.jpg)
Publicité
On a voulu en savoir plus sur ceux qui ramassent nos poubelles en courant derrière un camion qui n’a jamais l’air d’avoir envie de les attendre. Simon Lamothe, un ex-éboueur, a entendu notre appel. Témoignage vérité d’un gars qui a eu les deux mains dedans.
Ce texte est extrait du Spécial RUE, en kiosque dès maintenant ou disponible en version PDF sur la Boutique Urbania
Lorsque j’étais plus jeune, comme beaucoup d’enfants, j’étais fasciné par ces gros camions et ces gars un peu fous qu’étaient les vidangeurs.
Un jour, un de mes amis m’a appelé pour me dire qu’il venait d’être embauché comme éboueur et que son boss cherchait d’autres gars, en bonne forme physique de préférence. Je devais avoir 20 ans. J’avais enchaîné les jobs d’étudiant au salaire minimum et j’y ai vu une possibilité d’avoir une meilleure paye. C’était assez pour que je m’accroche derrière un truck à vidanges pour les cinq années suivantes.
Publicité
À ma première journée, j’ai pris une résolution: j’allais me donner un mois pour m’adapter avant de décider si je continuais ou non ce métier. Je crois que cette résolution a été l’une des plus difficiles à respecter de toute ma vie. Chaque jour de pluie, chaque blessure, chaque heure supplémentaire devenaient des prétextes légitimes pour abandonner. J’ai tenu bon. Après un mois de travail, j’ai réalisé que mon corps pouvait tenir le coup et que le défi psychologique surmonté chaque soir me rendait très fier, presque accro.
La conquête de la rue
Une fois les muscles habitués, ce travail devient un sport extrême où l’enchaînement des mouvements devient si fluide qu’on le croirait naturel. J’étais devenu un athlète de l’ordure, lançant les sacs du trottoir directement dans la cuve, ne gaspillant jamais un pas, ne cessant jamais de courir sauf pour m’accrocher au camion entre deux rues. Je saluais les petits garçons venus apprécier le spectacle, généralement accompagnés de leur mère tout aussi épatée. Un sentiment étrange naissait ainsi en moi : la rue m’appartenait, c’était mon terrain de jeu. J’ai rapidement compris que mon rapport envers ce métier n’était pas le même que pour la plupart des vidangeurs.
Publicité
Pour soutenir ce rythme exigeant, beaucoup d’entre eux utilisaient des amphétamines. Comme la drogue leur donne une énergie plus que suffisante pour accomplir la tâche, je n’en voyais pas d’emblée les effets néfastes. Mais j’ai vite découvert que s’ils ne réussissaient pas un soir à s’en procurer, il leur était impossible de trouver l’énergie, la force et la motivation par eux-mêmes. Ils devenaient des poids insupportables et rendaient les soirées interminables.
Afin de continuer à apprécier ce métier, je me suis arrangé pour travailler seul derrière le camion et pour faire équipe avec un chauffeur qui ne consommait pas. Ainsi, j’ai pu garder ce job étudiant sans qu’il ne gruge mon moral pour autant.
Lisez dans la suite dans le Spécial RUE, en kiosque dès maintenant ou disponible en version PDF sur la Boutique Urbania
Publicité