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La Bobettes Quest ou la quête infinie de la parfaite culotte taille plus

Quand la Saint-Valentin soulève des enjeux d'inclusivité.

Par
Laïma A. Gérald
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Un bouquet de roses rouges, une boîte de chocolats, de la lingerie coquine: ce sont les trois premières choses qui me viennent en tête quand je pense au typique cadeau de Saint-Valentin.

Des fleurs et du chocolat, c’est assez facile d’en trouver qui plairont à toutes et tous (même aux personnes intolérantes au lactose!), mais de jolies petites culottes, est-ce qu’il y en a vraiment pour tout le monde, peu importe ses mensurations?

(De)sous une question qui peut sembler banale à première vue se cachent des enjeux beaucoup plus complexes.

La bobette Quest

« Passé une certaine grandeur, des sous-vêtements cute, il n’y en a juste pas, déclare d’emblée Julie Artacho. C’est déjà assez difficile pour les personnes grosses de se trouver des vêtements et des sous-vêtements de base, imagine des petites culottes en dentelle sexy! »

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Tout a commencé il y a quelques semaines, alors que Julie Artacho consultait son fil d’actualités Instagram. Ce jour-là, elle constate que plusieurs entreprises de sous-vêtements locales et internationales font la promotion de leurs produits en arborant les mentions «Inclusif» « Pour TOUTES les femmes » ou «Body Positive» tout en indiquant que les modèles sont offerts « Jusqu’à 3XL ».

«Je me suis lancé le défi de commander et essayer le plus de bobettes dites taille plus possible.»

« Je suis tombée sur une photo d’une mannequin qui portait un sous-vêtement dit 3XL. J’ai bien regardé l’image et je me suis dit “Moi, je porte du 3XL et je ne rentre pas là-dedans, c’est sûr”. Ça m’a donné envie de creuser la question et de montrer que ce n’est pas parce qu’une entreprise se targue d’être inclusive qu’elle l’est réellement. » explique la photographe, qui milite pour l’inclusivité et contre la grossophobie depuis déjà plusieurs années

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Julie Artacho se lance alors dans une mission: la Bobettes Quest. « Je me suis lancé le défi de commander et essayer le plus de bobettes dites taille plus possible, explique-t-elle. Seul “petit” problème, ça coûte cher d’acheter autant de sous-vêtements donc j’ai créé un lien PayPal pour que les gens qui souhaitent encourager le projet puissent le faire. À ce jour, j’ai amassé plus de 700$ et réalisé plus de 25 heures de recherche. J’ai commandé 32 modèles de bobettes de 19 compagnies différentes. Au moment où on se parle, j’ai reçu 23 modèles, les autres sont en route. »

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Peu d’attentes. Peu de résultats.

Pour nourrir et documenter sa Bobettes Quest, Julie Artacho a demandé à deux femmes taille plus de son entourage de l’accompagner dans l’essayage des sous-vêtements reçus afin d’évaluer la qualité, la taille et la manière dont ceux-ci répondent ou non à la mention 3XL (ou plus).

« C’était la bobette la plus conne que j’ai vue de toute ma vie. »

« J’ai contacté deux mannequins plus size, Nadia qui mesure 5”2 et Lou qui mesure 5”11, m’explique la photographe, qui documente sa démarche sur Instagram, tout en remplissant des tableaux Excel comparatifs. Au fil des essayages, on a pu faire plusieurs constats. Tout d’abord, c’est une minorité de bobettes annoncées comme 3XL qui sont réellement conçues pour des corps plus size. Les élastiques pour les cuisses sont souvent trop petits, les proportions n’ont aucun sens. Aussi, d’une marque à l’autre, il y a parfois une différence de 12 pouces, tu imagines! On n’avait pas beaucoup d’attentes… et on ne les a vraiment pas dépassées! »

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Julie Artacho me raconte que pendant les essayages, les modèles, qui portent du 3XL et au-delà, ont parfois failli déchirer les sous-vêtements, pourtant vendus comme tels. « Hier, j’ai failli tuer ma mannequin de rire tellement une des culottes était tout sauf du 3XL, tellement elle était petite. Je pense que c’était la bobette la plus conne que j’ai vue de toute ma vie » me confie Julie Artacho en riant.

