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La fin des fraises hermaphrodites?

Ce n'est pas seulement l'identité sexuelle des humains qui fait jaser.

Par
Aurélie Lagueux-Beloin
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Les notions d’identité de genre et de sexe biologique chez l’humain font couler beaucoup d’encre. Ce qu’on sait moins, c’est que c’est aussi un sujet chaud chez les botanistes!

Sexe chez l’humain, sexe chez les plantes

Chez les humains, les porteurs des gènes XY sont biologiquement différents de ceux qui possèdent les gènes XX. Ce sont nos chromosomes sexuels qui rassemblent les gènes liés à un sexe ou à l’autre. La plupart des animaux ont des chromosomes sexuels depuis des lustres, mais l’arrivée de deux sexes distincts chez les plantes est récente : quelques petits millions d’années!

Ça signifie quoi? Eh bien que la plupart des plantes sont hermaphrodites : sur un même plant, on peut retrouver autant des fleurs avec un pistil (organe femelle) que des étamines (organes mâles).

La plupart des animaux ont des chromosomes sexuels depuis des lustres, mais l’arrivée de deux sexes distincts chez les plantes est récente : quelques petits millions d’années!

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Seules quelques plantes, comme l’asperge, le houblon et le cannabis, ont évolué vers un système où chaque type de fleur occupe un plant différent. Il y a aussi des anticonformistes qui préfèrent rester ouvertes à toutes les options : mâle, femelle, et hermaphrodite. C’est le cas des fraises sauvages, qu’on trouve partout en Amérique du Nord et qui n’ont pas tout à fait deux sexes.

Ce qui est intéressant, c’est qu’on vient de découvrir comment ces petites fraises des bois, celles qui poussent un peu partout dans le gazon au grand désarroi des banlieusards sont, dans ce joyeux bordel, en voie de passer de l’hermaphrodisme au modèle mâle-femelle.

Créer ses chromosomes sexuels

Pour éclaircir l’identité sexuelle des fraises, on a cartographié pendant vingt ans tous leurs gènes rassemblés dans les chromosomes. L’objectif est de découvrir lesquels influencent le sexe. Avec huit copies pour chacun des sept chromosomes à décortiquer, autant essayer de trouver un hipster sans café et sans vélo vintage!

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Ce travail de longue haleine a mis en lumière un phénomène particulier ne se produisant que chez les femelles. Certaines séquences de gènes en lien avec le sexe font des bonds lorsque la plante se reproduit sur plusieurs générations. En se déplaçant sur le chromosome, ces gènes produisent des plants mâles et femelles.

Certaines séquences de gènes en lien avec le sexe font des bonds lorsque la plante se reproduit sur plusieurs générations. En se déplaçant sur le chromosome, ces gènes produisent des plants mâles et femelles.

Chaque saut laisse des traces qui font augmenter le nombre de gènes liés spécifiquement aux femelles. Ces additions, à la longue, modifient les chromosomes femelles et les rendent différents de ceux des mâles. Ces dissemblances pourraient expliquer pourquoi les plants femelles produisent des fruits tandis que les plants mâles fabriquent du pollen.

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Cela étant dit, la prochaine fois que vous passerez devant un plant de fraises au marché, ne perdez pas de temps à déterminer s’il est mâle ou femelle… Les fraises cultivées sont de lointaines descendantes des fraises sauvages et ont perdu les différences entre mâles et femelles.

Si le sujet vous intéresse, voici de quoi vous mettre sous la dent :

Tennessen J.A, Wei N., Straub S.C.K., Govindarajulu R., Liston A. et T.-L. Ashman (2018) Repeated translocation of a gene cassette drives sex-chromosome turnover in strawberries, PLoS Biol 16(8): e2006062.

Spigler R.B., Lewers K.S., Main D.S. et T.-L. Ashman. (2008) Genetic mapping of sex determination in a wild strawberry, Fragaria virginiana, reveals earliest form of sex chromosome, Heredity, 101, pages 507–517.

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Shualev V. et al. (2010) The genome of woodland strawberry (Fragaria vesca), Nature Genetics volume 43, pages 109–116.