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Kevin Lapierre, de OD à Big Brother

Entrevue entre célébrité et vitamine D.

Par
Francis Boilard
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*L’auteur est professeur de sociologie

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Un Zoom avec Kevin Lapierre. Après avoir étudié ses deux saisons d’OD, après avoir noté ses quotes de Big Brother pour tricoter des analyses dans mes fichiers Word, ça laisse un sociologue fébrile. J’allais enfin pouvoir poser ma batterie de questions sur les téléréalités… J’ai eu accès à un Kevin souriant, humble, content de dormir dans sa chambre et surtout très généreux dans ses réponses.

Kevin et la visibilité

Kevin ne se perçoit pas comme une « célébrité » et pense que ce terme colle mieux aux autres participants de Big Brother. En fait, ce qui le distingue de ses collègues de l’UDA, c’est le chemin emprunté pour devenir connu. Il semble qu’aux yeux de Kevin, le canal des téléréalités ait moins de valeur qu’un parcours d’acteur, de chanteur ou d’humoriste. Somme toute, il reconnaît qu’il y a maintenant une différence (de visibilité) entre lui et la majorité des gens. Cela change ses relations sociales, de même que ses rencontres amoureuses : « C’est un peu bizarre de rencontrer des gens qui savent déjà t’es qui ». De ce point de vue, la COVID facilite sa vie en public : « […] j’apprécie beaucoup le fait d’avoir à porter le masque, ça me permet de me fondre dans la masse ». Kevin veut se faire connaître tout en conservant un minimum d’anonymat.

Quand Kevin a compris qu’il serait payé 6000$ par semaine, il a «lâché [son] téléphone pour pousser un cri»

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Reste que trois téléréalités en moins de deux ans, c’est beaucoup d’exposition. Environ une semaine après OD Chez Nous, la prod de Big Brother lui a demandé d’agir à titre de remplaçant potentiel. Kevin était déjà prêt à se lancer « le couteau entre les dents ». Comme un combattant du UFC gardé stand by par Dana White. Début janvier, son agente l’a recontacté pour confirmer sa place avec les célébrités. Quand Kevin a compris qu’il serait payé 6000$ par semaine, il a « lâché [son] téléphone pour pousser un cri ». Cela dit, l’argent n’était pas sa principale motivation : il considérait surtout BBC comme « un tremplin qui peut le propulser plus loin dans la sphère médiatique ».

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La trahison des célébrités

Parler avec Kevin, ça expose le montage de Big Brother. Durant l’épisode 45, on voit Camille et Kim célébrer sa mise en danger pendant qu’il pleure dans l’isoloir. Pourtant, c’est plus tard durant le souper qu’il s’est dirigé vers le confessionnal : « C’est là que j’ai décidé de laisser aller les émotions que j’avais refoulées au cours des 12 dernières heures ». Par la suite, il a jasé pendant 2h30 avec un gars de la régie, à travers un haut-parleur, en partageant des bières avec lui sans le voir. Une bribe d’histoire totalement surréaliste. À sa sortie de Big Brother, Kevin a « trouvé ça rough de revoir les émissions ». Surtout que le show qu’on nous présente contraste avec ce qu’il a vécu dans le quotidien avec Camille. Sa confiance en elle allait « au-delà du jeu ».

Big Brother, c’est une machine à produire de la conformité. Une thèse confirmée par les engelures des seins de Jean-Thomas.

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La volte-face orchestrée par Camille se déploie avec Rave Brother. À savoir s’il avait une « attitude négative » pendant ce challenge, Kevin se montre ambivalent. D’un angle sociologique, son refus de danser (avec le sourire) pendant 19h peut se lire comme une résistance à Big Brother. Une genre de révolte face au système, qui demande aux célébrités de sacrifier une partie de leur santé en échange de récompenses. Et durant les challenges, tout le monde veut que tout le monde paye le prix, coûte que coûte, que ce soit logique ou non. Par conséquent, Camille se met en colère devant un Kevin « pu capable » de se dandiner sur du beat après une nuit blanche… ce qui ouvre la porte à son exclusion du groupe. Big Brother, c’est une machine à produire de la conformité. Une thèse confirmée par les engelures des seins de Jean-Thomas.

Inside Big Brother

« Big Brother j’ai vraiment trouvé ça plus éprouvant [que OD] » raconte Kevin. Les participants ont accès à des cartes, un jeu d’échecs, une table de Ping-Pong, etc. Sauf qu’ils ne quittent jamais leur périmètre de surveillance. Pas même pour une marche à l’extérieur du Manoir durant leurs journées de pause. Le seul espace auquel ils ont accès à l’extérieur, c’est le balcon gris des vapoteurs. Sur ce balcon, il y a un tout petit coin avec un peu de soleil le matin, de 7 h 30 à 8 h 00 environ. C’était le spot de Manu, qui buvait son café en se rappelant que son personnage d’Histoire de pen avait accès à une plus grande cour. Quant à Kevin, il a passé deux mois sans qu’une lumière naturelle ne touche sa peau. Il faut dire que la prod fournissait la vitamine D.

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Se faire filmer 24h /24, c’est stressant. « Il faut que tu prennes conscience que t’es tout le temps filmé, pour faire attention à ce que tu dis ». En même temps il faut aussi lâcher prise, « ne pas penser aux caméras » pour éviter l’épuisement. Un équilibre difficile à maintenir. Quand les caméras se déplacent pour suivre une conversation, elles font du bruit et rappellent leur présence. D’ailleurs, si des célébrités disaient quelque chose qu’elles n’étaient pas prêtes à assumer devant le grand public, elles pouvaient aller au confessionnal pour demander à la prod de supprimer l’extrait. Les candidats d’OD n’ont pas le même droit à leur image.

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Socrate –> Kevin

J’ai commencé mon entrevue avec Kevin en lui parlant du livre A History of Knowledge, qu’il lisait durant sa dernière semaine à Big Brother. La couverture du bouquin avait capté mon attention. C’est une peinture de l’école de Platon. Dans certaines œuvres Socrate affirme : « Tout ce que je sais c’est que je ne sais rien ». En même temps, grâce à Kevin, on en sait quand même plus sur les téléréalités. Ça m’apparaît essentiel de le remercier, pour son partage et l’humanité dont il a fait preuve durant son témoignage.