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Ce matin, Neda et moi sommes allés prendre un petit café près de la Cour municipale dans le Vieux-Montréal. On discutait de la vie avec légèreté et insouciance: on parlait de nos voyages, elle me racontait quelques anecdotes sur ses études en littérature, on en oubliait presque qu’elle était dans l’attente de son verdict pour son action politique au Grand Prix de juin 2015. Elle est passible d’une peine d’emprisonnement de deux ans et d’un casier judiciaire pour avoir scandée topless «Montreal is not a brothel» sur la rue Crescent durant les festivités de la F1.
À 10h15, on s’est dirigé à la salle d’audience où nous attendaient son avocate Véronique Robert et quelques amis. Tous étaient fébriles, tous étaient stressés, tous sauf Neda Topaloski. Elle était sereine, en paix, elle qui attendait le verdict depuis si longtemps, elle y était en quelque sorte résignée.
La juge n’a pas manqué de souligner le commentaire du plaignant, qui avait dit qu’un char valait plus cher qu’une femme.
L’ambiance était lourde dans la salle d’audience R-40 où plusieurs personnes aux airs troublés attendaient en ligne leur verdict. Au tour de Neda, la juge Guylaine Lavigne a prononcé un discours-fleuve qui relatait tous les événements, un discours long d’une heure. La juge n’a pas manqué de souligner le commentaire du plaignant, M. Bordeleau, qui avait dit qu’un char valait plus cher qu’une femme. Elle a finalement acquitté Neda des trois chefs d’accusation qui pesaient contre elle (tapage et bris matériel). C’est avec le sourire et avec soulagement que Neda est sortie de la salle d’audience.
«On vient de prouver aujourd’hui que si le Grand Prix a le droit de promouvoir l’objectification des femmes à Montréal, alors nous en tant que citoyenne féministe, on peut sortir dans nos propres rues et promouvoir le droit des femmes et les droits fondamentaux. La liberté d’expression est protégée au sens de la loi canadienne.», s’exclame-t-elle.
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Est-ce que cette aventure éprouvante va calmer les ardeurs de cette activiste FEMEN?
«Au contraire, on va exercer notre liberté d’expression pleinement, c’est une occasion de parler encore plus fort des droits des femmes. De s’opposer avec plus de voracité et de force à tous ceux qui ignorent et violent les droits de la personne tous les jours.»
La juge en concluant a cité le commentaire du plaignant: «un char, ça vaut plus cher qu’une femme», comment vous êtes-vous sentie?
«Le tribunal a reconnu que le plaignant, M. Bordeleau, est un homme qui a exprimé son mépris des femmes. Qu’il est contre les femmes libres qui s’affichent contre le patriarcat. C’est une pensée machiste, une phrase emblématique (qui lui a surement nui).»
Nous lui avons demandé si elle comptait poser une action l’an prochain au 50e anniversaire du Grand Prix. Sans hésiter, le ton sûr, elle nous dit «on se prépare toujours pour dénoncer l’exploitation sexuelle et pour faire valoir le droit des femmes»…. Ça en prendra plus pour l’arrêter.
Pour lire un autre texte d’Hamza Abouelouafaa: «Entrevue avec Neda Topaloski : Femen et la liberté d’expression».