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Lors de mon passage à CISM, j’ai autant été animateur qu’adjoint à la programmation (le terme poli pour « secrétaire ») et membre du comité musical. J’avais donc un accès privilégié à la « cismothèque » (le surnom qu’on donnait à la discothèque à cette époque… est-ce toujours d’actualité?). Il m’arrivait de m’égarer dans celle-ci, de rester pantois entre deux rangées. Y’a tellement de disques! Des centaines et des centaines de CDs et de vinyles classés par styles et ordonnés chronologiquement. Non seulement on y perdrait des mois, voire des années, à écouter chaque album de la première piste à la toune cachée de la fin. Pire encore! Chaque semaine, une nouvelle fournée s’ajoutait. Des mois, voire des années, qui s’évaporent assis sur une caisse de lait, des écouteurs scotchés aux oreilles, coincé entre deux rangs de musiques bien cordées. Des mois, des années… jusqu’à aujourd’hui.
Avez-vous eu le mémo? La créativité est en congé sans solde.
Ce lundi, Jozef Siroka rapportait sur son blogue qu’un cadre de Disney a révélé lors d’une conférence que sa boîte allait bientôt se consacrer davantage aux « tent poles », des films qui cartonnent au box-office en exploitant des séries archi connues (comme les Pirates Of The Carribean et autres Transformers) ou en reprenant une histoire désormais canonique (ex. : Alice In Wonderland). Outre le fait que ses longs métrages ont accumulé assez de millions pour nourrir plusieurs pays sous-développés pendant des années (ou pour mettre en ligne des dizaines et des dizaines de sites de la SAQ, tout dépendant de votre unité de mesure préférée), on remarquera que ceux-ci ne sont que de pâles copies de concepts éprouvés: Pirates Of The Carribean est une adaptation d’un manège, Alice In Wonderland est, bien sûr, un classique de la littérature alors que Transformers était du « crack » pour enfants disponible sous forme de jouets et dessins animés.
Sans pouvoir parler de « tendance actuelle » (après tout, Le voyage dans la Lune de Méliès date de 1902 et est essentiellement une « mise en scène filmée » d’un bouquin de Jules Verne), on peut tout de même constater que le processus – maintenant plus lucratif que jamais à en juger par les recettes des artisans et producteurs qui s’élance dans ce sillon – est aussi de plus en plus prisé, on pourrait même dire est systématique. Prenez le week-end dernier par exemple. Deux des cinq « blockbusters » les plus courus en ce moment au Canada – Conan The Barbarian et Fright Night – sont des adaptations de films des années 80 qui n’ont captivé à peu près personne sauf quelques geeks. C’est fou quand même! On en est à remâcher des pétards mouillés dont tout le monde se contrefiche aujourd’hui! C’est comme si des artistes québécois dévoilaient un album de reprises d’un groupe réputé kitsch comme la Compagnie Créole (oh… désolé!). Et le pire, c’est que ça marche! Les chiffres en témoignent!
Bien sûr, le Québec n’y échappe pas. La preuve? Le succès de Sur le rythme (ce long métrage qui, selon les critiques, glane ici et là des éléments de nombreux bides pour ados arpentant la même piste de danse). Malgré la grogne populaire autour de la surdose de « covers », l’ADISQ lui consacre une catégorie depuis quelques années lors de son gala annuel et des artistes de plus en plus oubliables en rajoutent. On s’entend que personne ne souhaitait tomber sur une reprise d’ « Entre l’ombre et la lumière » de Marie Carmen (!?) par Boom Desjardins et Annie Villeneuve (!?!?) à la radio. PERSONNE!
Qu’on remplace peu à peu les journalistes culturels par des mercenaires abonnés au « J’adore! », ça va. Bien que ça morcèle le vote, les bannières séparatistes peuvent se multiplier à qui mieux mieux (en fait, chaque ressortissant du BQ devrait mettre en branle son propre collectif indépendantiste qui, en tant de crises, pourrait se joindre aux autres pour former un gros robot à la Power Rangers). Mais reprendre de façon mollassonne des produits culturels de série Z que pour le clique, le « like », le « +1 » ou l’argent, c’est foutrement triste.
Après tout, en 3D ou pas, avec ou sans la voix de Marie-Mai, un film sur les Schtroumpfs demeure une adaptation d’un dessin-animé-qu’on-écoutait-juste-parce-que-y’avait-pas-de-Pierrafeu-qui-jouait-au-même-moment (sans blague, vous connaissez des inconditionnels des bonshommes bleus de Peyo? Ça n’existe pas! C’est comme les amateurs des Porn Flakes. Y’en a, mais personne ne peut en nommer un). Sans prôner une certaine forme d’élitisme, je crois tout de même que l’offre est plutôt anémique pour les consommateurs qui voudraient juste s’offrir du bon temps (culturellement parlant, of course).
J’suis sûrement un peu naïf, voire débile léger, mais j’aime croire que le risque et l’originalité peuvent être lucratifs ET divertissants (autant ici qu’ailleurs). Suffit de trouver comment…