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Depuis que la crise a éclaté au Québec, c’est comme si on venait de découvrir la dissidence d’opinion, le débat et son pendant négatif : l’insulte gratuite. Et à en lire certains, la grande victime de tout ça serait exclusivement la droite. La droite qui se fait traiter de collabo, de condescendante, de vieille matante bourgeoise, etc.
Il est vrai, le conflit actuel n’est pas toujours articulé autour d’«arguments» très valables et tombe facilement de l’insulte à l’injure sans être préalablement passé par des faits ou même l’expression polie de sentiments distingués. Mais des gens qui ne savent pas s’exprimer, il y en a des deux bords, et la gauche n’a pas le monopole des cons.
Parlez-en à Gabriel Nadeau-Dubois, qui se fait constamment traiter de marxiste et de petit fasciste, parlez-en à Martine Desjardins qui se fait reprocher ses cheveux gras après ses journées de 28 heures ou à Léo Bureau-Blouin, dont on compare le minois à celui un chaton fatigué, exemple moins probant j’en conviens. Parlez-en à tous ces jeunes dans la rue qui se font traiter de «bébés gâtés» parce qu’ils ont le malheur d’avoir un téléphone cellulaire dans leurs poches.
Mais pas juste ça. Parlez-en à une droite qui s’assume. Avez-vous déjà entendu André Pratte se plaindre d’être «muselé»? Ben non. Dans une démocratie où tout le monde a le droit de s’exprimer, tout le monde ne prend pas nécessairement pour acquis que son discours fera l’unanimité. Ça m’étonne que ce genre de plainte provienne de chroniqueurs pourtant habitués à s’exprimer en public, et donc habitués à recevoir des courriels haineux et autres chars de m***. Le conflit étudiant n’a rien inventé : si je me souviens bien, ma chronique sur les Lesbiennes frustrées, c’était avant la grève.
Ce qui dérange peut-être certains chroniqueurs qui se sentent brimés dans leur liberté d’expression, c’est de voir qu’ils n’ont pas l’aval de leur entourage, de leurs amis Facebook ou d’une plus grande majorité de leurs lecteurs que d’habitude.
Parce que ceux qui font du bruit en ce moment sont plusieurs. Se ranger du côté de la hausse des frais de scolarité, c’était relativement facile, mais se ranger en faveur de la loi 78 ou en défaveur d’un mouvement populaire de casseroles, c’est plus ardu.
C’est sûr aussi qu’il est toujours plus embêtant de défendre le statu quo que de se ranger du côté des révolutionnaires. Par définition, les tenants du statu quo ne revendiquent rien ou revendiquent ce qu’ils ont déjà. Les révolutionnaires en ont tellement long à dire qu’ils descendent dans les rues. Et contrairement à ce que le Regroupement des Cols Rouges le laisse entendre, ce n’est pas le fait d’avoir ou non un travail, qui pousse les gens à manifester dans la rue, mais le fait de croire en des idées qui valent la peine qu’on sacrifie un après-midi de travail pour elles, ou qu’on marche après une journée de travail aussi dure que celle d’une personne de droite.
Mathieu Bock-Côté nous avait prévenu qu’on perdrait peut-être des amis dans tout ce brouhaha. Personnellement, je préfère voir le Québec se brasser un peu que se trouver beau et fin, et/ou brandir la sacro-sainte règle de ne pas parler de politique en famille.
Parce que même si c’est pas facile, mais si on préférerait tous parler de choses positives autour d’un pichet de sangria, il faut qu’on en parle. Ceux qui sont dans la rue en ce moment, monsieur madame tout le monde, a vraiment quelque chose de très fort à dire. Ils ne savent pas toujours bien comment le dire, et j’en soupçonne même de taper sur des casseroles plutôt pour retrouver le même sentiment de collectivité généré par Jean-Marc Parent au début des années 90 que par pure conviction politique. Mais c’est pas grave. Le Québec est en crise, le Québec est déchiré, et dans toute cette chicane, on ne saurait se plaindre de voir un peu de solidarité.