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La complainte d’un vieux con.

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Habituellement, j’écris tous mes textes moi-même. Cette semaine, le copain de ma mère, Serge Pagé, m’a fait part d’un texte qu’il a écrit et de son rêve d’être publié un jour. Je m’suis dit “Pourquoi pas lui offrir ma tribune” En plus, ça me fait moins de travail et plus de temps pour jouer au Xbox! Blague à part, Serge est un homme que j’admire, doté d’une culture et d’une intelligence qui m’ont toujours impressionné. Il s’agit ici de son premier texte destiné à se retrouver sur un blogue. Son oeil sage et la délicatesse des mots posés sur les situations les plus chiantes de la vie ont su me faire sourire, en même temps que me faire rager. J’ose espérer que vous lirez avec autant d’enthousiasme que moi, la complainte d’un vieux con.

Je suis un vieux con. Je travaille depuis l’âge de 14 ans (temps partiel l’été). Après mes études, à 24 ans, j’ai obtenu mon premier emploi à temps plein et permanent. Jusqu’à ce jour, j’ai travaillé pour cinq entreprises différentes : certaines ont fermé leurs portes, d’autres existent encore. Mais je ne me plains pas, ni des changements d’orientation que cela a nécessités, ni des reculs salariaux occasionnels, ni de la diminution des semaines de vacances. J’ai tiré mon épingle du jeu du mieux que j’ai pu, réussissant toujours à me trouver un emploi quelque part. De peine et de misère, j’ai même réussi à accumuler un petit REER qui devrait me servir bientôt, du moins pour un court temps.

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Mais je suis un vieux con. C’est comme ça que, dans la vie de tous les jours, me perçoit la majorité des gens avec lesquels j’ai à marchander, à négocier, et parfois m’arrive de supplier des services pour lesquels je paie des impôts faramineux. J’en suis, à l’âge de 62 ans, à me convaincre très souvent qu’ils ont raison : quel beau con je fais à me faire envoyer du service des plaintes à celui des comptes résidentiels, de celui de la comptabilité au service à la clientèle, répétant comme un stupide perroquet le même discours à chaque fois, à des personnes diverses qui ne se connaissent pas et qui m’ignorent, malgré les efforts que je fais et que je refais, tous trop occupés à gérer leur minuscule royaume de travail étriqué et sans initiative.

Peut-être vous reconnaîtrez-vous dans ce tableau, perdus comme moi dans les méandres bureaucratiques de ces sociétés gouvernementales et quasi gouvernementales, ainsi que dans celles de ces autres monopoles embourbés des grandes institutions privées de service? Tout, dans votre vie, est régi par ces monstres aux dix mille bras, aux centaines de têtes, mais sans l’ombre d’un cœur.

Ceux de la fonction publique sont appelés « fonctionnaires » : ils ne travaillent pas, ils ont une fonction à occuper. J’ai cru longtemps que cette fonction était de nous aider, de nous servir et de nous guider dans le labyrinthe des agences, des paperasses et des règlements dont les institutions gouvernementales sont friandes, mais aujourd’hui je n’y crois plus. Aujourd’hui, je crois qu’ils ne sont fonctionnaires que pour faire de l’argent, s’assurer une fonction éternelle et profiter de la vie : salaires, fonds de pension, voyages et conventions de toutes sortes payés (formation, exploration, association, etc.), années sabbatiques, congés mobiles, légaux, de maladie et optionnels, temps supplémentaire généreux et, parfois, uniformes fournis.

