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La contradiction des «cord-cutters», ces gens qui se désabonnent du câble

Tout n'est pas gratuit sur internet.

Par
Stéphane Morneau
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«Oui, mais moi je n’ai même pas de télé à la maison.»

Parions que vous avez déjà entendu cette réplique lors d’un souper avec des amis ou des connaissances quand le sujet de l’intrigue de District 31, par exemple, tombe sur la table.

Lancée comme une boutade, cette revendication franche d’un désintéressement envers l’objet télévisuel révèle souvent deux choses : soit un désir de s’élever au-dessus de ce médium populaire qu’est la télé, soit que la personne se dresse en faux contre le système capitaliste qui enrichit les compagnies à même les poches des contribuables.

Ce que la boutade peut cacher, par contre, c’est que ce détachement de l’objet télé n’est pas forcément un désintérêt des productions télévisuelles. C’est juste qu’il y a d’autres façons de consommer son contenu maintenant.

Qui sont les cord-cutters?

Les cord-cutters se désabonnent massivement du câble depuis plusieurs années déjà si bien que les câblodistributeurs sont en mode panique devant la perte constante de leur auditoire. En réaction, les prix montent pour compenser et les offres sont modulées pour séduire l’auditoire toujours fidèle devant son poste.

Les coupeux de câbles sont majoritairement des plus jeunes qui n’ont pas grandi avec la télévision comme les consommateurs de plus de 35 ans.

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Les coupeux de câbles sont majoritairement des plus jeunes qui n’ont pas grandi avec la télévision comme les consommateurs de plus de 35 ans. Parmi eux se ressent une certaine écoeurantite en raison des tarifs très hauts qui obligent à sélectionner une large brochette de chaînes alors que leurs désirs sont plutôt ciblés. C’est un problème pour les diffuseurs et les solutions sont peu nombreuses.

Ceci dit, il y a un truc qui m’achale chez les cord-cutters qui se manifestent lors des soirées comme les Oscars présentés en février ou encore les matchs du Canadien de Montréal en séries ou tout récemment le documentaire Leaving Neverland sur les ondes de HBO.

«Salut Facebook, as-tu un lien pour streamer tel truc que j’ai envie de regarder?»

Refiler la facture aux autres

Le streaming gratuit sur des plateformes illégales est de plus en plus répandu et on dirait que les utilisateurs ne réalisent pas qu’ils ne font que refiler leurs factures à quelqu’un d’autre quand ils décident de se tourner vers les options parallèles offertes sur le web.

Couper le câble pour mieux sélectionner ses services en ligne, c’est une chose. Couper le câble pour solliciter la gratuité sur le web quand ça nous adonne, c’est un problème.

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Le contenu, à la télé, au cinéma ou sur le web, ne tombe pas du ciel. Il a des créateurs derrière, des équipes, du talent, des emplois. Au-delà des grandes entités corporatives, il y a des individus, des pères et des mères de famille qui mettent du pain sur la table le soir grâce à la création de contenu.

Couper le câble pour mieux sélectionner ses services en ligne, c’est une chose. Couper le câble pour solliciter la gratuité sur le web quand ça nous adonne, c’est un problème.

En ce moment, oui c’est difficile pour les usagers parce que les diffuseurs de contenus s’accrochent au vieux modèle puisque c’est encore lui qui renfloue les coffres. Ainsi, les propriétés payantes à la télévision sont tenues loin du web pour ne pas diluer l’argent des commanditaires, notamment. Le sport en direct en est un très bon exemple et les soirées événements comme les Oscars ou les Grammys en sont d’autres.

Mais tourner le dos complètement à «la machine» pour sauver des sous n’est pas un geste politique, c’est un geste égoïste.

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L’avenir, c’est l’utilisateur-payeur

Ceci dit, ne venez pas revendiquer votre droit de ne pas payer le câble puisque vous ne regardez pas la télé. Je ne m’adresse pas à vous directement. C’est tout à fait légitime de se divertir ailleurs et d’investir son temps et son argent là où notre cœur bascule.

Mais si vous aimez suivre Game of Thrones, le sport ou les galas et si vous sautez sur les sites de téléchargements au lieu d’aller au cinéma parce que c’est trop cher, vous faites partie du problème.

D’un côté, vous augmentez les statistiques de cord-cutting qui soulignent le désintérêt des gens. Sauf que votre désintérêt est virtuel puisque dans le fond, c’est payer qui vous agace. Vous voulez quand même du contenu. Vous voulez le beurre et l’argent du beurre.

De l’autre côté, vous diminuez les statistiques des gens qui consomment leur contenu autrement en utilisant des services payants entièrement numériques comme Netflix ou Tou.tv par exemple. Encore là, vous consommez du contenu, mais vous le faites sur le dos d’un autre utilisateur-payeur. Votre choix n’est pas comptabilisé et n’encourage pas le changement de modèle plus rapide puisque vous n’aidez pas à la rentabilité d’un modèle numérique plus adapté aux nouvelles réalités.

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Si vous allez au restaurant, par exemple, et que tout le monde se partage l’addition à la fin du repas, est-ce que vous partez sans payer ou bien vous attendez votre part de la facture pour la régler? Dans ce contexte, c’est une évidence de payer sans trop se plaindre parce qu’on réalise concrètement que quelqu’un devra compenser pour nous si on ne paie pas. Le choix de manger au restaurant était doublé d’un désir de le faire et il vient avec un prix à payer. Pourquoi ce serait différent avec le contenu web, la télévision ou le cinéma?

Si vous allez au restaurant, par exemple, et que tout le monde se partage l’addition à la fin du repas, est-ce que vous partez sans payer ou bien vous attendez votre part de la facture pour la régler?

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Vous voulez protester, il y des moyens de le faire sans dérailler les productions. N’achetez pas, par exemple, un pop-corn hors de prix chez Guzzo et une piscine de boissons sucrées. Sélectionnez des abonnements de courtes durées en ligne et désabonnez-vous durant les périodes où le contenu vous parle moins comme l’été pour les fans de hockey, par exemple, ou les entre-saisons de Game of Thrones chez HBO. Si vous passez beaucoup de temps sur Spotify, faites votre part et déplacez-vous pour le spectacle ou commandez un chandail de votre artiste du moment.

Payer à la pièce ce que l’on veut voir, c’est l’avenir du contenu et aussi une fichue de belle façon de mettre de l’argent directement dans les poches des créateurs de contenus. Vous pouvez aussi choisir d’encourager une chaîne YouTube via le sociofinancement, par exemple, ou encore des productions indépendantes lors de soirées de projections à l’extérieur du réseau des salles.

Ça n’existe pas la gratuité quand on parle de contenus, d’art et de culture. Si vous ne payez pas, c’est que quelqu’un, quelque part, paie à votre place ou encore n’est pas payé à juste mesure pour son travail et son talent.

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«Oui, mais je n’ai pas de télé à la maison», peut-être, mais tu ne fais pas partie de la solution si tu penses que tout est gratuit sur internet.

C’est un pensez-y-bien.

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