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La bulle

Par
Éric Samson
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Les élections municipales m’auront appris une chose: mon fil Facebook est loin d’être représentatif.

Je m’en doutais, remarque. Au lendemain du Gala de l’ADISQ, la plupart trouvaient les gagnants vaguement ridicules, et il s’en trouvait quelques-uns pour dénoncer l’absence totale de pertinence de l’ADISQ comme institution, mais une chose est sûre : personne ne fêtait, champagne et caviar, la victoire de Marc Dupré ou celle de Mes Aïeux.

À voir les réactions qui défilent sur mon newsfeed depuis dimanche soir, il n’y a personne pour se réjouir de la (pourtant convaincante) victoire de Denis Coderre au poste de premier citoyen de la métropole québécoise.

À mon sens, il s’agit là d’une certaine défaite de l’élitisme.

Pendant que la plupart des universitaires que je vois passer sur mon fil s’insurgent contre les mini-miss et se demandent si le mouvement Movember est ou non anti-féministe ou anti-diversité-sexuelle ou s’il ne dénigre pas, par la bande, les minorités genrées ou les travailleurs et travailleuses du sexe, on voit apparaître à la tête de la ville un mononc à la bouille sympathique qui passe plus de temps à serrer des mains dans des soupers spaghetti qu’à écrire une plate-forme électorale digne de ce nom.

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Une chose unit les maires des trois villes de Québec, Montréal et Toronto : leur maîtrise d’un certain franc-parler est indéniable. Ces maires sont “proches du peuple”. Ce sont des gens “avec qui on a envie de prendre une bière”. Ils n’ont “pas la langue dans leur poche” et ils ne se laissent certainement pas “mener par le bout du nez par les syndicats”. Toutes des idées qui ne font pas un programme, mais qui séduisent visiblement les électeurs. Ou, devrais-je dire, un certain électorat, parce qu’à lire les réactions de tout le monde que je côtoie sur le web, il ne s’en trouve pas un seul pour être satisfait.

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La même chose arrive avec la fameuse Charte du PQ. Alors que moins de 10% de mes amis Facebook se déclarent en faveur, j’en ai vu plusieurs dire des choses comme “ouf, les soupers de famille où je dois expliquer pourquoi je suis contre la Charte à matante Hubertine, c’est lourd”. Parfois, matante Hubertine était remplacée par “toute la belle-famille”. Ça fait des belles Actions de grâce, ça. (À ce sujet : je m’en voudrais de ne pas souligner l’excellent webdocumentaire Toi, moi et la charte, produit par Urbania et l’ONF, en ligne dès demain.)

Une chose me semble certaine: presque tous mes amis-contacts-connaissances qui sont allés voter dimanche ont perdu leurs élections et semblaient profondément surpris et déçus du résultat. Mon environnement est peut-être composé de gens qui partagent des opinions près des miennes, soit, mais à se parler entre nous et à se dire des choses qu’on sait tous déjà, on ne fait que renforcir notre petite bulle d’opinion, qui ne devient au final qu’une chambre à écho.
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Sinon, on continue à se parler entre nous et on continue à se donner raison, à se trouver intelligents et sages, ce qui revient, à peu de choses près, à mépriser les pauvres types qui votent pour le souper-spaghetti.

Et si on est convaincus d’avoir tant raison que ça, on doit faire plus, et mieux, que s’installer avec un Old Fashioned et regarder #lesgens de haut.

Ce n’est pas parce qu’on ne partage pas d’amis Facebook qu’on ne partage pas la même ville, la même province, la même planète. Ce serait cool de se comprendre, un peu.