Le nom ne vous dira peut-être absolument rien. Faut dire qu’on ne parle pas ici du groupe le plus conventionnel ou radio-friendly de tous les temps, mais les gars de King Gizzard & The Lizard Wizard restent, à mon humble avis, les plus grands génies musicaux de la dernière décennie.
Certaines mauvaises langues diront que ce n’est pas bien difficile en cette ère de productions tournées vers la pop et le trap, mais reste qu’on a pu voir l’arrivée de plusieurs artistes de talents depuis 2010. On peut penser à Kendrick Lamar ou son saxophoniste Kamasi Washington, Kaytranada, Beach House, Lorde, Migos, St Vincent, Death Grips, Deafheaven ou encore Father John Misty pour ne nommer que ces artistes déjà légendaires ou en voie de l’être, mais il ne faut absolument pas sous-estimer KG&TLW! Voici pourquoi en 5 raisons.
L’énergie
Formé en 2010 à Melbourne, le septuor psychédélique australien n’a jamais vraiment pris de pause depuis. Déjà fort de deux EPs, le groupe sort en 2011 des jam-sessions dans le confort de son studio pour l’un de ses premiers gros shows au Meredith Music Festival. Il gardera par la suite un rythme régulier d’environ un album par année jusqu’à aujourd’hui, et ce sans presque jamais arrêter de tourner. On a déjà pu les voir à quelques reprises à Montréal, dont leur dernier passage dans un Olympia rempli à bloc. Comme quoi leur mythe se bâtit peu à peu à coup de performances survoltées, peu importe l’épuisement et la longueur de la route.
La polyvalence
Si le groupe est toujours resté dans les limites floues de ce que l’on décrit comme du rock psychédélique, force est de constater qu’ils les ont repoussées à de nombreuses reprises. Leurs premiers EPs sont assez classiques, mais témoignent d’une recherche sonore et d’une spatialisation intéressante, alors que les trames de voix sont enregistrées par 4 iPhones disposés autour de Stu, le leader de la formation. Sur leur 2e long-jeu, Eyes in the Sky, le groupe se tourne vers la musique western et le southern rock, avant de changer d’idée pour se réorienter vers des horizons plus folk pour la 3e offrande. Le groupe explorera par la suite la musique 60’s, le jazz fusion, le métal stoner, le garage et le rock progressif notamment. En 2017, alors que le groupe a lancé cinq albums en un peu moins de douze mois, on a entendu tour à tour du blues microtonal, un space opera, un album funk-rock inspiré de Miles Davis et enregistré aux côtés des Américains Mild High Club, un détour par la prog remplie de cithares et finalement un retour au psyché plus conventionnel.
Le leader charismatique
Je veux dire, les membres ont tous l’air assez malades, mais Stu Mackenzie gagne quand même la palme haut la main. Avec une dégaine de redneck assumée et l’énergie inquiétante d’un cocaïnomane en manque sur plusieurs albums, il donne à l’ensemble un côté tangible qui lui permet de rester toujours aussi facile à reconnaître. Malheureusement, King Gizzard ne serait rien sans Stu, mais l’inverse est également fort plausible.
La quantité ne vient pas over la qualité
Avec quatorze albums et deux EPs en 8 ans environ, il serait facile de se laisser aller et de tomber dans une production inégale, mais pas pour KG&TLW. Chacune de leurs sorties s’inscrit dans un objectif d’exploration et de réinvention toujours aussi pertinent. Prenons par exemple I’m In Your Mind Fuzz : l’album s’ouvre sur un enchaînement de chansons sans aucune pause à un rythme presque épuisant, mais basé sur un principe de leitmotiv particulièrement intelligent. Certains de ces motifs seront d’ailleurs réutilisés sur d’autres albums, comme Nonagon Infinity. Les gars ont aussi appris un paquet d’instruments peu communs comme la cithare, la zurna, de la flûte traversière ou le theremin, et ce parfois pour une seule chanson. On n’est pas dans la facilité là! Et finissons en mentionnant que quatre de leurs albums sont ouvertement décrits comme des albums concepts, mais que l’argumentation soutenant un nombre de six se vaudrait également.
Le fun
Même si chaque album est profondément réfléchi et explore de nouveaux mondes sonores, le fun qui en ressort reste chaque fois mémorable. On a immanquablement le goût d’explorer le désert australien, une petite frette à la main, avec le gars à chaque écoute. Et ça paraît qu’eux aussi ont du fun à nous offrir les étranges merveilles qui sortent de leur tête! Prenez tout simplement l’un de leurs derniers singles, Cyboogie, une chanson à tendance électro dansante qui se veut une ode au boogie et à la disco, dont la force réside dans une entêtante répétition. Difficile de ne pas sourire en écoutant ça!
Voilà donc mes états d’âme sur King Gizzard & The Lizard Wizard. Je ne dis pas que c’est assurément le groupe ou l’artiste le plus important de la décennie, loin de là. Je ne crois pas qu’ils vont influencer la prochaine génération de musiciens, ils ne sont pas si connus que ça, ne font pas encore déplacer des foules et n’ont pas réinventé la musique non plus. Mais leur capacité à repousser leurs propres limites et à offrir des albums qui ne cessent de me jeter littéralement par terre à chaque fois méritent tout de même une énorme considération dans les formations les plus géniales des années 2010 à 2020!
Pour finir, voici dans l’ordre mes albums préférés du groupe. Je suis intéressé à voir vos tops 14 également dans les commentaires!
1. I’m In Your Mind Fuzz
2. Sketches of Brunswick East
3. Polygondwanaland
4. Papier Mâche Dream Balloon
5. Fishing for Fishies
6. Nonagon Infinity
7. Oddments
8. Flying Microtonal Banana
9. Float Along – Fill Your Lungs
10. Murder of the Universe
11. Quarters
12. Eyes Like the Sky
13. Gumboot Soup
14. 12 Bar Bruise