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Kim Kardashian et le commerce du désir
Cette semaine, le rockeur antédiluvien Jon Bon Jovi y est allé d’une sortie gratuite contre Kim Kardashian sur le plateau de l’émission Australienne The Sunday Project: «Mais que vas-tu mettre dans ton autobiographie? J’ai fait un porno et j’suis devenue célèbre?» a-t-il raconté avec un air satisfait.
Bon, je sais déjà ce que vous allez m’dire. Attaquer gratuitement Kim Kardashian, c’est très 2015 comme technique de marketing. Et vous avez raison.
Mais j’ai trouvé cette sortie intéressante pour deux raisons: 1) elle marque clairement le fossé entre les manières de pensées de la génération X et des millenials et 2) c’était un peu, beaucoup hypocrite de la part d’un chanteur qui est devenu célèbre pour des raisons étrangement similaires.
Comment est-ce que Kim Kardashian est devenue célèbre?
Si vous n’avez pas vu ce sex tape, vous ne manquez pas grand chose à part qu’on y apprend que Ray J a la graine croche. Et ce genre d’apprentissage, ça ne se désapprend malheureusement pas.
La premier coup d’éclat de Kim Kardashian, c’était bel et bien un porno. En février 2007, un sex tape mettant en vedette le chanteur R&B Ray J et celle qui deviendra la madone du XXIe siècle leak mystérieusement sur les internets. Si vous n’avez pas vu ce sex tape, vous ne manquez pas grand chose à part qu’on y apprend que Ray J a la graine croche. Et ce genre d’apprentissage, ça ne se désapprend malheureusement pas.
Anyway, le monde fut fasciné, émoustillé et horrifié, comme ils l’ont été à la découverte du sex tape de Paris Hilton quatre ans plus tôt. Et à la découverte du sex tape de Pamela Anderson à cette époque désormais lointaine qu’est le XXe siècle.
Ce mystérieux incident entrainera une poursuite contre le distributeur du film Vivid Entertainment. Une procédure qui se terminera en un règlement hors cours pour la modique somme de 5 millions de dollars. Pour Kim Kardashian, c’était la pierre d’assise scellant la fondation de son empire.
Au cours de la décennie suivante, elle lancera une émission de télé réalité, une ligne de vêtements, de parfums, de bijoux, elle se mariera à un basketteur fini pour divorcer 72 jours plus tard, se remariera à une icône culturelle et deviendra le bouc émissaire de tous les bien pensants d’internet qui trouvent ça donc plate que les gens «deviennent célèbre pour rien.»
Parce qu’être une femme d’affaires et une icône de la mode, ça veut apparemment rien dire.
Pourquoi Kim Kardashian est-elle aussi polarisante?
L’explication facile, c’est que la société est sexiste. On n’a jamais pardonné à Kardashian d’avoir fait un sex tape alors que lorsqu’on parle de Gene Simmons ou d’Hulk Hogan, il ne s’agit que de souvenirs anecdotiques. On peut argumenter que Simmons et Hogan n’ont pas basé leur célébrité respective là-dessus, mais si on fait ça, on doit également juger Kim Kardashian pour l’ensemble de sa carrière et son héritage culturel n’a rien à voir avec Ray J et sa graine croche.
Mais le sexisme, c’est juste une partie du problème.
Si on accuse Kim Kardashian de faire la potiche sur les tapis rouges et de promouvoir un style de vie creux et illusoire par le fait même de respirer, c’est qu’on est carrément incapable de voir (ou de comprendre) son oeuvre: elle-même.
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Depuis plus de dix ans, Kardashian redéfinit les standards de beauté à son image. C’est d’ailleurs grâce à elle que les courbes féminines sont devenues à la mode. Elle utilise le désir masculin afin de promouvoir sa philosophie sur la beauté et qu’on soit d’accord ou non, ce n’est rien de nouveau. C’est ce que l’industrie de la mode fait depuis des lustres. Ce qui est nouveau, c’est la manière dont elle s’y prend pour réussir: en utilisant les médias.
Le but premier de Kim Kardashian c’est de se faire regarder. Parce que si personne ne la regarde, elle ne peut pas être désirée. Elle est donc un petit peu coupable de la polarisation à son endroit. Ça l’arrange d’alimenter les discussion et de faire disjoncter les gens en affichant fièrement son corps, nu ou habillé des plus grands couturiers au monde. Elle est à la fois mannequin, designer et inventrice d’un tout nouveau paradigme social de consommation instantanée.
On n’a qu’à regarder une photo de Kardashian et on a l’intégralité de l’expérience. Certains diront que c’est vide, moi j’appelle ça avant-gardiste.
Bien sûr, c’est perçu comme une entreprise vaniteuse par le commun des mortel, mais si on prend en considération que l’image de Kardashian est son produit, en quoi diffère-t-elle des Steve Jobs et Mark Zuckerberg de ce monde? On n’est juste pas habitués à ce qu’il n’y ait aucun médium entre l’entrepreneur et son produit. Et dans le cas qui nous intéresse ici, il n’y en a carrément aucun. On n’a qu’à regarder une photo de Kardashian et on a l’intégralité de l’expérience. Certains diront que c’est vide, moi j’appelle ça avant-gardiste.
Si ça vous choque, demandez-vous pourquoi vous continuez de regarder ses photos et à lui donner de l’importance. Vous comprendrez alors ce que Kim Kardashian vous apporte.
L’hypocrisie de ce bon Jon
Là ou j’ai de la difficulté avec la sortie de Jon Bon Jovi mentionnée en début d’article, c’est que son groupe, aussi iconique soit-elle, a fait ses débuts avec un look savamment étudié, des chansons racoleuses et un public cible: les jeunes femmes.
Dans une business où l’image est cruciale, c’est quand même assez hypocrite de crucifier publiquement la personne qui maîtrise la sienne mieux que tout le monde.
Bien que les lunettes roses de la nostalgie colorent notre souvenir de Bon Jovi parce qu’une quinzaine de leur chansons ont survécu à l’épreuve du temps avec l’aide des machines de karaoke, ils étaient à l’époque une bande de jeunes coquins permanentés qui se brassaient les fesses devant des arénas remplis de jeunes femmes en délire. Ils ont utilité leur image pour se rentre où il sont. Si Jon Bon Jovi ressemblait à Mad Dog Vachon, Bad Medicine, You Give Love a Bad Name et Bed of Roses n’auraient jamais quitté les rives du New Jersey et/ou auraient été chantées par d’autre monde.
Dans une business où l’image est cruciale, c’est quand même assez hypocrite de crucifier publiquement la personne qui maîtrise la sienne mieux que tout le monde. Surtout venant de quelqu’un comme Jon Bon Jovi qui cultive sa propre image publique depuis plus de 30 ans avec sa coupe de cheveux style «Matante Johanne» comme l’a si bien baptisée ma collègue Audrey.
Y’a un peu de jalousie là-dedans. Bon Jovi a eu un hit et demi ces 20 dernières années. It’s My Life et Have A Nice Day. J’ai l’impression que c’bon vieux Jon se sent dépassé et que ça le fait chier que quelqu’un connaisse du succès à un jeu dont les règles ont changé pendant qu’il était occupé à faire la tournée des arénas.
La célébrité, c’est en partie le commerce du désir. Et si y’a bien quelqu’un qui le fait de manière assumée, c’est Kim Kardashian. Get over it, Jon. T’es vieux.