussi vite qu’on voudrait au niveau des gouvernements […], il y a des gens qui s’organisent, qui développent des projets d’agriculture communautaire, d’agriculture urbaine, ils développent des projets d’économie circulaire, des nouvelles technologies, il y a des monnaies locales, toutes sortes de choses qui sont en train de démarrer partout. […] il y a comme une espèce d’ébullition des gens qui cherchent, qui développent des nouveaux modèles économiques, des nouveaux modèles sociaux, des nouveaux modèles écologiques. »

L’autre élément rassurant, c’est la technologie : « Ce qui m’encourage beaucoup aussi […] c’est la combinaison de l’énergie solaire, des piles et de l’électrification des transports. Ces trois technologies-là sont en train d’arriver à maturité en même temps, avec des coûts qui diminuent toujours et ça va faire en sorte qu’on va de plus en plus abandonner les combustibles fossiles. C’est comme une révolution technologique qui est à nos portes et qui va nous permettre de gagner beaucoup d’années d’un coup sec ».

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Est-ce que ça sera assez? Personne ne sait : « Là, on est entrés dans une course entre l’effondrement écologique, et la transition écologique. La question qui se pose en ce moment, c’est à quelle vitesse l’un et l’autre vont arriver. »

C’est la question, en effet.
Pis dans cette course-là, le bac de compost, ça aide, mais le vote, ça aide encore plus.