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La fièvre de la bière en Gaspésie: saison «record» sur fond de COVID

Le Naufrageur et Pit Caribou se sont adaptés aux circonstances. Mais ça a été un méchant défi.

Par
François Breton-Champigny
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À une époque pas si lointaine, Montréal semblait être le seul endroit au Québec où la COVID-19 causait des ravages dans à peu près tous les secteurs d’activité économique, à commencer par le domaine de la restauration.

Fast forward de quelques mois. Des villes comme Thetford Mines et Trois-Rivières, où le mot «coronavirus» faisait plutôt rire dû à sa ressemblance avec une sorte de bière populaire, sont maintenant autant dans la chnoute que la métropole.

Les bars, les restaurants, les cinémas et les salles de spectacle sont dorénavant fermés dans ces secteurs aussi.

Heureusement pour des régions comme la Gaspésie, les touristes ont été au rendez-vous durant la saison estivale, se rabattant sur l’eau glacée de Percé plutôt que celle d’Old Orchard entre les deux vagues de COVID-19 au printemps et à l’automne.

Si les kegs des microbrasseries gaspésiennes ont coulé à flots et que les terrasses avec vue sur la mer étaient pleines à craquer tout l’été, il n’en demeure pas moins que ces temples de la bière artisanale ont dû s’adapter rapidement à une horde massive de touristes tout en négociant avec les aléas de la pandémie.

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On s’est entretenu avec Philippe Gauthier de la microbrasserie Le Naufrageur et Jean-François Nellis de Pit Caribou pour savoir comment ils ont tiré leur épingle du jeu dans de telles circonstances.

S’adapter à une pandémie, c’est du trouble

Philippe Gauthier ne s’en cache pas: son entreprise Le Naufrageur, situé sur la mythique 132 à Carleton-sur-Mer, a connu une très bonne saison touristique malgré la pandémie. Mais il a dû piger dans ses poches à plusieurs reprises pour adapter son commerce à la situation. «Disons que ça a coûté cher en logistique et en matériel (désinfectant et plexiglas)», avoue le cofondateur de la microbrasserie, qui évalue avoir déboursé entre 25 000 et 30 000 dollars pour rendre son commerce COVID-proof.

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L’entrepreneur soutient avoir passé «plusieurs semaines» à planifier la saison estivale au printemps, notamment en aménageant une nouvelle terrasse pour permettre aux clients de déguster leur drink avec l’air salin dans les narines et en prévoyant «tous les scénarios possibles» de l’été qui s’en venait.

Mais même si on essaie de tout prévoir pour ne rien échapper, la vie finit toujours par nous envoyer une balle courbe.

«En temps normal, on n’a pas un gros débit de production de bouffe. Et là on devait sortir environ 400 repas par jour.»

Pour Philippe, ce fut les habitudes de consommation hors du commun des clients. Avec une file d’attente pouvant durer une heure, les clients aimaient mieux faire une pierre deux coups et manger tout en buvant un verre. Une situation qui a pris de court l’entrepreneur. «On a dû revoir le fonctionnement de notre cuisine. En temps normal, on n’a pas un gros débit de production de bouffe. Et là on devait sortir environ 400 repas par jour. Ça a été un méchant challenge, mais on s’en est bien sorti», confie-t-il.

Philippe Gauthier dans son commerce vide.
Philippe Gauthier dans son commerce vide.
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À environ 200 kilomètres de là, à L’Anse-à-Beaufils, Jean-François Nellis a aussi dû remanier sa microbrasserie Pit Caribou ainsi que son pub à Percé pour accueillir les milliers de touristes dans le respect des normes sanitaires. «On savait que les gens venaient ici pour relaxer et prendre une bière, donc on a installé une quinzaine de tables à piquenique en bordure de mer», explique le Gaspésien.

https://www.instagram.com/p/CC_6VcsHyZR/

En plus de créer cette terrasse de fortune et s’équiper en désinfectant, plexiglas et visières «pour une armée», l’entrepreneur a embauché du nouveau personnel, dont la première hôtesse de l’histoire du pub de Percé.

«Les mois de juillet, août et septembre ont été les plus lucratifs depuis la création de l’entreprise.»

Il a aussi investi dans l’achat de quatre fermenteurs supplémentaires pour «brasser de la bière 24/7» pendant des semaines pour répondre à la demande. «Ça nous a sauvé la peau, on n’a jamais produit de même. Les mois de juillet, août et septembre ont été les plus lucratifs depuis la création de l’entreprise. Si on ne les avait pas eus, on aurait manqué de stock comme à peu près toutes les micros du Québec», avoue Jean-François.

https://www.instagram.com/p/CDBhSoxnRl8/

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Un bilan financier «kif kif» malgré tout

Si les deux entrepreneurs s’entendent pour dire que la saison 2020 a été légendaire au point de vue de l’achalandage de clients, ils s’entendent néanmoins pour dire que les nombreux coûts et le printemps «désastreux» auront eu raison de leur marge de profit. «On finira pas dans le rouge, mais on finira pas dans le vert non plus. On va finir dans le noir», résume en riant Jean-François Nellis en parlant de ses états financiers.

«Ça a été une saison payante, mais moins que ce à quoi on s’attendait en raison de toutes les dépenses. Mais quand on regarde tous nos collègues en restauration dans les grands centres qui ont dû fermer, on peut pas se plaindre» amène pour sa part Philippe Gauthier du Naufrageur.

Le cofondateur de la microbrasserie soutient également que malgré les circonstances exceptionnelles, la clientèle a toujours su faire preuve d’indulgence. «On s’est pris la tête souvent et ça a été compliqué, mais les gens ont vraiment été compréhensifs et ça a bien été», conclut-il.

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Jean-François partage le même constat concernant l’amabilité des clients et prévoit continuer de «travailler sur sa business» dans les prochains mois. «Si on attend que les choses changent par elles-mêmes, on va attendre longtemps. Je pense qu’il faut s’adapter le mieux possible pour passer à travers cette tempête-là».

«Si on attend que les choses changent par elles-mêmes, on va attendre longtemps. Je pense qu’il faut s’adapter le mieux possible pour passer à travers cette tempête-là».

Il affirme notamment avoir «sauté à pieds joints» sur des projets au printemps dernier qu’il n’avait pas eu le temps de faire, comme des appels d’offres pour vendre son nectar houblonné au Nouveau-Brunswick et en Ontario, et planifier une expansion des activités de Pit Caribou en Europe et en Asie. «Dans deux, trois ans, on part en grand!», lance avec aplomb le Gaspésien.

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Au moment d’écrire ces lignes, quelques régions de la péninsule comme Carleton-sur-Mer, Maria et Nouvelle sont encore dans la zone rouge. On espère que la situation va s’améliorer d’ici l’été prochain et qu’on va pouvoir continuer de prendre des selfies sur des plages paradisiaques avec une bonne bouteille de micro à la main.