Peu d’offres au Québec.

« Très peu de compagnies québécoises proposent des culottes 3XL et encore moins au-delà de cette taille, constate la photographe et militante, qui a fait ses devoirs. Sur environ 35 compagnies locales, 8 proposent du 3XL et seulement 4 proposent des modèles au-dessus de 3XL. C’est dommage parce que, pour avoir du choix, les femmes grosses se retrouvent à pitcher leur argent aux États-Unis, alors qu’on souhaiterait le dépenser ici, et encourager des compagnies locales », déplore Julie.

«Ce n’est pas parce que tu publies une photo d’une fille avec 2-3 plis au niveau du ventre et de la cellulite que tu es body positive.»

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Pour la photographe, le but n’est pas de basher les entreprises, mais bien de sensibiliser les gens, plus size ou straight size, à une réalité bien réelle. Elle souhaite aussi que les gens posent un regard plus critique sur le marketing body positive, bien présent sur les réseaux sociaux. « Ce n’est pas parce que tu publies une photo d’une fille avec 2-3 plis au niveau du ventre et de la cellulite que tu es body positive » revendique Julie. Il faut toujours se poser la question “Est-ce que la marque qui publie du contenu “body positive” propose réellement des produits en conséquence?”. J’aimerais que les gens sachent mieux reconnaître ce qui est réellement inclusif et ce qui ne l’est pas. »

Même si la Bobettes Quest s’adresse plus particulièrement aux personnes plus size, Julie Artacho souhaite sensibiliser tout le monde. « C’est sûr que si tu as porté du médium toute ta vie, tu te sens moins concerné par ces enjeux-là, reconnaît la photographe. Par contre, j’invite les personnes straight size à toujours regarder si les compagnies chez qui elles achètent offrent du plus size, et à regarder quelles sont les tailles proposées au-delà de la leur. En tant que consommateur.trice, on a le pouvoir d’encourager une marque plutôt qu’une autre. C’est aussi ça l’inclusivité. »

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La Bobettes Quest, the sequel

« Depuis le début de ma démarche, plusieurs compagnies m’ont approché pour que je leur donne des conseils, m’explique celle qui souhaite faire de la Bobettes Quest un projet constructif avec des répercussions concrètes. Par exemple, une compagnie montréalaise, qui fait parfois des bobettes sur mesure pour les personnes plus size, mais qui souhaite éventuellement en commercialiser, m’a approchée et m’a envoyé un prototype de bobette 3X pour que je leur donne mes commentaires. C’est positif. Je me dis que j’ai peut-être un avenir de consultante on the side, pour aider les compagnies avec le marché plus size, dans la production, mais aussi dans le marketing. »

«J’ai senti que certaines entreprises étaient réceptives à proposer des modèles plus cute, plus sexy, mais pas encore assez.»

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Julie a également contacté d’autres compagnies québécoises, qui arrêtent leur production à XL, mais dont elle aime les modèles, pour savoir s’il y avait une intention de leur part de faire de jolies bobettes plus size. « J’ai senti que certaines entreprises étaient réceptives à proposer des modèles plus cute, plus sexy, mais pas encore assez, avoue Julie. J’ai dit à une des compagnies en question: “Si vous faites des beaux kits de lingerie taille plus, vous allez être la seule marque québécoise à le faire. Il y a un beau marché à combler. GO! »

Donc la prochaine fois que vous magasinerez de la petite lingerie cute, pour la Saint-Valentin ou pas, assurez-vous donc qu’il existe des tailles au-delà de la vôtre avant de passer à la caisse! En plus d’être hot, ce serait un beau geste d’inclusion!