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La belle-mère de Cendrillon n’avait pas tout à fait tort.
À 35 ans, j’étais célibataire et les statistiques me disaient que le prochain chéri aurait probablement de la marmaille. J’avais fait la paix avec cette nouvelle réalité et bonne chose, car l’année suivante, en tombant amoureuse d’un beau “FILF” aux tempes grisonnantes, je suis devenue par la bande, une figure parentale pour un prépubère de 11 ans.
Quatre années plus tard nous y voilà, le prépubère est en plein dans le pubère. Un ado allumé, poli, bien éduqué qui réussit relativement bien à l’école sans que personne dans la maisonnée ait besoin de s’arracher les cheveux, ou ait envie de lui arracher les siens.
S’obstiner avec son ado c’est chiant, mais s’obstiner avec l’ado de son/sa partenaire c’est double chiant.
Mais comme la plupart de son espèce, ses mouvements sont devenus tous plus lents les uns que les autres, surtout lorsqu’il s’agit d’une tâche ménagère. Je crois aussi qu’articuler fera exploser sa matière grise, et il a toujours raison, sur tout. Même lorsqu’il a tort. Même lorsqu’il sait qu’il a tort. Je le soupçonne de penser que les adultes ne comprennent rien du cul ni de la tête alors il tient son bout. Pendant ce temps, nous les adultes, on se dit qu’il ne comprend rien du cul ni de la tête et qu’il ferait un bon avocat. Une relation parent-ado classique, je crois.
S’obstiner avec son ado c’est chiant, mais s’obstiner avec l’ado de son/sa partenaire c’est double chiant. C’est tabou même, on ose pas avouer, que parfois, t’as envie de le shiper dans le grenier pour lui faire laver les planchers jusqu’à ce que son attitude de prince se calme. Ta patience est encore plus mise à l’épreuve que celle de son parent, car tu n’as aucun flashback de sa tendre enfance qui sert de tampon pour absorber son nouvel air insolent d’être supérieur qui sait tout.
La première année de cohabitation, je me disais que j’étais une mauvaise personne de ne pas l’aimer comme ses parents l’aiment.
T’as jamais vu ses petites dents pousser, tu l’as jamais bercé, (rendu à cet âge-là ce serait trop weird anyway) tu ne l’as jamais vu partir à la maternelle avec son sac-à-dos trop grand, tu n’as donc aucun souvenir doux en banque qui sert à allonger ta mèche.
Et c’est la même chose pour lui, quand je lui demande d’arrêter de gosser sur un de ses écrans pour venir vider le lave-vaisselle il ne se souvient d’aucun « béqué bobo ». Il voit surtout une madame qui l’empêche de battre son record.
La première année de cohabitation, je me disais que j’étais une mauvaise personne de ne pas l’aimer comme ses parents l’aiment, après tout, on vivait ensemble plus qu’une semaine sur deux et les mères adoptives ainsi que les familles d’accueil semblent capables d’aimer les enfants des autres comme les leurs… Ensuite, j’ai réalisé que je n’étais ni sa mère, ni sa mère adoptive, ni sa famille d’accueil, mais bien la conjointe de son père et qu’à ma grande crainte, il n’existait aucune garantie que l’amour se pointe entre nous deux. C’est donc à partir de cette réalité que j’ai bâti notre relation ado-belle-mère, un mini pas à la fois.
Personne t’enseigne à devenir une belle-mère. Ça s’apprend sur le tas.
D’ailleurs j’haïs ce titre. Une belle-mère c’est la mère de ton amoureux/se, pas la blonde de ton père. Demi-mère, c’est encore pire, on dirait qu’il lui manque des membres. Faudrait que la langue française s’y mette et trouve quelque chose de mieux. Je propose ma reine, mais ça c’est juste moi.
Personne t’enseigne à devenir une belle-mère. Ça s’apprend sur le tas. Je me suis dit : « si nous manquons de souvenirs, créons-en alors. De cette façon, lorsqu’on se tapera sur les nerfs, on aura du bonheur de canné pour passer au travers. » Depuis, on se réunit autour d’un jeu de table, on écoute parfois les mêmes shows télé, je l’amène voir un show d’humour, il me parle de son dernier jeu vidéo et avec lui, je ris de bon cœur. Il est drôle le petit maudit. …Bref, on passe du temps plaisant ensemble, pour mieux s’apprécier la prochaine fois qu’on se fera suer.
Depuis presque un an, l’ado est devenu grand-frère. On lui a rapidement fait savoir que chez nous, il n’y a pas de demi-mesure, « vous partagez les mêmes gènes, vous êtes des frères, point.» Je le regarde s’occuper de son frère, mon fils, et je le vois s’acharner à le faire rire au souper et parfois le prendre lorsqu’il pleure. C’est beau et à chaque fois, ça gonfle mon cœur de mère, devenu assez grand pour aimer ce grand ado.
Maintenant c’est cool, de temps à autre, j’en ai deux que j’ai envie d’envoyer dans le grenier.
Pour lire un autre texte de Mélanie Couture : «Nous sommes encerclés d’épais».