La cloche de vendredi midi annonce le début très attendu des vacances de la construction. Les fameuses deux dernières de juillet où environ un quart de la main-d’œuvre québécoise se transforme du jour au lendemain en touriste. Alors qu’elle était occupée aux derniers préparatifs avant le grand départ, je suis allé prendre le pouls de cette faune à cap d’acier. Direction Griffintown, véritable quartier-chantier pour poser deux questions proustiennes aussi simples que complexes :
De quoi allez-vous vous ennuyer le moins?
De quoi allez-vous vous ennuyer le plus?
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«Au lieu de gérer les chicanes sur le chantier, je m’en vais gérer des chicanes d’enfants»
Occupés à sécuriser la fermeture d’un important projet de condominium, Claude, Martin et Alexis me répondent tous en même temps: « Se lever à 4:30 du matin! Mon contremaître! Le salaire! Se trouver du stationnement!», répondent-ils dans une bonne humeur au goût de liberté. «On va s’ennuyer de la gang, de l’harmonie qui règne ici. Mais on va se revoir, ça sera pas trop long », révèle Martin. Alexis de renchérir sourire en coin: « Au lieu de gérer les chicanes sur le chantier, je m’en vais gérer des chicanes d’enfants ». « On va en profiter pour sortir, aller au Lac-Saint-Jean voir la famille, pêcher, se promener un peu dans la nature. Sortir de la ville », confie Martin, fébrile.
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Sébastien et Max fument une cigarette en échangeant des rires: « Le trafic! On va-tu être ben sans ça! Mais la gang est le fun ici. On a la chance de travailler entre chums. Même si on travaille fort, c’est jamais plate ».
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« Porter un masque toute la journée dans la grosse chaleur. Mais la camaraderie qui nous unit, ça je vais m’en ennuyer! C’est super important sur un chantier. », me dit Patrick, responsable de la santé et sécurité sur un projet privé aux proportions homériques.
«moi, j’haïs pas ça travailler. Je vais devoir me trouver de quoi pour rester occupé»
Un petit groupe qui préfère rester dans l’anonymat: « Pas du sentier calvaire! » lance un colosse abondamment tatoué faisant rigoler tous ses collègues. « Mais moi, j’haïs pas ça travailler. Je vais devoir me trouver de quoi pour rester occupé ». Une réponse qui tranche avec celle de son collègue: « Absolument rien! Je vais enfin pouvoir faire la grasse matinée. Fini monter les osti d’escaliers, dealer avec la température de marde, la pluie toute la journée. Mais le social avec les boys, ça, c’est spécial tsé ». Une réponse visiblement partagée par une grande partie des travailleurs.
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Nick lace avec du fil de fer des clôtures pour être certain qu’elles résistent au vent durant son absence. « Depuis janvier que je travaille dehors, pas de break depuis l’hiver, c’est des vacances que je peux appeler méritées. D’habitude je vais voir de la famille à l’extérieur de la province, mais pas cette année à cause des restrictions. Je vais en profiter pareil ! » me confie-t-il avant de remettre ses bouchons.
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Joël et Francis vident l’eau d’un camion à la veille du grand break. « J’te dirais que je vais m’ennuyer de croiser autant de monde dans la rue. C’est con, mais j’aime ben ça. Tellement qu’il faut que je fasse attention pour pas faire d’accident ! », s’esclaffe Joël. « Je vais me promener avec ma famille, mais le chantier, pour être ben franc je vais pas m’en ennuyer pantoute. Sauf ben sûr de la criss de belle de gang. Le social avec les gars », me raconte Francis, « Bon, il est presque temps d’aller prendre un coup! » crie son collègue en regardant sa montre.
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Il est midi, c’est enfin le temps de punch out. On ferme la shop. Deux semaines loin du boss, du bruit et des grues. Bonnes vacances!