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J’ai toujours ressenti de la fierté à l’idée d’avoir, dans les années 2000, un couple qui dure. Qui passe le cap des 10 ans. Des 15 ans. Malgré tous ces enfants dans nos pattes. Ou à cause d’eux? Grâce à eux…
Je ne saurais dire à quel point je me suis fermé les yeux pour que cette chose, ce concept, cette entité familiale tienne la route. Clairement, quand mon chum m’a dit un jour que si ce n’était des enfants, nous ne serions plus ensemble, j’aurais dû crisser mon camp drette-là. Ou, du moins, une grosse lumière rouge aurait dû s’allumer dans ma tête.
Mais non. J’étais certaine que ma volonté crazygluesque suffirait à faire tenir les morceaux ensemble.
Gravissime erreur.
Vraiment? Réagir plus tôt, ça aurait vraiment été mieux?
C’est dur à dire, a posteriori, pis des fois, on dirait qu’il faut juste aller au boutte, complètement au boutte, jusqu’au cul-de-sac, jusqu’à foncer dans le mur de briques. Il y a aussi le « pour les enfants » qui nous donne envie de sentir qu’on a vraimentvraimentvraiment essayé. Sauf que, si on avait accroché nos patins plus tôt, ça m’aurait évité l’horreur de la trahison, l’écroulement, le désagrégement. L’obsession qui s’en est suivi. Et avant, toutes ces années à me sentir comme bobonne, bibelot bien pratique — quoique parfois maugréant — qui fait rouler la maisonnée.
Ça fait que (rentrons dans le vif de mon billet) :
Je. Partais. De. Loin. Niveau confiance en soi. Il me fallait la reconstruire, me disait ma psy qui a le sens de mes priorités. Mais tsé, pour reconstruire, il fallait toujours ben que j’en retrouve les miettes, les cendres.
Pendant qu’un tsunami dévastait ma vie familiale et amoureuse, ma carrière avait, elle, le vent dans les voiles. Mais vraiment, là, comme quand les bonnes nouvelles te pleuvent dessus sans que t’aies le temps de t’ébrouer entre chaque. Moi qui avais toujours placé mon travail loin derrière la famille, l’amour, les amis, les voyages et les apéros en terrasse. Ça m’a donné, en plus d’un léger vertige, une sorte de forme de genre de brin d’assurance. Oui, j’étais quelqu’un d’intelligent, de créatif, de fonceur, de persévérant. Quelqu’un de … mais une femme?
Petit flashback. J’ai 23 ans et des poussières. Je dois — pour une raison trop longue à vous expliquer ici et de toute façon on s’en fout, vaut mieux éviter quand c’est possible les digressions —, me faire photographier par un photographe professionnel. C’est long. Il ne semble pas satisfait. Un moment donné, il réapparait de derrière son appareil et me dit : « Il faut que tu laisses sortir la femme en toi. » Je l’avais trouvé débile, croyant qu’il voulait que je me la joue vamp. Je lui avais répondu : « il n’y en a pas », me considérant franchement spirituelle.
Et si j’avais eu raison, en lançant cette boutade? En tout cas, l’an passé, quand mon ex-chéri s’est poussé avec une tite jeune aux ongles qui matchent avec la sacoche, c’est comme ça que je me suis sentie. Comme avec pas de femme en moi.
La semaine passée, le clou dans le cercueil de ma féminité a été un peu plus enfoncé. Manue et Émilie sont allées souper chez un couple d’amis. Un moment donné, Manue a eu à justifier mon absence : « Elle a une date avec un gars pas mal prometteur, sur fiche, en tout cas. » Thierry, le gars du couple, pas mal gueurlot, s’est alors lancé dans un discours enflammé ayant pour sujet ma propre personne et tous ses défauts et se terminant par kek chose comme « de toute façon, je comprends son ex de l’avoir plaquée, j’ai toujours trouvé qu’elle avait rien de fiminin, cette fille. »
Ayoye! Ouch!
Émilie, horripilée et dégoûtée, a cru de son devoir de me le répéter. Ouain. (« On peut se demander pourquoi il a dit ça. On peut aussi se demander pourquoi votre amie vous l’a répété », a finement remarqué ma psy.)
Après avoir passé une journée complète (si, si) à brailler là-dessus, je me suis vaillamment ressaisie. D’abord, le Thierry en question est un individu désagréable, un immonde personnage. Qui boit en côlon. Et je ne dois pas lui laisser le pouvoir de démolir le peu de confiance en moi que j’ai réussi à me rafistoler. Ensuite, cette histoire ne doit pas m’écraser mais plutôt m’aider à me relever. Je dois, que dis-je, je VAIS faire quelque chose de constructif avec! C’est ma psy qui va être ravie (et qui devra admettre que mon amie n’a pas eu complètement tort de me le répéter).
Ainsi donc, me v’là-ti pas lancée dans une réflexion sur ce que c’est que « une fâmme ». Du moins, ce que c’est pour moi. Dans ma tête pleine de stéréotypes (ce sont des clichés — je le sais — j’en suis consciente — je le dis la première — ne me lynchez pas — siouplaît!).
Dans ma vision, donc, une femme, c’est langoureux, délicat, surtout pas ostentatoire. Ça sourit sans montrer les dents. Ça a toujours les yeux qui brillent, les cheveux parfaitement coiffés (ou savamment échevelés), les ongles propres, bien limés. C’est fin, long, sûr de soi, full fluide. Ça ondule (méga important). Ça se laisse désirer. Et, SURTOUT, ça ne se jette jamais sur la bouche d’un gars pour le frencher.
Cette description n’a RIEN à voir avec moi. J’ai beau m’imaginer ondulante, je continue d’avancer sur le trottoir par petits pas pressés et saccadés. J’ai beau me faire mille promesses, quand j’ai un peu bu et que le gars devant moi a une belle bouche, je le frenche. C’est de même. Et en y repensant, je me rends compte qu’aucune de mes amies ne correspond tout à fait à ce tableau figé dans le temps. Toutes ces femmes de ma vie, qui ont des enfants, des carrières, des chums, des amants, des dépressions, qui voyagent, réfléchissent, s’amusent, dansent, rêvent… Et que j’aime. Jamais je ne me pose la question si ce sont de vraies femmes. Et toutes, ou presque, auraient été grièvement blessées, anéanties même, par une remarque comme celle de Thierry. Pis d’abord, à onduler sans cesse, on va ben finir par s’enflammer le sciatique, non?
Voilà. Pis là, ben, comme c’est le printemps, je file sur une terrasse. Pis si jamais je rencontre un gars avec une belle bouche, il n’a qu’à bien se tenir! À votre santé!