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The Main Slow Food

La culture de la vitesse vous rend malade. Le « slow food » est votre acte de rébellion

Le remède aux longues journées de travail et aux courriels? Faire des pâtes. 

Par
Émilie Madeleine
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Cet article est paru initialement dans The Main, un média numérique indépendant qui explore la culture montréalaise.

La cuisine bourdonne. La cloche tinte. Les cuisiniers filent chercher plus de roquette, les clients s’enchaînent comme s’ils étaient chronométrés, et pourtant, mon esprit se tait dès que mes mains touchent la semoule. Je fige en façonnant des raviolis. Les pâtes m’apprennent à bouger avec intention plutôt que dans l’urgence. À en faire moins, mais mieux. À offrir toute mon attention, la vraie monnaie de notre époque.

Votre esprit a besoin de calme, parfois même d’ennui, pour être créatif. C’est dans les moments de silence que surgissent les meilleures idées.

Le fast food a été conçu pour la commodité, mais la vie à toute allure, c’est sans cesse courir après la prochaine étape, se comparer, s’épuiser à la tâche, traverser à toute vitesse ce qui compte vraiment. Se presser, en général, gâche tout.

Photo : Scott Usheroff / @cravingcurator
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Se tromper fait partie de la recette

Une fois, j’ai essayé de préparer des gnocchis pour quarante invités en l’espace d’une heure. J’ai omis de laisser mes pommes de terre refroidir, cassé des œufs encore trop chauds, et obtenu une pâte collante et inutilisable. Le tout a fini à la poubelle. J’ai recommencé en coupant ma vitesse de moitié, et la pâte a roulé sous mes paumes ; la deuxième fournée a flotté comme un nuage.

Ce jour-là, j’ai appris que la patience vaut son pesant d’or. Comme lorsqu’il s’agit de laisser une pâte reposer ou une sauce mijoter ; le temps travaille pour vous et non pas contre vous.

Parfois, prendre une pause est la chose la plus productive à faire.

Photo : Scott Usheroff / @cravingcurator
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Cucina povera

En cuisine italienne, il existe une philosophie appelée cucina povera : il s’agit d’utiliser ce que l’on a, ce que l’on cultive ou ce que le voisin a cultivé. Avec seulement quelques ingrédients simples, on peut préparer une assiette de pâtes à l’air riche et généreuse, à condition de laisser au temps le soin de faire mûrir une tomate ou fondre un anchois dans la poêle.

Cette manière de cuisiner consiste aussi à accueillir les imperfections. Le chef Massimo Bottura a bâti une philosophie autour de l’utilisation de légumes « laids » ou imparfaits, d’ingrédients négligés transformés en repas beaux et porteurs de sens. Cet état d’esprit m’a aidée à me défaire de mon perfectionnisme, autant dans la cuisine que dans la vie. Cette philosophie du soin et du respect dépasse les murs de la cuisine, surtout lorsqu’il est question de communauté.

À la vitesse de la nourriture

Puis, il y a le slow food, un mouvement axé sur la durabilité et la communauté. Rendez-vous au marché Jean-Talon un lundi matin, et vous pourrez l’observer chez les chefs qui le traitent comme un garde-manger grandeur nature. Le chef Marc-André Jetté, du Hoogan et Beaufort et du bar à vin Annette à Montréal, le voit comme « une école pour les jeunes cuisiniers » ; chaque conversation avec un producteur est un cours magistral sur l’art de laisser le temps faire ce qu’il a à faire.

Photo : Scott Usheroff / @cravingcurator
Photo : Scott Usheroff / @cravingcurator
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Le slow food a débuté en Italie en réaction à la culture de la restauration rapide et de son industrialisation. Il a pour but de protéger la biodiversité, de préserver les semences patrimoniales et de soutenir les agriculteurs et producteurs locaux. Acheter les produits de personnes que l’on connaît est une forme de soin tant envers la communauté que la planète. En ce sens, le slow food est un acte de rébellion.

Bien sûr, pour élever des poules et cultiver un potager, ça prend du final boss energy en plus d’exiger un certain effort, mais avec un simple plant de basilic sur son balcon ou une petite récolte dans un marché local, on arrive au même résultat : vous savez qui l’a cultivé, vous honorez le travail investi et prenez le temps de le savourer.

Combattre la culture du burn-out

Remettre en question le culte de la vitesse m’a appris que ce qui compte vraiment, c’est de donner de la valeur à son propre temps.

Photo : Scott Usheroff / @cravingcurator
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Ça m’a aidée à adopter un rythme de vie plus conscient, et ce, bien au-delà de la cuisine. J’ai transformé ma manière de penser, de me reposer, de parler et de prendre soin des autres.

Ce qui avait débuté comme une manière de cuisiner avec intention est devenue une manière de vivre avec intention.

S’adapter au rythme de la pâte a aussi changé ma manière d’être présente pour les autres : maintenant, mes amis ont accès à la véritable moi, et non à la version épuisée. Partager un repas devient plus qu’un simple moment pour manger, c’est une occasion de connecter.

Le slow food m’a appris que l’acte de soigner est circulaire : il débute avec le corps, l’esprit, puis se rend à la communauté avant de revenir vers soi. Dans un monde qui carbure à la performance, ralentir est à la fois une compétence et un choix – un choix qui a bien meilleur goût.

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