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En plus d’avoir été marquée par la mort de Jack Layton et le retour de Paul Piché à l’aide d’un clip qui semble être un hommage à l’oeuvre filmique de MGMT en mettant en scène des ados un peu « freaky » ET des effets spéciaux tirés de la benne à 1$), 2011 aura aussi été l’année de l’arrimage de l’Internet à la réalité québécoise (ou vice-versa, c’est selon).
Nous ne sommes plus des internautes qui surfent le Web, nous sommes le Web.
Dans la même semaine, une animatrice issue du Web – le Tapis Rose de Catherine – aura été reçue en entrevue à la SRC tout de suite après un entretien « slash » plogue de « show » avec Ginette Reno et Véronique “Véro” Cloutier, deux monstres sacrés du showbizz québécois. Le lendemain, Cyberpresse, Arcand et tous les autres étaient aux trousses du rappeur à qui l’on doit “J’ai le dick qui me pique” et humoriste-qui-fait-notamment-squirter-des-porn-stars-sur-scène Gab Roy pour le lier, de près ou de très, très loin, à l’incendie d’un concessionnaire Kia de la région métropolitaine. Le Web n’est plus que sur un ordinateur ou un téléphone à la fine pointe de la technologie, il est de plus en plus dans la télé et les faits divers locaux.
De kossé? Un bref résumé…
À en croire un premier billet publié sur son populaire site web, Roy a mis sur pied l’opération “Terroriser un vendeur de chars… pour rentrer dans les culottes d’une lofteuse” (ses mots!) afin d’aider son amie à se faire rembourser un dépôt de 500$ chez un concessionnaire automobile. Il enregistre ensuite un extrait audio d’une conversation musclée entre le duo et directeur des ventes de l’établissement (captée à l‘insu de ce dernier).
Le dialogue s’enflamme, des menaces sont lancées, puis le montage – mis en ligne le 29 août et visionné plus de 19 000 fois sur YouTube (!!!) au moment de rédiger ce billet – passe à un extrait vidéo du fameux directeur des ventes quittant son bureau, visiblement exaspéré.
La suite nous révèle que la dame aura finalement récupéré ses 500$, d’autres insultes seront lancées et Roy ajoutera le courriel du monsieur à la fin de son vidéo (en plus d’un numéro de téléphone pour se plaindre dans le billet de blogue accompagnant le dit vidéo). Selon les commentaires laissés à la suite du fameux vidéo, le concessionnaire n’aurait pas une très bonne réputation auprès des consommateurs.
Le 30 août, Roy publie un billet « félicitant » son « armée de trolls » pour sa « contre-attaque » et souligne ses trois interventions préférées. Parmi celles-ci : la création de la page Facebook « Complexe Kia Montréal = crosseurs », qui a récoltée près de 400 adeptes en 12 heures. Pendant ce temps, Kia s’excuse sur sa page Facebook (oui, oui!). Puis, dans la nuit du 30 au 31, le fameux complexe est victime de vandalisme : incendie, pneus crevés, des dommages évalués à 200 000$.
En attendant les résultats de l’enquête du SPVM, plusieurs théories fusent : sentant la soupe chaude, les propriétaires du complexe auraient foutu le feu afin d’incriminer Roy et/ou récupérer l’argent des assurances (on les imagine en train de flatter un chat pas de poil en se disant « faisons payer l’humoriste. Mouhahhahahah! »). Autre théorie populaire : un fan désaxé aurait mal interprété l’appel aux armes de Roy.
Finalement, en fin de soirée, Roy mettra en ligne un billet résumant tout simplement sa journée d’entrevues tout en reprochant, avec le sourire j’imagine, le manque d’intérêt du Devoir.
…
Est-ce que Roy sera reconnu coupable d’avoir incité cet événement? J’en doute et je ne le souhaite pas, mais ses interventions auront tout de même marqué l’imaginaire web québécois hier: ces fameux « trolls » peuvent passer à l’action… « dans la vraie vie », j’veux dire.
Ça ne se limite pas qu’à la fameuse cyberintimidation dont on n’entend tant parler dans les grands médias ou aux appels à la révolte et/ou au grabuge de l’autre côté de l’Océan. Les « trolls » ne se cachent pas derrière un clavier ou sous un pont.
Je crois qu’on vient de prendre conscience, au Québec, que l’interactivité sur le Web ne se limite pas qu’au 2.0, que ça ne se passe pas qu’ailleurs. Les « trolls » existent, travaillent à la caisse populaire ou au dépanneur du coin et, le soir venu, ils peuvent crisser le feu à un concessionnaire (à Montréal) ou à des chars (en Angleterre). Qui sont les trolls? Tout le monde. Pourquoi font-ils ça? Pourquoi ne le ferait-il pas!?
Changement de filtre
Quelques jours auparavant, « Hollywood Leaks » – un collectif reprenant la « mission » de Wikileaks à la sauce « people » – dévoilait, via Twitter, un lien permettant de télécharger le contenu du cellulaire de Julianne Hough, une quelconque starlette. Alors que la plupart des « fuites » du genre sont souvent liées à des transactions monétaires, ceux-ci disent agir « for the lulz » et osent même reprendre le credo d’Anonymous – « We do not forgive. We do not forget. Expect us. » – qui s’avère un collectif tout aussi volatile, mais généralement plus “altruiste” dans ses “attaques”.
Trois autres leçons doivent être tirées de cette « montée » des trolls.
Primo, l’anonymat n’existe vraiment plus.
La technologie est là, le savoir-faire aussi. D’un côté de la Loi comme de l’autre, on peut vous retrouver. Parlez-en à Linton Johnson, porte-parole du BART (la STM de San Francisco), qui a récemment fait les frais des « hackers » d’Anonymous (cliquez sur le lien pour en juger par vous-même, j’suis pas sûr qu’Urbania va me permettre de mettre des photos de pénis dans un billet de blogue).
La seconde leçon : ce n’est plus une question de « ce qui va se retrouver sur le Web », mais bien de « ce qui ne se retrouvera PAS ». Les récents topos sur les chauffeurs d’autobus un peu cons en témoignent : ce n’est plus Big Brother qui te surveille, c’est son petit frère avec son iPhone flambant neuf ou le type qui se ramène dans ton bureau avec une fille parce que tu lui as soutiré 500$.
Puis, finalement, l’ultime leçon à retenir de cette nouvelle configuration du Web dans le terroir : faut vraiment pas se tenir avec des filles de Loft Story. Vraiment, mais vraiment pas.

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