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La Bell affaire

Par
André Péloquin
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Où notre blogueur voulait envoyer un courriel à Bell, mais a finalement préféré le déposer ici; le site de l’entreprise étant incroyablement labyrinthique…

Salut Bell,

J’ai soupé en famille dans un restaurant de mon patelin vendredi dernier. C’était correct. Les tacos étaient délicieux, mais la salade s’est avérée plutôt ordinaire. Le service était pas pire, mais je m’égare.

En attendant l’entrée, je feuilletais maladroitement le Journal de Montréal avec mon frère, puis je suis tombé sur un de tes récents cris du coeur : des pages publicitaires où tu mousses soyonsequitables.com, un site où toi, Rogers et Telus dénoncez l’implantation potentielle de Verizon au Canada, une entreprise américaine qui veut jouer dans vos plates-bandes, suite à des modifications apportées par le Gouvernement Harper (™), afin de stimuler la concurrence dans l’industrie. En gros, toi et les deux autres rouspétez, car vous ne jouirez pas de ces alléchants nananes offerts par notre Premier ministre et sa bande.

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Tout ça pour te dire que j’ai lu la pub et les témoignages qui viennent avec… et j’ai ri.

J’ai ri, Bell!

J’ai ri, puis la salade est arrivée.

Puis, de retour à la maison, j’ai visionné la vidéo sur ton site.

La musique de polar, les intervenants qui font leurs petits yeux de biches, les hypothèses lancées comme des faits (avez-vous pensé à nos emplois? Aux régions? À l’exemple que le gouvernement donne à nos enfants!?).

Je m’excuse, mais là, j’en ai ri aux larmes! J’en ai digéré mes tacos sur le champ, même! Merci encore!

Laisse-moi t’expliquer pourquoi.

Soyons clairs. Je suis loin de voir la venue de Verizon comme une bonne nouvelle.

Bien sûr, l’implantation du géant américain pourrait faire en sorte que les Telus, Rogers, Bell, voire Vidéotron proposeraient soudainement des forfaits alléchants (ou « justes normaux » si on compare, par exemple, des offres d’une province à l’autre), mais cette joute devrait durer qu’un moment, car Verizon ne s’installe pas au Canada que pour emmerder ses voisins, mais bien pour faire un profit avec une clientèle dont l’écoeurement pour ses principaux fournisseurs Internet a dépassé nos frontières.

Malgré tout, revenons à ta campagne aussi maladroite que rigolote.

« Soyons équitables ».

Bonne idée… mais quand l’as-tu été, Bell?

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En juin dernier, la CBC rapportait que deux stagiaires venaient de déposer des plaintes contre toi, jugeant que leur expérience chez toi relevait davantage de l’emploi sans salaire que d’un véritable stage.

En juillet, le CRTC s’opposait à ta demande de doubler le tarif des téléphones publics malgré ta menace de les retirer si l’augmentation était refusée. Primo, 1 $ pour un appel qui se résume souvent à « c’est quoi déjà que tu voulais à l’épicerie? » ou encore « je suis repérée Morpheus! Sors-moi de là! »?. Es-tu tombé sur la tête!? Secundo, OK, ton raisonnement peut être justifié – les téléphones publics sont de moins en moins utilisés, patati, patata -, mais, de l’autre, on pourrait (je dis bien : pourrait) croire que la hausse exigée est exagérée afin de, justement, tenter de limiter l’accès aux téléphones publics et, par conséquent, doper ton marché de téléphones cellulaires qui est beaucoup plus lucratif.

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Oh, et pendant que les fournisseurs européens réduisent leurs frais d’itinérance, toi et tes potes salez toujours les factures à outrance (40 $ pour 100 Mo à écouler aux États-Unis?

J’suis sans doute pingre, mais je trouve tout de même que ça fait cher le téléversement de vidéos et de photos #envoyage, #tellementlefun, #commentçasefaitqueçamecoûteaussicherauretour!?

Pour revenir à ta démarche, ça passerait peut-être mieux si c’était « filtré » par tes porte-paroles castors ou encore Benoît Brière et ses clones, mais Bell elle-même, une entreprise connue dans la culture populaire pour avoir un service à la clientèle terrible (assez pour garnir un Tumblr, en tout cas), qui cherche maintenant l’appui du public au nom de l’équitabilité?

Avoue, quand même! C’est très, très, très drôle, non?

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Pire encore, cette publicité – où 8 Canadiens sur 10 seraient d’accord (bien qu’on doute que 80 % de la population suive ce dossier avec autant d’attention) – est basée sur des données manipulées.

La cerise sur le sundae : au bas de la page, après cette enfilade de commentaires alarmants (on va jusqu’à mentionner que la venue potentielle de Verizon pourrait nuire aux retraités!), on note – en tout petit, comme une clause de contrat qu’on regrettera des mois plus tard – que ces interventions ne sont pas approuvées par les personnes citées et que celles-ci n’appuient pas nécessairement la démarche de Bell.

Te rends-tu compte, Bell? Même quand tu te montres sous ton meilleur jour pour nous plaire, ô consommateurs aigris, t’as un as dans ta manche!

Mais bon, en ce qui concerne Verizon et les manigances d’Harper, je te suggère de faire comme tes clients mécontents.

Bref, deal avec.

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