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Naturellement, n’étant comme vous qu’un travailleur, je paie, comme vous, tous les argents qui entretiennent les fourmilières gouvernementales. Nous n’avons pas le choix de payer ou non pour cette absence criante de services efficaces et rapides auxquels nous avons droit. Mais payer pour du vent, pour une solution finale à mon problème si simple et si léger mais qui prendra six mois à se régler… Aberrant. Illogique. Absurde. Révoltant. Si au moins l’éternité que prend la résolution de mon petit problème n’était pas auréolée d’une arrogance crasse, d’un je-m’en-foutisme étalé à ma face comme un emblème dont il faut être fier, alors que des deux côtés le ton monte, celui du fonctionnaire frustré par ma colère qui s’approfondit à la mesure de son inefficacité, de son incompétence et de sa (fausse) incompréhension, et le mien qui enfle dans les cris de rage contre ce non-sens incommensurable qui fait que je n’aboutis à rien puisse m’aider, et que je répète et répète d’un service à l’autre les mêmes propos à des copies conformes au premier interlocuteur, copies qui sont totalement et absolument désintéressées par ce que je leur demande. Résultat : « Je vous transfère au service à la clientèle… ». Au suivant !

Durant ces 48 ans de citoyen travailleur fortement taxé, j’ai du me battre avec presque tous les services gouvernementaux qui existent pour, le plus souvent, régler des erreurs faites initialement par eux ou, très souvent, renvoyer encore et encore des documents exigés qui avaient été fournis de multiples fois, mais qu’on me signifiait comme non reçus (un euphémisme de la fonction publique pour « perdus »). Notez qu’en 2012, plusieurs de ces institutions n’acceptent pas de documents fournis par courriel. C’est beaucoup trop rapide, facile à égarer, disent-ils (et cela bloquerait sans doute la boîte de réception des fonctionnaires qui y ont déjà des tonnes de courriels personnels). Alors, vous devez utiliser un télécopieur, mais il y a de fortes chances que vos documents se retrouvent de toute façon perdus dans le classeur-oubliette no 13. Même l’envoi par Fedex ou courrier n’échappe pas à la volumineuse errance due à leur cloisonnement absolu.

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Ce sont donc mes complaintes que vous lirez ici durant les prochaines semaines. Quelques mésaventures vécues personnellement (ou par ma famille très proche) avec ces entités sans visage :

Hydre-Québec – Une bête mythologique avide et cupide, dont le premier but est aujourd’hui de renflouer les coffres du gouvernement, avec des fonctionnaires obtus parmi les mieux traités du système gouvernemental, et une gestion discutable des argents québécois.

S.A.A.Q. (Siphonage des Automobilistes Abrutis du Québec) – Un organisme quasi judiciaire qui établit ses propres règlements pour tous les automobilistes, vous poursuit avec harcèlement jusqu’en cour de justice, même s’il a tort : ce n’est pas grave, c’est vous qui à la fin payez leurs avocats, même si vous gagnez. Non imputable comme plusieurs sociétés du gouvernement et d’une criante mauvaise foi.

C.C.Q. (Cotisez Cotisons Québec) – Une institution qui roule « selon les règles qu’elle a édictées », surtout quand cela peut vous faire enrager, à défaut d’être compréhensive et compatissante. Malheureusement, il a fallu le décès d’un ami pour que nous ayons à combattre l’attitude bornée de ses fonctionnaires.

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Caisses Desjardins – Une association de banques populaires qui n’a de populaire qu’un des sens du mot, à savoir que de nombreux Québécois y sont encore (ou ont oublié d’aller voir ailleurs). Aussi entêtée, lente et inefficace que la fonction publique.

Gaz Métro – Une compagnie privée, mais aussi un dangereux monopole qui fait aussi ses propres règles internes dont vous ignorez tout, et qui vous les lance en pleine face en guise de prétexte d’inefficacité, ne montrant aucun intérêt à résoudre votre problème présenté dans les règles de l’art, même par un compagnie qui lui fournit tous les documents légaux demandés. Obstination, lenteur bureaucratique et gestion suivant des méandres boueux.

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Avouez que ça vous arrive à vous aussi hein? Suivez-moi sur ma page Facebook pour d’éventuelles nouvelles de Serge et de ses complaintes.

“Bonne semaine”

-Le gars du magazine La Semaine.