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La cause des étudiants (près du double des frais de scolarité sur sept ans, offre rejetée par presque toutes les associations) permet vraiment de dire n’importe quoi.
Alors que des milliers de personnes se font arrêter parce qu’elles manifestent pacifiquement, des chroniqueurs d’ordinaire sensés trouvent l’audace de prétendre que les matraques, le profilage politique et les arrestations à point nommé ne relèvent pas de l’intimidation*.
Le ministre des Finances, Raymond Bachand, affirme sans gêne qu’il ne veut pas d’un Québec où les députés ne peuvent «se promener dans la rue sans être agressés».
Ah bon? Est-ce que cette règle inclut également les gens ordinaires?
Parce qu’en termes d’abus de pouvoir, il y a toujours le modèle Sarkozy ou le modèle Bush. Cute.
Si on veut d’un Québec où la police arrête les jeunes «vandales», on doit aussi vouloir qu’on y arrête ces agents de la paix qui déshonorent leur insigne et leurs collègues pour la bonne cause. Même si la grande majorité des policiers et policières ont toute la bonté du monde, pourquoi certains jouent le jeu des casseurs qui les provoquent? On ne les paie pas pour se défouler sur les citoyens.
J’aimerais d’un Québec où, à la sortie de l’école secondaire, des adolescents de 13 ans ne se font pas dire par des policiers en pointant leur carré rouge: «Vous enlevez ça». C’est arrivé la semaine dernière dans Rosemont. J’aimerais aussi d’un Québec où le simple fait d’afficher publiquement son opinion n’est pas perçu par nos élus comme une incitation à la violence. Le parti au pouvoir à Québec se radicalise.
Il n’y a pas que l’opposition parlementaire, les critiques publiques, les élections, la police, même, et les tribunaux. C’est beaucoup plus complexe, la foutue démocratie constitutionnelle. Jamais lassant. Mais on ne devrait pas se contenter de si peu et ne pas réclamer mieux. Par exemple, si les associations étudiantes s’éloignent graduellement de la démocratie représentative pour piger dans la démocratie directe, pourquoi les craindre comme le font nos élus?
La dizaine d’arrestations planifiées pour l’ouverture du Grand Prix prend un caractère intensément politique en temps de crise, au risque d’entacher le devoir de neutralité des policiers et de discréditer le reste de leur travail. Refuser qu’une jeune scout fasse du bénévolat parce qu’elle aurait affiché par le passé des opinions dissidentes tend à mener aux mêmes conclusions.
Qui veut d’un Québec où le seul fait d’affirmer pacifiquement son désaccord expose à du profilage politique et des arrestations préventives ou de masse?
Pas moi.
Pensez-vous vraiment que ces centaines de manifs sont toutes planifiées par une grande organisation pyramidale? Non. Bienvenue dans l’horizontal du 2.0 et ses pamphlets en 140 caractères.
Une partie de la population est frustrée par l’attitude d’un gouvernement. Elle manifeste plusieurs fois par jour, jusqu’à six heures consécutives, dans des dizaines de villes et quartiers, et finit même, parfois, par se regrouper. Voyez-vous le problème logistique impossible? Comment imposer à des manifs spontanées un ensemble de critères stricts, comme le nombre de manifestants prévus (le plus possible?) et le moyen de transport des participants (le plus vite possible?). Les milliers de casseroles, et un panda, prouvent chaque jour l’inapplicabilité d’une bonne partie de la loi 78. Même si la police n’y a jamais recours, probablement par peur que sa légalité soit contestée.
Des milliers de personnes reçoivent des contraventions de 500 $ pour avoir osé prendre la rue spontanément et manifester pacifiquement leur désaccord. Ça n’a l’air de rien, mais c’est la démocratie, ça?
Il est vrai que des actes criminels ont été commis au nom de la cause, ou se servant de la cause comme prétexte. Malheureusement, utiliser ces actes déjà illégaux pour justifier des nouvelles restrictions ne trompe personne. Ces nouvelles lois, règlements et tactiques policières s’appuient sur des principes autoritaires inquiétants pour ceux et celles qui admirent notre démocratie.
À Montréal, à Québec et à Gatineau, depuis trois semaines, la police déclare «illégale» sans en avoir l’autorité presque chaque manifestation avant qu’elle ne commence. S’agit-il d’une décision arbitraire ou seulement d’une menace?
Parlons-en, de la loi spéciale. Depuis quand le Québec peut-il légitimement voter une loi impliquant des libertés fondamentales en laissant aux policiers le bon soin de choisir le moment où ils l ’appliqueront? On cherche.
Un député s’est fait arrêter par des policiers mercredi avec d’autres à Québec. Dûment averti qu’il enfreignait la loi, il est resté dans la rue. Il a fait de la désobéissance civile contre la loi d’exception. Les policiers l’ont plutôt arrêté en vertu du Code de la sécurité routière. Ils l’ont menotté et confiné avec des dizaines d’autres pour une vulgaire contravention. Ça fait chenu.
On se couvre de ridicule quand cette loi sert à Poutine pour justifier ses propres lois anti-manifestants. Pendant ce temps, on parle de la résistance québécoise à la loi 78 comme d’un exemple d’ingéniosité dans plusieurs médias internationaux, dont Libération et Wired. Une p’tite shot de caribou avec ça?
Des élections auront probablement lieu en septembre, mais faut-il vraiment attendre cette hypothétique fenêtre avant d’exiger qu’on abroge une loi qui consacre l’amenuisement de l’exercice des droits fondamentaux?
Bref, les mécanismes sains d’un État de droit, comme la contestation grandement pacifique dans les rues du Québec, sont à l’œuvre pour s’opposer à cette loi. Nous n’avons d’ailleurs pas besoin de nous inquiéter outre mesure lorsque quelqu’un évoque des références à des luttes historiques qui ont permis de façonner la démocratie moderne. Gandhi ou Luther King servent aussi de base à plusieurs philosophies politiques contemporaines.
Peut-être est-ce qu’on gagnerait tous à s’en inspirer davantage?
Bande-dessinée: Asymptote (www.asymptote.ca)