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Bien avant le printemps, les bourgeons éclosaient déjà dans l’imaginaire fertile d’Amélie Grenier. Elle les imaginait dans les barbes, dans les cheveux, dans les racoins des visages, elle faisait de nos têtes de jolis bouquets en fleurs. Nonobstant la grisaille, ses dessins colorés illuminent notre quotidien, on est donc allé voir qui est cette horticultrice qui sévit sur Instagram.
Tu as un parcours plutôt inusité : tu as étudié la psychologie, tu as travaillé à Radio-Canada pour Des kiwis et des hommes, tu as été rédactrice en cheffe du contenu web chez URBANIA et maintenant tu dessines des faces fleuries!
Quand j’étais au Cégep, et qu’il fallait que je décide ce que j’allais faire dans la vie, je voulais profondément faire du dessin, mais j’avais trop peur de me lancer. Je savais que cette profession reposait principalement sur des contrats et que ce serait trop stressant… faque ce que j’ai fait à la place, c’est une job de recherchistes pendant des années…à contrat. Chaque fois que j’y pense, je me dis : « heille, bravo fille ».
Étais-tu le genre d’enfant qui dessinait partout tout le temps ?
Oui, je dessinais tout le temps ! Ma mère qui a un côté artistique plutôt développé mettait tout le matériel à notre disponibilité. Pour éviter que l’on dessine partout, elle installait des papiers géants sur les murs. Logiquement, j’aurais dû être graffiteuse à cause de ma mère.
Quel nom de graffiteuse aurais-tu voulu emprunter ?
Ben chaque fois que je pense à un nom de graffiteuse, ça finit que je trouve toujours que ça ressemble à un nom de pornstar. Lucky Star, Sparkle… Melba… Je n’ai toujours pas trouvé! Mais je veux faire des graffitis avec des glitters.
Est-ce qu’il y avait une récurrence dans les thèmes que tu dessinais ? Genre des étoiles ou des pénis ?
Moi, c’était des sirènes. Je voulais être une sirène à tout prix. J’ai été convaincue qu’elles existaient jusqu’à l’âge de 11 ans. Il m’arrivait de me caler dans l’eau et d’arrêter de respirer pour que des branchies me poussent dans le cou. Je dessinais aussi des pouliches, des personnes avec des vêtements différents, je dessinais même des gens de plusieurs nationalités. À 10 ans, j’étais déjà inclusive et panraciale.
Est-ce que l’univers que tu crées est une façon pour toi de fuir la réalité ?
Oui, j’ai toujours eu l’impression que je m’enfuyais dans cet univers fantastique. Des fois, je vois des choses que les autres ne voient pas. Parfois, à la vue d’un arbre, je me dis : « hey ça serait vraiment drôle s’il avait des jambes. » Le soleil peut avoir une bouche, me jaser. C’est comme ça que je vois le monde dans ma tête. J’adore aussi les couleurs, je trouve qu’il n’y en a pas assez dans un environnement humain, dans les styles vestimentaires.
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Bref, le dessin a un effet salutaire ?
L’année dernière quand je me suis vraiment remis à dessiner régulièrement, je vivais des moments difficiles, autant chez moi, autant avec mes amis, au travail… Des événements tristes m’ont profondément affectée. Le dessin est le seul espace où j’arrivais alors à avoir un souffle. Au début, je traçais des lignes toutes simples, c’était une forme de méditation.
Comment t’est venue l’idée de la série sur les portraits-fleurs ?
Je fais de la photo et parfois le résultat était laid. J’ai eu l’idée de redessiner les photos que je trouvais laides pour les mettre à mon goût. J’ai eu envie de dessiner les visages des gens. Je les trouvais beaux, je trouvais intrigants leurs traits, les formes de leur visage… J’ai été mon premier cobaye. J’en ai fait deux ou trois et c’est fou la quantité de gens qui m’ont écrit pour me dire : « ça me fait du bien ce que tu fais, je trouve ça vraiment beau ». Bin voyons les gens!
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Comment expliques-tu cet engouement ?
Je pense que j’ai une personnalité qui aime faire du bien aux autres et ça se ressent dans mes dessins. J’ai souvent eu comme commentaire : « wow, je suis dont bin belle ». Les gens s’étonnent de leur beauté, ils se redécouvrent à travers mes yeux, ça leur fait du bien.
Y a-t-il un visage que tu as particulièrement aimé dessiner ?
Oui, l’artiste 2fik. Physiquement il a des traits très intéressants et il a une belle prestance. J’ai adoré dessiner sa barbe en fleur, c’était tout un défi. Souvent, je vais prendre des modèles avec des caractéristiques différentes pour justement avoir de nouveaux défis, comme l’icône de la mode nonagénaire Iris Apfel.
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Et l’inverse ?
Je trouve tout le monde et tout le temps les visages doux, même les peaux qui sont moins « belles », selon les normes de la société. Je fais d’ailleurs exprès de mettre des scratchs, des grains de beauté, quelque chose de moins uniforme. Tout est tellement imparfait en vrai que ça me tente d’aller vers ça, vers l’imperfection. Ça me rapproche du réel.
Sur quoi travailles-tu en ce moment ?
Je travaille sur des flashs : des trucs que j’entends, des bribes de conversation, des chansons, etc. Dernièrement, j’écoutais du Fanny Bloom, et dans l’une de ses mélodies, il y avait une phrase qui revenait souvent : « ses yeux sont des bijoux. » Depuis ce moment, j’imagine tout le monde avec de gros bijoux sur le visage. Tout de suite, j’ai eu l’automatisme de le dessiner. J’ai aussi deux projets de fanzine en tête et un projet d’animation pour le Festivulve. Tout ça pour bientôt!